- 93 Quinto – Jean-Louis MURAT … sa bibliothèque … (5ème partie) …
Dans le journal « La Libre Belgique » le 10 novembre 2004, MURAT confie à Dominique SIMONET : « A la maison j’ai un livre qui s’appelle « L’érotique des troubadours » qui parle de ça. Parce que la langue Française a été faite par la poésie. Avant le XIIème, XIIIème siècle, la langue Française n’existait pas, parce que le langage amoureux n’existait pas. « Je t’aime » est une invention du XIIIème siècle. Deux amis pouvaient se dire ça, pas deux amoureux. Ensuite, les premiers grammairiens et lexicographes ont fait la synthèse de la langue courtisane de ces troubadours, une langue de la diplomatie chantée entre les chevaliers et leur dame. Comme si la réalité Française était une réalité chantée. On chante ou la guerre ou comment aller sauter la voisine dans le château voisin. Voilà de quoi est née notre langue. Ce qui ne manque pas de déteindre sur l’inconscient collectif ».
MURAT poursuit : « LACAN disait que l’inconscient est un langage, il n’y a qu’un Français pour dire ça ! Je m’attache beaucoup aux mots pour mieux me comprendre, et d’être moins problématique pour moi-même. Si deux personnes utilisent 6000 mots sur les 12000 du Larousse, tu évites la guerre, mais quand on arrive à avoir 300 mots, alors que les corbeaux ont 70 signes … Les gens se rentrent dedans, les couples qui ne vont pas, c’est parce qu’ils n’ont pas les mots. Aux gens malheureux, il faut conseiller de lire une page de dictionnaire par jour, afin qu’ils trouvent les mots pour exprimer ce qu’ils ressentent. Sinon ce que tu ressens va rester obscur, du coup tu vas te penser en être obscur, et quand tu vas avoir un problème avec quelqu’un, tu vas projeter de l’obscurité. Si tu éclaircis cette obscurité par des mots, tu te simplifies, tu es moins obscur pour toi même et, du coup, plus attirant pour les autres. Dans la rédaction du vocabulaire, il y a des gênes de guerre et de barbarie. Le barbare, en Grec, c’est celui qui n’a pas les logos, qui n’a pas les mots. Réduire son champ de mots, c’est retourner à la barbarie ».
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« L’érotique des troubadours » … Edition originale …(1963) …
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Pierre Jean DE BERANGER …
En 2005, par l’intermédiaire de POUCHKINE, le chantre d’Orcival, fait la rencontre de Pierre Jean DE BERANGER. C’est la curiosité qui le mène jusque là. Cette curiosité qui nous permet à tous et à moi notamment d’être moins « ignorant » … Le 18 avril 2005 dans les colonnes de « La Libre Belgique » Sophie LEBRUN interviewe MURAT : « Comment avez-vous rencontré BERANGER ? ». La parole jaillit : « J’étais dans ma période POUCHKINE. Dans une lettre, il s’étonne : Il me semble que BERANGER sera le plus grand poète du XIXème ». Je l’ai longuement cherché chez les bouquinistes, via le net. J’ai trouvé sa bio, ses textes, ses textes interdits. Je suis un étudiant frustré. Comme je n’ai pas fait d’études, je me trouve des sujets de recherche, et je travaille en autodidacte ».
Petit retour en arrière avec POUCHKINE lequel a écrit près de 180 lettres en Français soit le tiers de sa correspondance. Le poète y évoque ses goûts littéraires. POUCHKINE parle couramment la langue de Molière. Dans les salons de ST PETERSBOURG il est de bon ton de parler le Français. La langue Russe est celle du « petit peuple » !
Dans le journal « La Provence » le 22 mars 2005, MURAT répond à Coralie BONNEFOY : « C’est à travers POUCHKINE que vous avez découvert Pierre Jean DE BERANGER ? ». Réponse : « Oui. Dans ses lettres il dit que le poète qui va surpasser VICTOR HUGO est ce BERANGER. C’est un chansonnier Français du XIXème qui a jeté les bases de la chansons Française d’essence républicaine ». Dans ses chansons et ses poèmes BERANGER se moque aisément des « puissants ». Certains de ses textes sont interdits et vont circuler sous le coude.
Dans une interview accordée au magazine « Polystyrène » (n° 85 avril 2005) MURAT parle en ces termes de BERANGER : « J’ai passé un an avec lui. J’y suis venu par curiosité et depuis, plus je le connais, plus je l’apprécie. C’est un sentimental, un autodidacte, un ouvrier, un modeste (peut-être un faux modeste ?). J’aime sa volonté de vouloir faire passer la poésie dans la vie politique et sa façon de porter ses idéaux Républicains. Il a aussi un franc-parler. En plus, c’est l’origine de la chanson Française ».
