- 11 – Jean Louis MURAT … « Il faut aimer ce qui nous a fait » … 1ère partie …

Aujourd’hui … 28 janvier 2011Jean-Louis MURAT  à … 59 ans !

Bon anniversaire Monsieur MURAT.

Je ne suis pas certain que vous soyiez attaché à ce genre de message. A la campagne, dans les années 60 … que l’on soit d’Auvergne ou de Bretagne … il y a tant à faire … Il y a bien d’autres préoccupations … Dans une famille où … les mots sont rares … on ne se dit pas … “Bon anniversaire” …

L’enfance de MURAT  n’aura pas été facile … le divorce de ses parents et les silences qui l’accompagne en disent long sur la souffrance supportée … Malgré tout … MURAT nous assène ce message …

 

“IL FAUT AIMER CE QUI NOUS A FAIT” …

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Jean-Louis BERGHEAUD naît le 28 janvier 1952 à Clermont-Ferrand. De ses parents … on sait très peu de choses. Le père était menuisier charpentier et la mère couturière. La séparation d’entre les parents (très tôt, mais il est assez grand pour voir ce qui se passe …) va laisser des traces indélibiles. Ne jamais en parler, ne jamais prononcer les prénoms de ses père et mère atteste de vraies souffrances …   Il restera quinze ans sans les revoir. Il sera élevé par Thérèse et François les grands parents paternels.

“L’inconvénient d’être né quelque part … entre Tuilière et Sanadoire” …

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Au vue de  cette image bucolique du Puy Sancy … difficile de comprendre le  sens de cette phrase … 

Pourtant, les paroles de cette magnifique chanson … sont lourdes de sens. On y trouve tout et son contraire : le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles, le gazouillis de l’eau des montagnes … la solitude et la dureté de l’hiver … le vieillissement devenu inexorable d’une population rurale  … Et surtout, l’on sent poindre … ce cheminement tranquille et irrémédiable vers notre demeure à … tous …. 

“Oh mon Dieu qui êtes au ciel … laissez nous sur la terre …  qui est parfois si jolie !”

Dans ce milieu,  rude s’il en est, rien ne prédestinait MURAT  à devenir chanteur. Rien … si ce n’est “Le Larousse” qu’il y avait à la maison. Ce premier et seul livre aura constitué pour MURAT une fenêtre salvatrice vers l’extérieur. Lorsque vous n’avez que les vaches à qui parler,  seul le dictionnaire peut vous faire voyager … Merci Monsieur Pierre Athanase LAROUSSE  d’avoir ainsi instruit le petit BERGHEAUD  et par la même de nous avoir permis de lire ces merveilles :

Ami, amour amant

(extraits)

“Sans paravent

En mélodies

Aux quatre coins

De la vie

Tour à tour

Fidèlement

Ami amour amant”

(…)

Pierre Athanase LAROUSSE

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Grammairien, lexicographe et littérateur Français né à Torcy (Yonne) le 23 octobre 1817. Fils d’un charron-forgeron, il passe son enfance dans son pays natal et acquiert dans une modeste école primaire, les premières connaissances qui ouvrent l’esprit de l’enfant à la vie intellectuelle. Doué d’une nature inquiète, curieuse et d’une grande activité d’esprit, il dévore tous les livres qui tombent entre ses mains.

Le dictionnaire constitue donc été la 1ère clef qui,  aura permis à MURAT, d’être ce qu’il est devenu. MURAT saura saisir toutes les opportunités pour s’ouvrir vers l’extérieur. Sur cette page je vais essayer de mettre en exergue ces moments … ces choix cruciaux qui ont fait MURAT.

***

La ferme du grand-père située à 15 kilomètres de LA BOURBOULE, sur la commune de MURAT LE QUAIRE, va constituer la première école du petit BERGHEAUD. Il y apprend la valeur du … travail. Même enfant, on ne reste pas à ne rien faire là où il y a tant à faire. Les animaux seront ses compagnons, ses confidents, ses professeurs, ses amis … A l’école communale il se révèle, timide mais bon élève. Ce nouveau statut ne l’empêche d’aider aux travaux des champs … rentrer le foin  … nourrir les bêtes … Le jeudi après-midi, à l’aide d’une brouette il transporte du fumier chez les voisins, c’est l’occasion de se faire un peu d’argent de poche. L’odeur du fumier qui s’imprègne à ses vêtements lui vaut les moqueries de ses camarades et le dédain des filles … tout “mignon” qu’il soit.

                            Le petit village de Murat la Quaire

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 A sept ans il intègre l’harmonie municipale du village dont son père fait déjà partie. Il va y apprendre le piston et le saxophone ténor.  Premier changement radical : l’entrée au collège climatique de LA BOURBOULE. C’est déjà la ville. Il faut y aller en voiture.  Chaque fois le petit BERGHEAUD  en est malade. C’est pourtant là qu’il va s’ouvrir à la culture …

     Vue du collège de la Bourboule (configuration actuelle)

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Jean-Louis est un bon élève. Il a compris que pour “réussir” il lui faut travailler plus que les autres. Il se réfugie dans le travail … Il aime lire et découvre un poème d’Emile VERHAEREN  qui “parle de p’tits lapins”  … A compter de cet instant “la poésie”va faire partie intégrante de sa vie. Une seconde fois ce sera donc un homme de lettre,  qui va infléchir davantage encore,  la vie du petit BERGHEAUD que tout prédestinait à devenir ouvrier ou paysan …   

    

                  Emile Verhaeren (21 mai 1855 – 27 novembre 1916)

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Né à Saint-Amand près d’Anvers en Belgique, il décède à Rouen. Il est issu d’une famille aisée où le français est d’usage, tandis que dans son village et à l’école le flamand règne en maître. Il intègre l’école des jésuites à Gand puis l’université de Louvain.

Ami de SEURAT, DEGAS et RODIN (entre autre) il est régulièrement reçu à la cour de Belgique. Cela ne l’empêche pas de s’intéresser aux questions sociales et aux théories anarchistes. Dès le début de la guerre 14, il écrit des poèmes pacifistes et lutte contre la folie de la guerre. Au sortir d’une conférence à Rouen, il meurt sous les roues d’un train, poussé par la foule …

Ce n’est pas faute de chercher, hélas je n’ai pu trouver le poème des “p’tits lapins” dont parle MURAT  à Jean THEFAINE. Pour vous donner à aimer Emile VERHAEREN  je vous livre deux poèmes : “Le vent” et “Le village” admirables de simplicité, de véracité …

… Le vent …

Sur la bruyère longue infiniment

Voici le vent cornant novembre,

Sur la bruyère infiniment

Voici le vent

Qui se déchire et se démembre,

En souffles lourds, battant les bourgs

Voici le vent,

Le vent sauvage de novembre.