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Procès fait aux chansons (1821) …
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Edition de 1866 …
- Edition complète (6 volumes) Perrottin … 1829 …
Restons encore avec BERANGER … Baptiste LIGER pour « Lire » questionne MURAT sur ses goûts de lecture. Le Brenoï ayant évoqué PROUST enchaîne : « Je lis beaucoup de poésie, mais je préfère les poètes secondaires, la poésie un peu bancale. Charles d’ORLEANS et Henri DE REGNIER me séduisent davantage que RAILMBAUD ou VERLAINE. La poésie du 20ème siècle ne me touche pas tellement. MICHAUX et René CHAR me tombent des mains ! J’aime mieux me plonger dans la lecture des chansons de Pierre Jean DE BERANGER dont je viens de faire un album de reprises. Il faut d’urgence rééditer ses textes ! Au XIXème siècle, c’était une star, admirée par VICTOR HUGO GOETHE ou LAMARTINE. Il a été complètement autodidacte comme moi et il est devenu l’un des plus grands poètes du XIXème siècle. La richesse de son écriture n’a rien à voir avec le niveau de la chanson Française. d’aujourd’hui, qui illustre bien l’échec de l’éducation nationale. Les textes ne disent rien, on remplit des cases avec des mots, comme s’ils étaient innocents … ». (…) « Le niveau du roman Français contemporain c’est pareil. Récemment, il n’y a guère que Philippe MURAY et Renaud CAMUS qui m’aient semblé de vrais défenseurs de la langue Française. Par contre, je ne lis pas beaucoup de littérature étrangère. John Maxwell COETZE a été un choc de lecture, Jim HARRISSON aussi, même si, à mon avis, il n’est pas un écrivain majeur. Ah … j’oubliais NABOKOV« .
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Charles d’Orléans … (1394 – 1465) …
Duc d’Orléans, c’est lui qui mène les troupes Françaises contre celles d’Henri V d’Angleterre en 1410. C’est la bataille d’Azincourt et le désastre qui s’en suit. Charles est fait prisonnier et emmené an Angleterre. Il n’en reviendra que 25 ans plus tard après paiement d’une rançon. C’est en prison qu’il va découvrir le goût de l’écriture. De retour en France, il se retire dans ses châteaux Blois ou Tours et se consacre à son œuvre (130 chansons - 102 ballades – 400 rondeaux …).
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Œuvre non datée …
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Henri DE REGNIER … (1864 – 1936) …
Il naît à Honfleur le 28 décembre 1864. Poète avec principalement « Tel qu’un songe » (1889) – « Aréthuse » (1895) – « Les jeux rustiques et divers » (1897) - « Les médailles d’argile » (1900) – « La cité des eaux » (1902) – « La sandale ailée » (1905) – « Le miroir des heures » (1910) … DE REGNIER est également un conteur de talent « Contes avec soi-même » (1893) et romancier « La double maîtresse » (1900).
C’est un fervent admirateur de MALLARME. Il est fortement influencé par LECONTE DE L’ ISLE et plus encore par José Maria DE HEREDIA dont il épouse la fille : Maria. Il est adulé par PROUST (rien moins que ça) et André GIDE … Ceci explique pourquoi MURAT s’est tourné vers lui …
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L’escapade (1931) …
- La double maîtresse (1928) … aux éditions Mornay …
- Publication de 1921 « Vestigia Flammae » … avec envoi autographe destiné à Monsieur ALJABERT …
Henri DE REGNIER était un homme d’une grande élégance. Il entre à l’Académie Française en 1912. Sur son lit de mort il a ces mots : « Je vous en pris, après moi, pas de société d’amitié ». S’il n’y avait qu’une phrase à retenir je dirais : « La solitude n’est possible que très jeune, quand on a devant soi tous ses rêves, ou très vieux, avec derrière soi, tous ses souvenirs ».
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Philippe MURAY (1945 – 2006) …
Né le 10 juin 1945 à Angers, dans une famille catholique, il décède à Paris le 2 mars 2006. Considéré à juste titre comme un écrivain de droite, il n’a de cesse de combattre le monde moderne. il stigmatise le politiquement correct et dénonce le « régime des assistés ». Pour les « intellectuels » de gauche qui s’attribuent le titre de « progressistes » MURRAY n’est qu’un fieffé « réactionnaire ». Rien d’étonnant donc à ce que MURAT le cite parmi les seuls auteurs actuels qui trouvent grâce à ses yeux. Dans « Libération » le 1er juillet 2007 l’Auvergnat révèle à Philippe LANCON ce qui suit (dixit le journaliste) : « Peu avant sa mort en 2006, l’essayiste Philippe MURRAY a écrit deux lettres au chanteur. Il regrette de ne pas l’avoir rencontré ».
De MUYAY je ne citerai qu’une phrase extraite de « L’empire du bien » (1991) : « L’avenir de cette société est de ne plus pouvoir rien engendrer que des opposants ou bien des muets ». Le choix des livres qui suit est subjectif …
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« Le XXème siècle à travers les âges » (1984) …
- « L’empire du bien » (1991) …
- « Essais » (2010) …
Depuis qu’il n’est plus nombre de « bobos » se sont entichés de MURAY … Julien CLERC par exemple qui « aurait acheté tous les livres de MURAY après avoir entendu LUCHINI lire les textes » du pamphlétaire (extrait du Nouvel Obs. du 30 septembre 2010). Il doit bien rire MURAY … MURAT aussi …
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Renaud CAMUS …
Il est né le 10 août 1946 à Chamalières. Il est engagé à l’extrême droite. Pour ma part j’exècre les extrêmes … C’est ma part d’intolérance !
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« France : suicide d’une nation » (2014) …
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Le 24 août 2006, pour « Le Nouvel Obs » (n° 2181 du 24 aout 2006) le journaliste François ARMANET invite MURAT à lui citer : « Trois livres ? ». La réponse ne sera pas pour nous surprendre : « PROUST et NIETZCHE, mes auteurs préférés. Et tiens, RUTEBEUF, pour le « rut » et pour le « bœuf ».
RUTEBEUF … (1230 – 1280) …
On sait peu de choses de RUTEBEUF, si ce n’est ce que l’auteur laisse entrevoir dans ses œuvres. Il a du naître en 1229, certains disent dans la région de Troyes. Il a vécu à Paris et ses alentours. Il vécut sous le règne de SAINT LOUIS. Ménestrel, il connaît la misère.
RUTEBEUF se plaisait à expliquer son nom ainsi : « RUTEBEUF, qui est dit de rude et de bœuf » ou encore « RUTEBEUF, qui durement œuvre ». MURAT avec le sourire dit : « rut » et « bœuf » … Trouvère professionnel, RUTEBEUF se disait incapable de faire autre chose que des rimes.
L’œuvre de RUTEBEUF marque une vraie inflexion dans la poésie du XIIème siècle. Jusque là la poésie était d’inspiration courtoise. Elle devient plus personnelle. Le poète fait part de ses sentiments, de ses aspirations. On assiste à la naissance de la poésie lyrique. La poésie est chantée. Le mot « lyrique » comporte celui de « lyre » : l’instrument le plus usité par les ménestrels. Les poèmes de RUTEBEUF sont un vrai témoignage de l’époque. « La complainte de RUTEBEUF » dont FERRE en 1956 tire une chanson intitulée « Pauvre RUTEBEUF » en est le meilleur exemple. Ce texte de RUTEBEUF souligne les malheurs de l’être humain.
La complainte de RUTEBEUF …
« Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés ?
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés. L’amour est morte
Ce sont mes amis que vent me porte
Et il venait devant ma porte
Les emporta avec le temps qu’arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n’aille à terre
Avec pauvreté qui m’atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d’hiver.
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis à honte
En quelle manière que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m’était à venir
M’est advenu pauvre sens et pauvre mémoire
Ma Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m’évente
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte les emporta ».
Ce poème nous apprend que le poète souffre de solitude, que sa vie est une accumulation de malheurs. Il constate la fragilité de l’amitié et de l’amour. Il est accablé par la pauvreté et la honte. Cette infortune est symbolisée par l’action destructrice d’un vent ennemi. Ce vent emporte tout sur son passage.
Le texte qui suit est plus explicite encore, et nous situe l’époque …
Je ne sais par ou commencer …
« Tant j’ai abondance de matière pour parler de ma pauvreté. Pour Dieu, je vous prie, noble roi de France de me donner quelques ressources : vous me feriez une grande charité.
J’ai vécu du capital d’autrui qu’on m’a crédité et prêté : maintenant chacun me refuse sa créance, car on me sait pauvre endetté. Vous êtes à nouveau hors du royaume et j’avais placé en vous toute ma confiance.
Entre la vie chère et ma famille, qui n’est ni malade ni morte, ils ne m’ont laissé ni deniers ni gages. Je trouve des gens désireux de m’éconduire et mal élevés pour donner : chacun est versé dans l’art de garder son bien.