Aux puits des fermes,

Les seaux de fer et les poulies

Grincent,

Aux citernes des fermes,

Les seaux et les poulies

Grincent et crient

Toute la mort, dans leurs mélancolies.

Le vent rafle, le long de l’eau,

Les feuilles mortes des bouleaux

Le vent sauvage de novembre ;

Le vent mord, dans les branches

Des nids d’oiseaux ;

Le vent rape du fer

Et peigne, au loin, les avalanches,

Rageusement, du vieil hiver,

Rageusement,  le vent,

Le vent sauvage de novembre.

 Dans les étables lamentables,

Les lucarnes rapiécées

Ballottent leurs loques falotes

De vitre et de papier.

Le vent sauvage de novembre !

Sur sa butte de gazon bistre,

Du haut en bas, à travers airs,

Du haut en bas, à coups d’éclairs,

Le moulin noir fauche, sinistre,

Le moulin noir fauche le vent,

Le vent,

Le vent sauvage de novembre.

Le vent sauvage de novembre,

Le vent,

L’avez-vous rencontré le vent,

Au carrefour des trois cents routes,

Criant le froid, soufflant d’ahan,

L’avez-vous rencontré le vent,

Au carrefour des trois cents routes,

Criant le froid, soufflant d’ahan.

L’avez-vous rencontré le vent,

Celui des peurs et des déroutes;

L’avez-vous vu cette nuit là

Quand il jeta la lune à bas,

Et qui n’en pouvant plus,

Tous les villages vermoulus

Criaient, comme des bêtes,

Sous la tempête ?

Sur la bruyère, infiniment

Voici le vent hurlant,

Voici le vent cornant novembre.

***

… Un village …

Des murs crépis, de pauvres toits,

Un pont, un chemin de halage,

Et le moulin qui fait sa croix

Du haut en bas, sur le village.

Les appentis et les maisons

S’échouent ainsi que des choses mortes;

Le filet dort; et les poissons

Sèchent, pendus au seuil des portes.

Un chien sursaute en longs abois;

Des cris passent, lourds et funèbres;

Le menuisier coupe son bois,

Presque à tâtons, dans les ténèbres.

Une pauvresse aux longues mains

Du bout de son bâton tâtonne

De seuil en seuil, par les chemins,

Le soir se fait, et c’est l’automne.

***

Vous l’avez compris, cette rencontre avec MURAT … ce chemin parcouru ensemble … est un prétexte pour mieux connaître ceux qui, à un moment ou un autre, ont influencé le chanteur Auvergnat au cours de sa vie. VERHAEREN  est de ceux-la … Il ne faut pas oublier que MURAT  revendique le fait d’être … poète avant tout.

Ce samedi 29 janvier je reçois sur le forum un message de (jlr) qui m’adresse un copier-coller du poème que j’ai cherché pendant des heures et des heures … non c’est pas des blagues … ce poème de VERHAEREN  qui parle “des petis lapins”et qui est surement à l’origine de la passion de MURAT pour la poésie … Ce qui me rend heureux c’est cette solidarité gratuite entre gens du forum … jlr … je ne le connais pas … mille mercis à lui.

extrait de “Toute la Flandre” :

… L’été dans les dunes …

C’est à mi-côte ;
La fleur de Pentecôte,
Après la fleur de Pâque y pousse
Parmi les mousses.

C’est à mi-côte, au flanc des dunes ;
La hune
Des bateaux blancs s’érige au loin, là-bas ;
Le ciel est bleu et l’horizon lilas,

Le village repose ; et, sur les ailes
Du vieux moulin paralysé,
On écoute jaser,
À menu bec, les hirondelles.

Dans les sables, où se creusent mes pas,
Tout près de moi, je vois les sectes
Tâtillonnes de mille insectes
Aller, venir, tourner,
Miner le sol et s’acharner.

On s’aide ou l’on se bat :
Un intervalle
Entre deux plants de jacobées,
Est un pays où l’on s’installe :
Des pucerons, des scarabées
S’y disputent et s’y piétinent ;
Mince est la touffe d’églantines,
Où brille, au bord d’une venelle,
Le dos jaspé des coccinelles.
Oh ! ce silence entier des dunes, à midi !

Au bord de leurs terriers, les petits lapins prestes,
Sur les mousses du sol chauffé font leurs siestes,

Le flot s’étire au loin, le vent semble engourdi
Mille dents de soleil mordent le sol sans ride,
Rien n’apparaît ; seul un nuage épais et blanc
Se tasse en boule à l’horizon brûlant,
Entre deux monts d’oyats et de sable torride.

Soudain, farouche et haletant
Un battement d’ailes s’entend
Là-haut,
Ce sont les clairs et mantelés vanneaux
Qui s’exaltent, avec des cris,
Au-dessus de leurs nids
Dissimulés à peine,
À fleur du sol, parmi la mousse et les troènes.

Et voici d’autres cris et voici d’autres ailes
Qui s’élèvent et retombent continuelles,
Avec leur ombre ouverte ou refermée,
Sur la grève aplanie et les vagues calmées.
Et les courlis cendrés et les noirs cormorans,
Et la mer d’or qui les reflète ;
Et puis, au loin, le vol en fête
Des pailles-en-queue et des mouettes
Qui s’effeuille, ainsi qu’un bouquet blanc,
Dans l’air étincelant.

Et les vagues qui continuent autour du monde,
Immensément et sans repos,
Sous la clarté miroitante et profonde,
Le rythme ailé de ces oiseaux
.

***

De 5 à 14 ans le petit BERGHEAUD  est amoureux de la même petite fille … amour d’enfance. Plus tard il dira : “En amour c’est ce que j’ai vécu de mieux”. Ses camarades de classe l’obligent à embrasser “son amoureuse” … il en ressent une profonde humiliation. Cinquante ans plus tard, je pense qu’il n’a pas oublié …

A 15 ans, il tombe amoureux d’une certaine Françoise … premiers véritables émois amoureux. Il en parle en ces termes : ” la première fois que j’ai eu la sensation d’aimer, de ressentir un complet sentiment d’abandon (…) Je l’ai revue il y a quelques années (…) il y avait toujours quelque chose d’aussi fort entre nous. C’est pour elle que j’ai écrit amours débutants”.  