La mort m’a fait grand dommage et vous, bon roi, en deux voyages vous avez éloigné de moi des gens bons – et le lointain pèlerinage de TUNIS, qui est un lieu sauvage, et les mauvais gens mécréants.
Grand roi, s’il advient que je doive me passer de vous, comme sans faille j’ai dû me passer de tout, je manque de vivre et fait faillite. Nul ne me tend rien, nul ne me donne rien : je tousse de froid, je baille de faim. Je meurs en mauvais état de tout cela.
Je suis sans couverture et au lit, il n’y a pas d’aussi pauvre jusqu’à SENLIS. Sire, je ne sais de quel côté aller : mes côtes ne connaissent que la paille.
Si je vous fais savoir que je n’ai pas de quoi avoir de pain : A PARIS, je suis entre tous les biens, il n’y a rien qui soit à moi. J’y vois peu et j’y prends peu : je me souviens plus de SAINT PEU.
Je sais le Pater, mais je ne sais ce que veut dire Noster, car la vie chère m’a tout enlevé, elle m’a si bien vidé ma demeure, que le Crédo m’est refusé et je n’ai plus que ce que vous voyez ».
Nous sommes en 1270, le roi Saint LOUIS est parti combattre les « impurs » et se trouve à TUNIS. Le 3 août Jean Tristan l’un des fils du roi est emporté par la maladie. Le 25 août Saint LOUIS rend son âme à Dieu …
« Je ne sais par ou commencer » … j’ai l’impression d’entendre « les intermittents » d’aujourd’hui !
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RUTEBEUF … « Œuvre complète » 2 tomes … édition de 1839 …
- RUTEBEUF par CLEDOT Léon … 1891 …
- RUTEBEUF … « Œuvres complètes » 2 tomes … 1976/1977 …
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James JOYCE …
Le 15 octobre 2007 pour « Elle » Clémentine GOLDSZEAL interroge MURAT sur le livre : « Qu’il n’a pu finir ? ». MURAT répond : « ULYSSE de JOYCE » et poursuit : « Anatole FRANCE disait : « La vie est trop courte, PROUST est trop long ». J’appliquerais volontiers cette phrase à JOYCE ».
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« Ulysse » édition de 1930 comportant 870 pages …
Ce roman relate les pérégrinations de Léopold BLOOM et de Stephen DEDALUS à travers la ville de DUBLIN lors d’une journée ordinaire. JOYCE y parle des choses qui font la vie : l’amour, le sexe, l’art, la mort … Ce roman sort dans un premier temps sous forme de feuilleton (entre mars 1918 et décembre 1920) avant d’être publié dans son intégralité en 1922, à Paris par la libraire « Shakespeare & Company ». James JOYCE (1882 – 1941) est un romancier et poète Irlandais expatrié.
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Le KAMA SUTRA …
Toujours pour « Elle » Clémentine GOLDSZEAL qui ne manque pas d’assurance questionne : « A lire quand on est amoureux ? ». Malicieux MURAT lui glisse « Le kama sutra ». Bien joué l’artiste !
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Un exemplaire parmi tant d’autres …
A l’origine ce livre était destiné à l’aristocratie Indienne. On y prodigue des conseils de séduction pour une vie harmonieuse dans le couple. On y décrit les 64 positions les plus appropriées pour donner du plaisir à son partenaire. Voilà sans doute ce qui a fait la popularité de cet ouvrage …
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Eric REINHARDT …
Le 25 décembre 2007, pour « Les Inrockuptibles » MURAT est invité à désigner son livre : « coup de cœur ?« . La réponse : « Cendrillon d’Eric REINHARDT » . Et d’expliquer : « Je n’ai pas cessé de l’offrir depuis la rentrée. C’est un livre qui a de l’allant, de l’humour, des césures, et ses césures sont admirablement huilées ». On ne peut mieux dire !
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Année 2007 chez « Stock » …
Le 13 août 2008, à l’occasion d’un question réponses avec les lecteurs de « Télérama » MURAT confie : « J’ai un bon copain écrivain, Eric REINHARDT« . La question posée ? : « Quels sont vos derniers enthousiasmes ? » (sous entendu de lecture).
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Lors de l’émission « Télérama » du 13 août 2008, évoquée ci avant MURAT ajoute : « CHATEAUBRIAND« (…) « Le journal de Léon BLOY, tout BERNANOS« .
François René Vicomte DE CHATEAUBRIAND … (1768 – 1849) …
CHATEAUBRIAND naît à St Malo le 4 septembre 1768. En 1771, son père qui a fait fortune des les affaires achète le château de Combourg. C’est dans ce château que le jeune François René va passer une enfance morose, sous la férule d’un père despotique. L’ambiance de l’époque nous est parfaitement retracée dans « Les Mémoires d’Outre Tombe ».
Le château de Combourg, imposante bâtisse, à la tombée de la nuit …
Destiné à être marin, le jeune homme préfère la prêtrise et la poésie. En 1778 il vient à Paris et fréquente les salons littéraires. Il se nourrit de CORNEILLE et se dit marqué par ROUSSEAU. Il assiste aux débuts de la Révolution mais rapidement il est horrifié par les violences qu’elle engendre. En 1791 il embarque pour l’Amérique. En 1792 il est de retour à St Malo et émigre en Allemagne. En 1800 il revient en France. Il est très affecté par la mort de sa mère et de sa sœur. Il se tourne donc vers la religion.
En 1802 CHATEAUBRIAND publie « Le génie du christianisme« . Il fait la connaissance de Madame RECAMIER qui deviendra l’amour de sa vie. Il épouse les idées de Bonaparte alors 1er Consul. Ce dernier le nomme secrétaire d’Ambassade à Rome. L’exécution du Duc d’Enghien (1804) le conduit à démissionner. Il rejoint l’opposition. Il embarque pour L’orient, visite la Grèce, la Turquie. Puis il se retire dans sa maison de la vallée aux Loups près de SCEAUX pour y commencer la rédaction des « Mémoires d’Outre Tombe ». Voilà qui lui prendra le reste de sa vie. Passé WATERLOO et la chute de l’Empereur, Louis XVIII en fait un ministre d’Etat. En 1816, ayant critiqué le pouvoir du roi, il est démis de son poste et privé des subsides y afférant. Il cesse la politique, pour ne plus se consacrer qu’à l’écriture. Il fréquente assidûment Juliette RECAMIER.
La maison de la vallée aux loups … belle demeure !
CHATEAUBRIAND décède à Paris le 4 septembre 1849. Il est inhumé à St Malo … face à la mer. Sur sa tombe cette inscription : « Un grand écrivain Français a voulu reposer ici pour n’entendre que la mer et le vent ». Il est considéré à juste titre comme le père du romantisme. Enfant, VICTOR HUGO se serait exclamé : « Je veux être CHATEAUBRIAND ou rien ! »
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« Mémoires d’Outre Tombe » 6 volumes – 1ère édition illustrée « Penaud Frères » 1849/1850 …
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« Les Mémoires d’Outre Tombe » édition de 1860 …
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Georges BERNANOS (1888 – 1948) …
Fils d’un tapissier et d’une maman dont les parents sont paysans, il passe son enfance dans le Nord de la France. Cette enfance « heureuse » se retrouvera dans la plupart de ses romans. Catholique fervent, il milite très jeune dans les rangs l’Action Française. En 1926 il publie : « Sous le soleil de Satan ». En 1931 c’est au tour de : « La grande peur des bien pensants » qui constitue un violent réquisitoire contre son époque. Il déteste la bourgeoisie, mais aussi les Juifs et le monde de la finance. En 1934 il écrit : « Journal d’un curé de campagne » qui n’est publié qu’en 1936. En 1938 sort : « Les grands cimetières sous le lune » pamphlet anti Franquiste. Bien qu’exilé à Majorque il prend fait et cause contre les agissements des troupes de Franco. Il quitte l’Espagne en 1937 pour revenir en France. Il est très critique avec la politique Française face à l’hégémonie Allemande. Il quitte la France en 1938 et s’exile au Brésil. Un rêve d’enfance ! La guerre finie, DE GAULLE lui propose de rentrer au gouvernement d’union nationale. Il refuse. BERNANOS meurt à Neuilly le 5 juillet 1948. Il n’a que 60 ANS !
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« Sous le soleil de Satan » … édition Plon 1926 …
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« Journal d’un curé de campagne » … édition 1951 …
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« Les grands cimetières sous la lune » … édition Plon 1949 …
De BERNANOS je retiens deux phrases : « Ce que la voix peut cacher, le regard le livre » et « Le berceau est plus profond que la tombe ».
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Léon BLOY … (1846 – 1917) …
Léon BLOY est né à Périgueux en 1846, son père est ingénieur et athée. Sa mère est Espagnole et très croyante. Ce n’est que tardivement qu’il entre dans le monde des lettres. En 1867 il rencontre Jules BARBEY D’AUREVILLY dont il devient le secrétaire particulier bénévole.