Adolescent, Jean-Louis qui est du genre rêveur, il écrit des poèmes et pleure en lisant des romans. Féru de poésie classique et de littérature romantique tourmentée, il se plonge dans la lecture de William BURROUGHS  et de  André GIDE. Avoir 15 ans et avoir  lu “tout” GIDE  n’est pas chose courante ! GIDE  est en effet le 1er écrivain a avoir véritablement marqué le petit BERGHEAUD. Rien d’étonnant, pour qui aime les mots et la langue française GIDE … c’est du bonheur … c’est de la rigueur. Vous lisez GIDE  et vous vous rendez compte que : “tout ce qui se conçoit bien s’énonce clairement” … 

            André GIDE 1869 – 1951

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André GIDE naît dans une famille de la haute bourgeoisie protestante. Son père est professeur à la faculté de droit de Paris. Sa mère est la fille d’un industriel textile de Rouen. Il est élevé dans une atmosphère puritaine. Son père qu’il admirait beaucoup, pour son côté brillant, meurt alors qu’il n’a que onze ans. Il en est très affecté. Il sera élevé au milieu de femmes.

Très tôt il fréquente les cercles littéraires. Il effectue un séjour de deux ans en Tunisie (1893/1895) où il est parti soigner la tuberculose. Il en revient libéré et pour la première fois assume son homosexualité. Il épouse malgré tout en 1895 sa cousine Madeleine pour laquelle il éprouve de l’affection depuis longtemps. Il s’agit d’un mariage blanc qui le restera.

Toute la vie de GIDE  est tiraillée entre le ciel et l’enfer, la liberté et la contrainte morale, entre le bien et le mal. En 1897 il écrit “Les nourritures terrestres”. Avec ses amis écrivains (PROUST Alain FOURNIER – GIRAUDOUX  – MARTIN DU GARD ou VALERY) il prône rigueur et classicisme dans l’écriture. Il s’engage contre le colonialisme (1926), puis en faveur du communisme qu’il finira par honnir au retour d’un voyage en URSS (1936). Il meurt le 19 février 1951 d’une congestion pulmonaire. Avant de mourir il aura ces derniers mots : “J’ai peur que mes phrases ne deviennent grammaticalement incorrectes”.

De façon subjective j’ai choisi dix citations de GIDE pour vous permettre de mieux cerner l’écrivain, de comprendre pourquoi le jeune BERGHEAUD  a aimé cette écriture … classique … où chaque mot est à sa place …

  • Ah ! jeunesse,  l’homme ne la possède qu’un temps et le reste du temps la rappelle (Les nourritures terrestres 1897)

  • C’est le propre de l’amour … d’être forcé de croître sous peine de diminuer (Les faux monnayeurs 1925)

  • C’est parce que tu diffères de moi que je t’aime, je n’aime en toi que ce qui diffère de moi (Les nourritures terrestres 1897)

  • C’est presque toujours par vanité qu’on montre ses limites en cherchant à les dépasser (Journal 1889 – 1939)

  • C’est souvent lorsqu’elle est la plus désagréable à entendre qu’une vérité est le plus utile à dire, et lorsqu’elle risque de rencontrer l’opposition la plus vive. Mails il y a souvent péril à ne point souffler dans le sens du vent (Journal 1889 – 1939)

  • C’est toujours une erreur de dédaigner ce qui peut encore servir (Inventaire général 1949)

  • C’est un grand souci que de penser (Les nourritures terrestres 1897)

  • Car que sert d’interdire ce qu’on ne peut pas empêcher ? (Les faux monnayeurs 1925)

  • Celui qui agit comme tout le monde, s’irrite nécessairement contre celui qui n’agit pas comme lui (Journaux 1889 – 1939)

  • Cesse de croire et instruis-toi (Les nouvelles nourritures 1935)

Que des mots simples qui expriment une idée claire… Voilà un aperçu des lectures du petit BERGHEAUD  à 15 ans … Nous reviendrons vers GIDE dès demain puisque l’occasion va nous être donnée d’évoquer la personnalité de M. OULOUHODJIAN professeur au collège de LA BOURBOULE  … sans doute l’homme qui aura permis à BERGHEAUD  de devenir MURAT 

Nous y voici … Le petit BERGHEAUD  a 15 ans ! Son grand-père vient de mourir. Il découvre le plaisir amoureux … une vraie déception. Lorsqu’il n’est pas à l’école, il rentre à présent chez sa mère. Dans cette modeste demeure la seule vraie fenêtre ouverte sur l’extérieur est le transistor. Encore faut-il avoir l’autorisation préalable de l’emprunter. C’est ainsi qu’il va faire la découverte de deux chanteurs et de deux chansons “made in US” qui vont constituer un véritable électrochoc chez le jeune musicien qu’est l’adolescent BERGHEAUD :

  • Rays CHARLES … “A fool for you” …

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  • Bob DYLAN  … “Like a Rolling Stone” …

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J’écoute Ray CHARLES chanter … J’en ai des frissons dans le dos … j’imagine Jean-Louis allongé sur son lit qui entend cette voix lui perforer les tympans, le coeur, les os … BERGHEAUD  n’est plus tout à fait BERGHEAUD  … MURAT  est en train de naître …  

Nous sommes en 1967

Jean-Louis est en classe de 3ème. Son prof d’anglais, M. OULOUHODJIAN, un arménien, atypique, va le prendre en amitié puis carrément sous sa coupe. Il déclare : “Le soir, j’allais faire mes devoirs chez lui. Il était homosexuel mais il ne s’est jamais rien passé.  (…) Il m’a ouvert à tout. C’est lui par exemple qui m’a fait lire GIDE “Corydon” (…) Ça n’a alerté personne à commencer par moi ! A l’époque c’était interdit. On ne le trouvait pas. (…) C’est le premier livre de GIDE  qu’il m’a fait lire”.

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Quel est donc ce livre … qu’il était interdit de lire à l’époque ? Il est publié en 1924. André GIDE  a 55 ans. Il est au sommet de sa gloire. L’écrivain connu pour sa rigueur et sa droiture y révèle son homosexualité. Avant lui, Marcel PROUST - Oscar WILDE - MONTHERLANT  s’étaient posés les mêmes questions avant de choisir de ne rien dire, de tout cacher. GIDE opte pour la vérité. Il y perdra beaucoup  de ses amis dont Paul CLAUDEL.