EN 1877 il perd ses parents et rencontre Anne Marie ROULE une prostituée occasionnelle qui devient sa maîtresse et qu’il convertit en 1878. Le couple vit dans un extrême dénuement et dans un état de tension permanent. Sa maîtresse perd la raison en 1882. Elle est internée à Caen. Elle décède en 1907.
En 1884 Léon BLOY publie son premier roman : « Le révélateur du globe » en référence à Christophe COLOMB et BARBEY D’AUREVILLY. En 1887 il publie « Le désespéré », en 1897 c’est : « La femme pauvre ». Ce dernier titre aurait pu s’appeler »La désespérée » ou « La prostituée ». Ces deux livres sont largement autobiographiques …
Sa vie amoureuse est un désastre. Sa liaison avec Berthe DUMONT se termine affreusement. Elle meurt emportée par le tétanos. En 1890 BLOY se marie avec Jeanne MOLBECK, la fille d’un poète Danois. Avec leurs enfants (2 garçons et 2 filles) ils vont errer d’un logement à l’autre dans Paris et sa banlieue. Faute de pouvoir les soigner, Pierre et André meurent. Durant ces années d’effroyables épreuves BLOY fait paraître : « Le salut par les Juifs » ( ) – « Sueur de sang » (1893) – « Histoires désobligeantes » (1894). Tous ces livres sont des échecs !
Extrait de: « Le désespéré » …
« La poésie moderne, devenue l’amie de la canaille, devait finir comme l’ami du peuple. Madame se meurt, Madame est morte, Madame est ensevelie, non dans le pourpre ni dans l’azur fleur de lys des monarchies, mais dans la défroque vermineuse du populo souverain et voici de biens affreux croque-morts pour la porter en terre. La crapule de l’univers en personne ou représentée, défilant pendant six heures, de l’Arc de Triomphe au Panthéon ».
Voilà qui fait référence aux obsèques nationales de VICTOR-HUGO. Il faut dire que les deux hommes ne s’aiment pas. Léon BLOY est l’un des rares à oser critiquer ces « nouveaux penseurs » qui ont toujours raison et dont le comportement n’est pas toujours en relation avec les idées qu’ils prônent.
Taxé d’écrivain de droite, chrétien, cela n’empêche pas BLOY d’être très critique avec les institutions religieuses et ceux qui représentent le Christ sur cette basse terre …
Extrait de : « Le désespéré » …
« Le christianisme, quand il en reste, n’est qu’une surenchère de bêtise. On ne vend même plus Jésus Christ, on le bazarde » (…) « Les catholiques entendent et pratiquent la charité, l’amour de leurs frères indigents, à la manière protestante, c’est à dire avec ce faste usuraire qui exige l’entier abandon préalable de la dignité du pauvre, en échange des plus dérisoires secours«
Extrait de : « Le désespéré » …
« La vocation de théâtre est à mes yeux, la plus basse des misères de ce monde abject et la Sodomie passive est, je crois, un peu moins infâme ».
Avec de tels propos, il est bien difficile d’avoir des amis … Et si nous avions déjà là les racines du conflit des intermittents ??? Non, je rigole …
Extrait de : La femme pauvre » …
« Ça pue le bon Dieu, ici !
Cette insolence de voyou fut dégorgée, comme un vomissement, sur le seuil très humble de la chapelle des Missionnaires Lazaristes de la rue de Sèvres, en 1879.
On était au premier dimanche de l’Avent, et l’humanité parisienne s’acheminait besogneusement au Grand Hiver.
Cette année, pareille à tant d’autres, n’avait pas été l’année de la Fin du monde et nul ne songeait à s’en étonner.
Le père Isidore Chapuis, balancier-ajusteur de son état et l’un des soulographes les plus estimés du Gros-Caillou, s’en étonnait moins que personne.
Par tempérament et par culture, il appartenait à l’élite de cette superfine crapule qui n’est observable qu’à Paris et que ne peut égaler la fripouillerie d’aucun autre peuple sublunaire.
Crapule végétale des moins fécondes, il est vrai, malgré le labour politique le plus assidu et l’irrigation littéraire la plus attentive. Alors même qu’il pleut du sang, on y voit éclore peu d’individus extraordinaires.
Le vieux balancier, qui venait d’entr’ouvrir la crapaudière de son âme en passant devant un lieu saint, représentait, non sans orgueil, tous les virtuoses braillards et vilipendeurs du groupe social où se déversent perpétuellement, comme dans un puisard mitoyen, les relavures intellectuelles du bourgeois et les suffocantes immondices de l’ouvrier.