“Corydon” le personnage central du livre, est médecin, spécialiste de la cause sexuelle. GIDE  se reconnaît en lui. CORYDON considère que l’homosexualité est aussi normale que sa consoeur hétéro … Il pense  : “qu’il est absurde d’y voir une pratique contre nature mais seulement contre coutume”  …

GIDE  a cette phrase qui résume toute sa pensée : “L’important n’est pas de guérir mais de vivre avec ses maux”. !!! Qui peut dire le contraire ??? En définitive ce livre de GIDE, aride au possible,  plus qu’une  oeuvre littéraire, constitue un acte politique … courageux.

Bergheaud devenu MURAT  n’en démord pas … cette rencontre avec ce professeur aura été : “une chance énorme … un miracle”. On peut quand même s’étonner qu’un enseignant prenne de telles libertés … Je ne suis pas certain que … “GASPARD” faisant une rencontre similaire …  le papa MURAT  soit satisfait et ne trouve rien à redire … Vous ne croyez pas ???? Il n’en demeure pas moins que cet enseignant aura une importance capitale dans le cheminement du jeune BERGHEAUD  vers une carrière d’artiste …

M. OULOUHODJIAN va initier le jeune adolescent au meilleur de la musique américaine :

  • Charlie PARKER

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Surnommé “Yardbird” – né le 29 août 1920 et décédé le 12 mars 1955. Saxophoniste, il aura été l’homme de tous les excès. Addict à l’héroïne, il meurt à 35 ans dans un appartement de New-York. Le médecin chargé de constater le décès fera une erreur de près de 20 ans dans l’estimation de son âge ! On peut dire qu’il sera la 1ère rock star de l’histoire des musiques populaires.  Avant d’écouter sa musique … admirable … voyons ce qu’il pouvait en dire :

“Je ne joue pas de mon saxophone, c’est lui qui joue pour moi”.

 

“C’est pour ça que j’aime le saxophone; si vous ne le vivez pas, ça ne sortira pas de votre instrument”.

 

“D’abord, vous devez apprendre à jouer de votre instrument. Puis vous entraîner, entraîner, entraîner. Ensuite, vous montez sur scène, vous oubliez tout et vous vous laissez aller”.

A présent nous pouvons l’écouter …

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  • John Lee HOOKER

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Né le 22 août 1917, il décède le 21 juin 2001. Sa voix rauque ne s’accompagne que de sa guitare et de son pied qui bat sauvagement la mesure …

Ce qu’il dit … JLM … aurait pu le dire …

“Ça me prend trois jours pour enregistrer un album”.

 

“Durant toute ma carrière, les gens dans le business de la musique ont toujours été les mêmes. Ce sont tous des escrocs”.

Je vous donne à entendre Monsieur John Lee HOOKER 

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 Que du bonheur !

  • T. BONE WALKER

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Né le 28 mai 1910 dans le Texas, il décède le 16 mars 1975.

Guitariste, chanteur et compositeur de blues … il dit :

“Le blues était en moi avant que je naisse … Si vous entendez un type jouer le blues, c’est qu’il a des raisons de le faire”.

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  • Memphis SLIM

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 Né le 3 septembre 1915 il décède à Paris le 24 février 1988. Il s’était installé en France en 1962.

Pianiste, chanteur, compositeur … il parle du blues en ces termes :

“Le blues est dans l’air, le blues est partout”.

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  • John COLTRANE  

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Né le 23 septembre 1926 il décède le 17 juillet 1967.

Saxophoniste.

“Je ne me suis jamais demandé si les gens comprennent ce que je fais”.

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La liste ne serait pas complète si on n’y ajoutait pas …

  • Louis ARMSTRONG

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Né le 4 août 1901 à La Nouvelle Orléans, il meurt en 1971 victime d’une attaque cardiaque.

Virtuose de la trompette, il a une voix râpeuse et une grande maîtrise de l’improvisation.

Il dit :

“Ce que nous jouons c’est la vie”.

 “Le rang ne confère ni privilège ni pouvoir, il impose des responsabilités”.

 “En grande partie, ce que nous appelons “management” consiste à compliquer le travail des gens”.

“What a wonderful world …”

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So beautiful !!!!!

De temps en temps tout ou partie de ce beau monde se retrouve pour faire une “jam”

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Pas étonnant que le 1er disque acheté par le jeune BERGHEAUD soit “Tupelo Blues” de John Lee HOOKER … 

Lorsqu’il parle de ces musiciens noirs américains, MURAT  dit :  “Ils ont l’âge de mon grand-père”. Il est d’autres artistes outre-atlantique qui vont avoir une influence énorme sur la carrière de l’Auvergnat : DYLAN – COHEN – WYATT  – JJ CALE  … nous y reviendrons plus tard.

***

Pour l’heure partons à … “La recherche du temps perdu”

Murat n’a jamais fait mystère de l’attachement qu’il avait pour l’oeuvre de PROUST. Pour le magazine “Lire” le 1er mai 2005 il déclare : “Je crois que tous les livres ramènent à Marcel PROUST  ! Il y a tout chez lui et tous les sens sont ressuscités. J’ai d’ailleurs passé une dizaine d’années avec un de ses livres à portée de main, et une bonne partie de ma bibliothèque lui est consacrée. Je traque toujours tout ce qui touche à lui”.              

  • Marcel PROUST

                  1871/1922

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Marcel PROUST naît dans le 16ème arrondissement de Paris le 10 juillet 1871. Son père est professeur agrégé de médecine. Sa mère Jeanne WEIL est la fille d’un riche agent de change. Enfant chétif, il souffre des bronches. Il adore sa mère.  A dix ans il manque de mourir d’une crise d’asthme. Il est donc élevé dans un milieu grand bourgeois, cultivé, marqué par un entourage féminin. Il effectue des études  brillantes … passage par Condorcet … (lettres puis droit). Il rejoint le milieu artistique et mondain de Paris, puis se lance dans une carrière de journaliste chroniqueur. Dandy s’il en est, il fréquente les salons les plus huppés de la capitale. Son père meurt en 1903, sa mère en 1905. Il conçoit le projet de faire revivre les jours enfuis dans un ouvrage intitulé : “A la recherche du temps perdu”. Dans la solitude se sa chambre, calfeutrée pour le protéger des pollens et autres microbes, il va créer une oeuvre qui va couvrir toute sa vie.