Très satisfait de son mot, dont quelques dévotes, qui l’examinèrent avec horreur, s’étaient effarées, il allait, d’un pas circonflexe, vers une destination peu certaine, à la façon d’un somnambule que menacerait le mal de mer.
Il y avait comme un pressentiment de vertige sur ce mufle de basse canaille couperosé par l’alcool et tordu au cabestan des concupiscences les plus ordurières.
Une gouaillerie morose et superbe s’étalait sur ce mascaron de gémonies, crispant la lèvre inférieure sous les créneaux empoisonnés d’une abominable gueule, abaissant les deux commissures jusqu’au plus profond des ornières argileuses ou crétacées dont la litharge et le rogomme avaient raviné la face.
Au centre s’acclimatait, depuis soixante ans, un nez judaïque d’usurier ponctuel où se fourvoyait le chiendent d’une séditieuse moustache qu’il eût été profitable d’utiliser pour l’étrillage des roussins galeux.
Les yeux au poinçon, d’une petitesse invraisemblable et d’une vivacité de gerboise ou de surmulot, suggéraient, par leur froide scintillation sans lumière, l’idée d’un nocturne spoliateur du tronc des pauvres, accoutumé à dévaliser les églises.
Enfin l’aspect de ce ruffian démantibulé donnait l’ensemble d’un avorton implacable, méticuleux et présent jusque dans l’ivresse, que d’anciennes aventures auraient échaudé et qui, dès longtemps, n’avivait plus son cœur de goujat qu’à l’assaut des faibles et des désarmés.
Il n’était pas absolument sans lettres, cet excellent père Chapuis. Il lisait couramment des feuilles arbitrales et décisives, telles que La Lanterne ou Le Cri du peuple, croyant fort à l’avènement infaillible de la Sociale et bafouillant volontiers, dans les caboulots, de pâteux oracles sur la Politique et la Religion, ces deux sciences débonnaires et si prodigieusement faciles, — comme chacun sait, — que le premier galfâtre venu peut y exceller.
Quant à l’amour, il le dédaignait, sans phrases, le considérant négligeable, et si, d’aventure, quelque autre docteur y faisait la moindre allusion sérieuse, aussitôt il bouffonnait et pandiculait en s’esclaffant.
C’est pourquoi l’aimable Isidore assumait la considération d’un nombre incroyable de mastroquets.
On ne savait pas exactement ses origines, quoiqu’il s’affirmât d’extraction bourgeoise et périgourdine. Extraction lointaine, sans doute, puisque le drôle était né, disait-il lui-même, au faubourg du Temple, où ses parents avaient dû pratiquer de vagues négoces très parisiens sur lesquels il n’insistait pas.
Il se réclamait donc volontiers d’une ascendance provinciale digne de tous les respects et de collatéraux innombrables répartis au loin, dont il vantait les richesses, non sans flétrir avec énergie l’orgueil de propriétaires qui leur faisait méconnaître sa blouse glorieuse de citoyen travailleur. Effectivement, on n’en avait jamais vu un seul. Cette parenté problématique était ainsi, à la fois, une ressource de gloire et une occasion de déchaînements généreux.
Mais il se déchaînait encore plus contre l’injustice de sa propre destinée, racontant, avec l’emphase des aborigènes méridionaux, la malechance damnée qui avait paralysé toutes ses entreprises et l’improbité fangeuse des concurrents qui l’avait réduit à quitter la redingote du patron pour la vareuse du prolétaire.
Car il avait été réellement capitaliste et chef d’atelier travaillant à son compte, ou plutôt faisant travailler parfois une demi-douzaine d’ouvriers pour lesquels il parut être le commandeur des croyants de la ribote et de la vadrouille éternelle.
Le quartier de la Glacière se souvient encore de ces ajusteurs de rigolade, à l’équilibre litigieux, qu’on rencontrait chez tous les marchands de vins, où le singe, toujours ivre-mort, leur promulguait habituellement sa loi.
La déconfiture assez rapide, et suffisamment annoncée par de tels prodromes, n’étonna que Chapuis qui, d’abord, se répandit en imprécations contre la terre et les cieux et reconnut ensuite, avec une bonne foi de pochard, qu’il avait eu la bêtise d’être « trop honnête dans les affaires ».
Quant à la source désormais tarie de cette prospérité si éphémère, nul n’en savait rien. — Un petit héritage de province, avait dit vaguement le balancier. Certains bruits étranges, cependant, avaient autrefois couru qui rendaient assez douteuse l’explication.
On se souvenait très bien d’avoir connu cette arsouille avant les deux Sièges, entièrement dénuée de faste et trimballant d’atelier en atelier sa carcasse rebutée de mauvais compagnon.