Marcel PROUST  est donc l’auteur d’un seul livre : “A la recherche du temps perdu“. Le 1er volume “Du côté de chez Swann” publié en 1913 ne rencontre que peu de succès. Le second volume publié en 1919 “A l’ombre des jeunes filles en fleurs”reçoit le Prix Goncourt. Suivront “Le côté de Guermantes” (1920) – “Sodome et Gomorrhes” (1921) – puis après sa mort : “Le prisonnier” (1923) – “La fugitive” (1925) – et enfin “Le temps retrouvé” (1927).

C’est en 1907 qu’il commence à écrire cette oeuvre majeure. PROUST y explique que depuis l’enfance il souhaite devenir écrivain mais ne possède pas assez de génie pour trouver son sujet. A la fin de l’ouvrage, on s’aperçoit que c’est la vie en son entier qui est le sujet du roman. PROUST  indique : “Seule la perception erronnée place tout dans l’objet, quand tout est dans l’esprit”. Le temps joue un rôle essentiel dans cette projection de l’esprit et sur les choses car l’homme change et vieillit, sa perception en est modifiée. Les êtres, les choses évoluent avec le temps. Le souvenir est donc une autre réalité qui coexiste avec la fuite du temps, et que la littérature peut faire revivre par l’évocation. Les sens ont également un pouvoir de résurrection : la coïncidencde entre une sensation présente et le souvenir d’une chose fait revivre tout un monde de visages, d’objets, de lieux disparus … C’est ainsi que “la saveur d’une madeleine” remplit PROUST d’une “essence précieuse” qu’il nomme “l’édifice immense du souvenir(Du côté de chez Swann – 1913).

A l’inverse de GIDE  PROUST ne révèle pas son homosexualité. Mais son oeuvre autobiographique ne laisse planer aucune équivoque sur cette réalité. Son personnage recèle une large part de féminité.

Ce rapide portrait dressé, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec le personnage MURAT … En réalité il n’y que leurs origines à les différencier.  Je prends des risques en disant cela … mais je pense que MURAT  se reconnaît beaucoup dans ce qu’écrit PROUST.

MURAT  le premier se reconnaît une part de féminité. Il déclare : “La plupart des grands artistes qui ont traversé ce monde sont des homos. Ils avaient en eux une part féminine immense”. Concernant sa propre personne il précise : “On commence à devenir intéressant quand on laisse le pouvoir à notre part féminine”. Il prend bien soin d’indiquer : “L’homosexualié ? Impossible … j’aime trop ce qui est féminin”.

Dans sa recherche du temps perdu, Marcel PROUST  va tout rechercher ou presque dans son enfance … MURAT  c’est tout comme.

En 1989 pour les “Inrockuptibles” (n° 18) il répond aux questions de Christian FEVRET :

“Moi j’espère vendre pas mal de disques, mais l’une de mes motivations  essentielles est de passer mon diplôme agricole, de racheter une ferme et de refaire le lien avec ce que j’ai vécu dans l’enfance. C’est une idée fixe chez moi, de faire le paysan, reprendre les choses où mon grand-père les a laissées. Je me sens issu du monde paysan, la cassure a été faite par mon père comme pour beaucoup de types de la génération. C’est à dire que dans les années cinquante, ils auraient pu continuer à faire paysan, reprendre les fermes ou les boulots de leurs parents. Mais ils ont été attirés par la ville ou bien se sont trouvés à travailler différemment. Il y a donc un maillon manquant dans cette filiation strictement paysanne, qui est la génération de mon père. Et j’ai envie de refaire le lien, c’est évident”.

PROUST  est nostalgique du temps qui passe … MURAT l’est tout autant … Qui ne l’est pas ???

Toujours en 1989 pour le journal “Max” sous la plume de Jean-Marc THEVENET il déclare :

“Tout ce que j’ai fait avant 77, je l’ai écrit dans mes chansons” (…) “Avant, avant, ça ne regarde personne” (…) “D’abord MURAT c’est pas mon vrai nom …” Il poursuit : “MURAT  et BERGHEAUD sont bien la même personne” (…) “L’un vient toujours au secours de l’autre ou provoque son désespoir” (…) “Je ne peux pas rester seul, je ne peux pas me supporter. Alors je fais des chansons”.

“Je suis presque exclusivement un nostalgique, mais attention un nostalgique dynamique. J’ai toujours un oeil dans le rétro. Dans le présent je me noie et l’avenir c’est abstrait, ça n’existe pas. Je voudrais savoir d’où je viens, m’ancrer dans mes racines. J’aurais voulu être prof de géographie historique. Faire l’artiste ce n’est pas une fin en soi. Je ne suis pas né avec une guitare entre les mains”.

En 1991, toujours pour “Les  Inrockuptibles” (n° 31), Christian FEVRET interviewe MURAT … Le journaliste évoque sa “volonté farouche d’habiter dans l’Auvergne de ses ancêtres” … MURAT  embraye au quart de tour : “Ca c’est le garde-fou. C’est une volonté de survie, chacun survit avec ses petites choses et moi, j’ai l’enfance. Une espèce de volonté ridicule de vivre ma vie comme j’ai vécu mon enfance. Comme beaucoup de gens, j’essaie de réaliser mes rêves d’enfance. Et souvent, c’est l’enfance elle-même que j’essaye de retrouver. tout en sachant, et c’est là que ça devient ridicule, que ça ne sert évidemment à rien. Je crois qu’ailleurs, je m’en sortirai aussi. Ma hantise est de me retrouver avec des valeurs réactionnaires. ces valeurs de l’occupation, le retour à la terre, l’agriculture, le monde paysan, être contre le monde industriel, contre les citadins. On ne peut pas mentir avec la terre. Je sais que je porte tout ça et je m’en méfie. Déjà que je suis assez pour les jacqueries ou ces choses là … Je finirai comme je n’ai pas envie de finir. Une espèce d’écolo-paysan qui bégaye : “Les citadins c’est de la merde”. C’est une pulsion forte chez moi, donc je m’en méfie”.

Question : Qu’est-ce qui fait peur ?