Subitement, après la Commune, on l’avait vu riche de quelques dizaines de mille francs, dont il avait acheté son fonds.
Si la sourde rumeur du quartier ne mentait pas, cet argent, ramassé dans quelque horrible cloaque sanglant, eût été la rançon d’un prince du Négoce parisien inexplicablement préservé de la fusillade et de l’incendie, l’héroïque Chapuis ayant été commandant ou même lieutenant-colonel de fédérés.
La très mystérieuse et très arbitraire clémence, qui épargna certains factieux à l’issue de l’insurrection, s’était étendue sur lui comme sur bien d’autres plus fameux qu’on savait ou supposait détenteurs de secrets ignobles et dont on pouvait craindre les révélations.
On le laissa donc tranquillement cuver son ivresse de naufrageur et il ne fut pas même inquiété, ayant eu l’art, d’ailleurs, de se rendre parfaitement invisible pendant la période des exécutions sommaires.
Un peu plus tard, deux ou trois tentatives d’interview, pratiquées par des reporters de l’Ordre moral, ayant échoué d’une manière absolue devant l’abrutissement réel ou simulé de ce perpétuel ivrogne, on y renonça et le père Chapuis, un instant presque célèbre, réintégra pour jamais l’obscurité la plus profonde.
Il y avait ainsi sur cet homme tout un nuage de choses troubles qui lui donnait une importance d’oracle aux yeux des pauvres diables qu’il avait la condescendance de fréquenter et dont les âmes enfantines sont si aisément jugulées par tout aboyeur supposé malin. Le peuple souverain n’est-il pas devenu lui-même la Volaille sacrée des superstitions antiques pour les aruspices de cabaret dont la police, quelquefois, utilise volontiers la pénétration ?
Au résumé, le vieil Isidore avait la renommée d’un « sale bougre », expression générique dont la force ne sera pas contestée ».
(…)
On peut ne pas être d’accord avec Léon BLOY, force est de reconnaître que son écriture est d’une force sans pareille. MURAT évoque « Le journal de Léon BLOY ». En fait il s’agit d’écrits qui couvrent les périodes (1892 – 1907) et (1907 – 1917) ainsi que les inédits (1892 – 1895) – (1896 – 1902) – (1903 – 1907). Ces écrits donnent une photographie réaliste d’une XIXème qui s’effiloche … et d’un XXème qui déjà interroge.
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Partie du « Journal de Léon BLOY » …
Ci-dessous lettre manuscrite de BLOY à VERLAINE …
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A suivre …
http://didierlebras.unblog.fr/93-sexto-jean-louis-murat-sa-bibliotheque-6eme-partie/
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Concernant Eric Reinhardt que j’ai rencontré juste avant Noël pour son roman « L’amour et les forêts », j’apprends seulement aujourd’hui qu’il évoque notre artiste dans son roman de 2007 « Cendrillon »(livre que Jean-Louis dit avoir beaucoup offert à l’époque et dont je vais commencer la lecture l’ayant acquis samedi dernier). Mon ‘informatrice’, qui travaille très sérieusement sur l’oeuvre d’Eric Reinhardt et fait d’autre part la promotion de l’écrivain via une page facebook qu’elle lui consacre, me précise : » J’aime beaucoup les deux mots qui qualifient Jean-Louis Murat dans Cendrillon: « céruléen et broussailleux ». On a l’impression de le voir surgir, juste avec ces deux adjectifs, glissés dans le roman. »
Du coup, à ces mots se superpose dans mon esprit la photo de JLM sortant tout habillé du lac Servières…
Didier, cette page de ton blog, si je l’avais mieux lue, m’aurait mise bien plus tôt sur la trace de l’écrivain sensible, très doué et à priori presque aussi torturé qu’a pu l’être notre chanteur auvergnat.
Bonne fin d’année et toutes mes amitiés
Salut Armelle,
j’aime beaucoup ta sensibilité, ton honnêteté, ton sens de la mesure. Tu aimes MURAT sans passion exagérée, avec suffisamment de détachement, pour en avoir une assez bonne perception … En ce sens je trouve que tu me ressembles … Je veux dire par là que je me reconnais en Toi … Sur le côté paysan de JLM je partage le même avis que Toi. Revenons à nos moutons : Je n’ai pas le livre de REINHARDT … si tu peux me retranscrire la portion faisant référence à JLM ce serait parfait … Je pense que je vais en faire bon usage … De même pour le lien avec la page FB de la personne dont tu me parles … Bonnes fêtes de fin d’année Armelle … Didier.
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