JLM : L’exclusion que ça amène. Je vois bien comment je veux vivre. Je n’ai pas envie d’avoir de voisins, d’être emmerdé, d’avoir l’horizon pollué par d’autres. J’ai envie d’avoir toute la vue, de voir perdurer les valeurs paysannes et ça, c’est assez dangereux, car tu fais partie du monde, tu ne peux pas obstinément essayer de recréer ton enfance, tu es obligé de vivre au milieu des gens. Je pourrai très bien être citadin, je pourrai m’habituer à n’importe quelle situation. Rendre sa vie multiple c’est quand même pas mal. Plutôt que q’être mono-maniaque, je ne veux pas toujours être avec les mêmes rêves. Le monde paysan et la façon dont je voudrais vivre, c’est une douce illusion que je me fais. Ce n’est pas parce que cinquante bêtes, trois mouflets, quatre chiens et cinquante hectares que tout ira comme sur des roulettes”.

Question : Tu parlais de la peur d’être “réac”. Plusieurs images illustrent le regret du passé : le paradis perdu, l’ange déchu, le monde disparu.

JLM : C’est perdu depuis longtemps (…) Je ne trouve des satisfactions que dans les dernières petites choses qui me restent de l’animal. Être un humain, je n’y vois que des inconvénients. (…) J’aimerais beaucoup être primaire, ne parler que par grognements et n’avoir que des émotions primaires. Me brûler eu feu, me baigner dans l’eau, apprécier l’air, le vent et la chaleur et ne pas chercher midi à quatorze heures. J’ai l’impression d’être devenu une machine trop sophistiquée qui n’arrête pas de tomber en panne, qui ne peut pas vraiment fonctionner”. (rires)

Vous voyez les similitudes entre PROUST  et MURAT ne manquent pas …

Pour vous permettre de mieux apprécier l’écriture de PROUST  vous trouverez ci-après plusieurs citations  de l’écrivain :

“On n’aime que ce qu”’on ne possède pas en entier”.

“Le bonheur est dans l’amour un état anormal”. (A l’ombre des jeunes filles en fleurs).

“Que de bonheurs possibles dont on sacrifie ainsi la réalisation à l’impatience d’un plaisir immédiat”.(Du côté de chez Swann).

“L’adolescence est le seul temps où l’on ait appris quelque chose”. (A l’ombre des jeunes filles en fleurs).

“Nous n’arrivons pas à changer les choses suivant notre désir, mais peu à peu notre désir change”.(Albertine disparue).

“Avoir un corps c’est une grande menace pour l’esprit”. (Le temps retrouvé).

“Les gens du monde ont tellement l’habitude qu’on les recherche que, qui les fuit, leur semble un phénix et accapare leur attention”

“Les images choisies par le souvenir sont aussi arbitraires, aussi étroites, aussi insaisissables, que celles que l’imagination avaient formées et la réalité détruites”.(Sodome et Gomorrhe).

“Le bonheur est salutaire pour le corps, mais c’est le chagrin qui développe les forces de l’esprit”. (Le temps retrouvé).

“Il semble que le goût des livre croisse avec l’intelligence”.

“A partir d’un certain âge, nos amours nos maîtresses sont filles de notre angoisse” (La fugitive).

“Les beautés que l’on découvre le plus tôt sont celles dont on se fatigue le plis vite”. (A l’ombre des jeunes filles en fleurs).

“Les créatures qui ont joué un grand rôle dans notre vie, il est rare qu’elles en sortent tout d’un coup d’une façon définitive”.(Le côté de Guermantes).

Pour terminer, je redonne la parole à MURAT qui, en avril 2005 dans les colonnes du “Berry républicain” déclarait : “J’aime beaucoup écrire de la poésie. Je me suis rendu compte que cela ralentit mon rythme cardiaque. La fixation sur le refrain, le retour, la versification, il y a une sorte de balancement comme le bébé dans son berceau. C’est un exercice de la dimension d’un exercice de yoga, comme la lecture de PROUST  qui apaise le système nerveux. Je ne pense plus à rien, j’écris et j’ai l’impression que ça remet la machine à l’endroit. Et je me retrouve moi-même”.

 

****

 

Le temps perdu … ne se retrouve jamais plus … Jean-Louis BERGHEAUD l’enfant de la campagne est à présent à l’école à LA BOURBOULE … un véritable choc pour lui. Monsieur OULOUHODJIAN  le prof d’anglais marginal lui ouvre des horizons insoupçonnés. Les musiciens noirs que le p’tit BERGHEAU  fréquente le fascinent. Parlant de Charlie PARKER … ARMSTRONG … BERGHEAU  devenu MURAT  confesse : “Je les voyais commes des parents ou des grands parents”. S’agissant de T. BONE Walker il dit même : “Il ressemblait à mon grand-père”. Ce sont d’autres musiciens nord américains, plus jeunes ceux-la, qui vont définitivement lui inoculer le virus de la musique. Au premier rang de ceux-ci il y a :

  • Léonard COHEN

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En Octobre 1991 pour “L’évènement du Jeudi”sous la plume de Yann PLOUGASTEL celui qui a pris le nom de MURAT  se confie : “COHEN ? Le père … J’aurais aimé être lui. Sa voix, son univers ont formé ma sensibilité. J’aimerais faire comme lui : chanter comme on parle … La première fois, c’était : ” The bunch of lonesome heroes”… J’étais en pension avec une petite radio dans mon pieu. Je me suis senti d’emblée en harmonie avec ce truc là. Ensuite j’ai eu le coup de foudre pour Neil YOUNG  et Robert WYATT”.

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Cette chanson de COHEN  est magnifique … Il chante comme il parle … c’est d’une profondeur extrême … Je comprends que le p’tit BERGHEAUD  soit resté scotché dans son lit ! C’est à Anne-Marie PAQUOTTE qu’il déclare  (Cf Télérama n° 2177) : “COHEN, c’est Dieu le père ! C’est l’homme qu’on voudrait être quand on écrit des chansons, celui que je ne serai jamais“.

Qui est ce Léonard COHEN  ? Il est né le 21 septembre 1934 à Westmout quartier chic et anglophobe de Montréal. Ses parents sont juifs et d’origine russo-polonaise. Avant d’être chanteur il s’essayera à la poèsie et au roman. Son 1er recueil de poèmes paraît à Montréal en 1956 et son 1er roman en 1963. En 1959 il obtient une bourse pour venir étudier en Europe. Il s’installe à Londres puis en Grèce. Il est influencé par SARTRE et CAMUS  ainsi que par le poète Espagnol Fédérico Garcia LORCA. S’étant essayé à la littérature, il s’aperçoit rapidement qu’il n’en vivra pas. Il se rend à Nashville où il découvre Joan BAEZ  et Bob DYLAN  ainsi que Tim BUCKLEY. Il y rencontre également Juddy COLLINS  et lui écrit “Suzanne”. La porte du succès s’ouvre devant lui. Il rencontre Andy WARHOL , Loo REED  … signe chez “CBS”

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Songs of Léonard COHEN” le 1er opus du Canadien sort en 1968. Le titre “Suzanne” ouvre cet album. En 1969 … le 2ème disque qui comprend le titre “The bunch of lonesome heroes”BERGHEAUD  a 17 ans  !!! 

La carrière de COHEN  connaîtra des hauts et des bas. 

MURAT sera le seul chanteur français invité à participer à l’hommage rendu à COHEN en 1991 à l’initiative des “Inrockuptibles”.  

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Concernant cette reprise, MURAT  répond aux questions de Thierry COLJON  en 1991 pour “Le Soir Belge” :

Question : Sur la compilation “I’m  your fan” tu as été le seul à oser toucher à une de ses chansons “Avalanche” en en faisant une adaptation française …

Réponse: Je suis enchanté de celà. Il y a trois jours j’ai appris que j’allais pouvoir l’interviewer à Paris pour Europe2, TF1 et L’Évènement du Jeudi. Après des soirs d’angoisse, je me suis décidé à lui téléphoner pour lui en parler, on décroche, je le demande et une voix me répond : “Who’s talking ?” C’était lui. J’ai failli tomber raide mort. Il m’a fait des compliments et tout …”. En définitive cette rencontre n’aura jamais lieu …

Longtemps silencieux …  en 1996  il se convertit au boudhisme. 

Le besoin de se refaire financièrement lui fait retrouver le public. En 2009 à l’âge de 73 ans il est en concert à  Nantes. Il chante ce soir là “Bird on the wire”. Une chanson qui lui ressemble. Au journaliste d’Ouest-France qui l’interviewe il a cette réponse en forme de clin d’oeil : “Comme l’oiseau sur le fil, j’ai essayé à ma manière d’être libre”.

De Bergheaud à Murat il y a Cohen … 

  • Neil YOUNG

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“J’ai une admiration sans borne pour Neil YOUNG, sa carrière est exemplaire. Il a tout fait, tout essayé. Il n’a jamais donné aux gens ce qu’ils attendaient. J’aimerais vieillir comme lui”. Ces propos sont ceux de Kurt COBAIN  du groupe “Nirvana”. MURAT  aurait pu tenir les mêmes propos.

Neil YOUNG plus encore que COHEN a tenu un rôle essentiel dans la carrière de l’Auvergnat. Il dit : “YOUNG et WAYTT m’ont paru être des grands frères”. 

En janvier 1990 pour le journal “Best” MURAT répond aux question d’Arnaud VIVIANT  : J’ai appris la guitare en écoutant Neil YOUNG. J’avais bien acheté la méthode Dadi, mais je n’ai jamais réussi à m’en servir. Contrairement à ce qu’écrivait récemment “Libération”, je pense que MANSET est loin d’être le Neil YOUNG français.  Neil YOUNG  est un technicien de la chanson, MANSET un bricoleur. De plus, les textes de Neil YOUNG  demeurent d’une simplicité enfantine, contrairement à MANSET, toujours à la recherche d’une rime riche, à faire sonner “carambouille” avec “ratatouille”.

Pour “Télémoustique” en 1991, dans la cadre de la promotion concernant “Le Manteau de pluie” Murat répond à Jean-Luc CAMBIER  :

Question :  Les textes de cet album paraissent plus simples, les mots choisis ne sont plus des mots rares.

JLM : Ce changement dans la vocabulaire, c’est un travail personnel de clarification. Mes exemples, de Neil YOUNG  à Léonard COHEN, ont un language extrêmement simple. J’ai plus travaillé le chant”.  

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Une vie sépare ces deux photos. Né le 12 novembre 1945 à Toronto (Canada) Neil YOUNG malgré sa réussite n’aura pas été épargné par les malheurs. Le divorce de ses parents, la mère chanteuse, le père écrivain … son propre divorce et surtout  : ses deux enfants … deux garçons atteints de handicaps moteurs et mentaux … Il ne peut y avoir de pire croix à porter …

MURAT parle très peu en définitive de ses idoles … le mot “référence” est plus approprié. Il s’en inspire. Il a du passer des heures, des nuits des jours à écouter Neil YOUNG. Faisons de même …

1971 … guitare et harmonica … Bergheaud n’a pas 20 ans …

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1994 … piano voix pour une chanson triste à pleurer … “Philadelphia”

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Young … accompagné de ses potes CROSBY STILLS  et NASH

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1971Ohio … Cette magnifique chanson pour honorer les 4 jeunes manifestants pacifistes, morts le 4 mai 1970 devant la Kent State University … La voici chantée en live …

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(…)

“Nixon et ses soldats de plomb arrivent

Nous avons enfin notre liberté de pensée

Cet été j’entends les tambours

Quatre morts dans l’Ohio”

(…)

En guise de conclusion, cette phrase de Neil YOUNG : “Je préfère flamber que m’étioler” ! La encore … “Tout est dit ” !  

  • Robert WYATT

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Il a une voix blanche qu’il emploi dit-il “comme une sorte de bruit”. Ses mélodies sont à la fois pures et alambiquées.  Le Britannique Robert WYATT  est une légende du rock. Il débute dans les années 60 avec le groupe “Soft Machine”. Son nom de scène il l’emprunte à un roman de William BURROUGHS  … autre passion de Murat.

Parlant de WAYTT et de sa façon si particulière de chanter l’Auvergnat dit : “Un chant avant le chant”.

Né un  28 janvier comme Murat … 1945 … et non pas 1952 …batteur de formation, il doit à un accident survenu en 1973 (défenestration ???) de ne plus pouvoir jouer de la batterie et donc de devoir s’adonner au chant. Paraplégique, force de la nature, alcoolique à présent abstinent, il déclare : “Ce qui me pousse à continuer, c’est un sentiment de déception constant vis à vis de tout ce que j’ai jamais fait”.

En 1997, pour le compte de “Télérama”(n° 2488) MURAT procède à l’interview de WYATT. En préambule l’Auvergnat précise : “Il me fait penser à un ange cloué au sol. Un ange avec les deux pieds pris dans le béton et qui n’a que sa voix pour s’élever”. La comparaison est pathétique et tout en subtilité à la fois. C’est du Murat.

Au travers des questions posées par JLM, on sent poindre toute l’admiration qu’il porte au Britannique :

  • “Vous savez, je n’ai pas l’habitude des interviews. Mais pour moi vous êtes quelqu’un de très important. C’est vous qui m’avez donné l’envie de devenir chanteur, d’écrire des chansons (…)

  • “J’aimerais parler de votre voix, elle m’intrigue. Pour moi, c’est la voix d’un ange” (…)

“Sea Song” … avec la voix si particulière de WYATT 

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Nous aurions pu parler de DYLAN également … mais en définitive les “grands frères” ont pour nom  : COHEN – YOUNG  et WAYTT A des titres divers (musique, chant …) ils ont permis au p’tit Bergheaud d’être ce qu’il est devenur à savoir MURAT …. soit tout sauf un … produit formaté. Le prochain opus c’est pour bientôt (???) Nul ne sait vers quels horizons le Brenoï va nous mener. Avec JLM c’est toujours une surprise. Tout n’est pas bon (?). Bien sûr … mais toujours il y a une, deux ou trois  merveilles qui sont la marque de fabrique de l’Auvergnat.

 

La suite … 

http://didierlebras.unblog.fr/22-jean-louis-murat-il-faut-aimer-ce-qui-nous-a-fait-2eme-partie/

***

Ci-dessous le chemin du nouveau dictionnaire « Muratien » …

http://didierlebras2.unblog.fr/

***

Publié dans : ||le 28 janvier, 2011 |6 Commentaires »

6 Commentaires Commenter.

  1. le 30 janvier, 2011 à 0:09 Armelle écrit:

    très émue par tout cela parce que je savais déjà partager une certaine similitude concernant les premières années de nos vies mais s’y rajoute le dictionnaire et la découverte de la poésie… en plus d’un respect profond pour la nature.

    les partages ici et là nous unissent et construisent de belles amitiés virtuelles : il faudra songer à nous rencontrer tous un jour, quelque part, pourquoi pas en Tuilière et Sanadoire… comme l’ont fait d’autres avant nous…
    Merci Didier et jlr, pour ces beaux poèmes d’Emile Verhaeren (je l’ai découvert en 5ème avec un long et beau texte à apprendre, « Le chaland »)

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  2. le 6 mars, 2011 à 17:42 Five-r écrit:

    Lire Proust et déceler cette part de feminité, voilà ce qui apaise le système nerveux.
    « IL n’y a qu’une femme pour calmer mon système nerveux »… Extrait de Passions privées

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  3. le 28 avril, 2011 à 9:12 Muse écrit:

    Burroughs, une sorte de mauvais génie pour différentes personnes présentant des addictions fortes aux stupéfiants, à l’alcool. Cet écrivain à la plume à la fois acérée et confuse (sans doute la prise de mescaline, LSD et autres), épris de liberté, mais aussi de provocation constitue une sorte de justification qu’on pourrait vivre vieux tout en étant camé à haute dose…sauf que Burroughs a tué « accidentellement » sa femme sous l’emprise de la drogue, l’a aussi initiée à la drogue, son fils y a été un moment, qu’il a juste compris à temps que s’il continuait, c’en serait fini pour lui…, finalement, a fini bien seul après avoir perdu successivement tous ses compagnons de misère et de drogues, pas franchement une vie heureuse et épanouie…
    Mon compagnon avait choisi l’oeuvre de Burroughs comme sujet de mémoire de maîtrise, parce qu’à l’époque, les addictions de Burroughs faisaient écho en lui, ainsi qu’à son propre mal-être, ses errances intérieures. C’est souvent ce qui séduit et sans aucun doute ce qui a séduit JLM…Pour autant, Burroughs est loin d’être un écrivain qui fait avancer, mais qui justifie une certaine forme de régression intime, d’abandon de soi. La richesse de l’écriture burroughsienne n’est qu’un paravent façon posture-imposture qui a du mal à cacher une certaine forme de néant et d’anéantissement et de la pensée et de l’être. Dans le contexte de l’époque aux US, Burroughs certes a pu incarner une forme de rébellion salutaire aux politiques réactionnaires et enfermantes mais si l’on se penche sur le contenu hors contexte, qu’on le prend comme un évènement hors du monde, c’est franchement une ode à une certaine médiocrité qui veut faire croire (pour cacher sa misère et sa vacuité) qu’elle est géniale et qu’elle apporterait plus de liberté.

    Personnellement, je trouve que ce n’est pas une oeuvre d’écrivain qui peut tirer JLM vers le haut, mais plutôt vers le bas.
    On peut atteindre la transe, faire de belles choses artistiquement sans être alcoolo ou camé. Ce n’est pas parce que Burroughs a échappé à la mort tout en allant très loin dans la drogue et les excès que tout le monde peut faire pareil.
    A ces jeux d’addictions multiples, il y a plus de perdants que de gagnants. Certains artistes en savent quelque chose…Et j’espère que JLM en a conscience.

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  4. le 28 avril, 2011 à 9:57 didierlebras écrit:

    Merci Muse de ce commentaire …
    juste
    bien rédigé
    Lorsque l’on parle de MURAT chez qui le 1er talent est celui de l’écriture, il me semble que le 1er hommage à lui rendre est celui du respect de la langue française.
    ce n’est malheureusement pas toujours le cas.
    Pour ce qui me concerne j’ai plaisir à te lire …

    Dernière publication sur  : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...

    Répondre

    • le 13 mars, 2018 à 9:26 Alida écrit:

      Oui, Didier, actuellement, notre langue est trop bafouée par des rappeurs comme Orelsan, et beaucoup de blogueurs. Alors, heureusement que nous pouvons lire la belle écriture. Vivent les Belles Lettres !

      Répondre

  5. le 28 avril, 2011 à 11:00 Muse écrit:

    Coucou Didier!
    J’ai souvenance d’entretiens que JLM avait eu sur ce sujet avec Ardisson mais aussi d’articles de Libé parlant ouvertement de ses addictions et donc je mesure bien au-delà de l’écriture flamboyante, ce qui a pu et peut encore fasciner JLM chez Burroughs. Et je dois dire que ça a plutôt tendance à m’inquiéter. C’est le versant obscur et un peu suicidaire du personnage qui peut faire craindre que Thanatos l’emporte sur Eros.

    Répondre

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