- 91 – Jean Louis MURAT … Lequel ???
Le 21 décembre 1993, dans les colonnes du « Figaro » le journaliste Frédéric FERNEY écrit avec talent : « A force d’essayer des masques, ils lui ressemblent tous : le sentimental vénéneux, le froissé élégiaque, le sensuel hirsute, le lancinant mélancolique ». En préambule FERNEY pose cette question : « MURAT lequel ? ».
A mon tour, modestement, à ma façon, au travers d’images et de mots de l’auteur, je vais essayer de répondre à cette question.
De Jean-Louis MURAT on ne voit le plus souvent, que ce que l’on veut bien voir, où que ce que le bougnat veut bien laisser paraître soit la portion congrue. Voilà qui forcément ne donne pas un tableau flatteur de « l’animal ». Avec le chantre Auvergnat il faut gratter sous l’écorce pour y trouver la substantifique moelle. Chez MURAT les bons sentiments se cachent souvent derrière des airs courroucés. A l’occasion de la sortie de l’album « Toboggan » un article publié le 22 mars 2013 par l’AFP me paraît très édifiant. Pour résumer ce dernier opus, le journaliste écrit : « Débutant avec le feutré et lumineux : « Il neige », il s’achève sur : « J’ai tué parce que je m’ennuyais ». Le chanteur s’en explique d’une phrase : « Je suis parti d’un état méditatif pour parvenir à un état de grande colère ». Il rajoute aussitôt : « Je ne sais pas comment font les gens pour ne pas être davantage hors d’eux. Moi, je suis souvent hors de moi« . Le journaliste justifie ce courroux par : « la jeune Roumaine et son bébé mendiant sous la neige, qu’il a croisés en sortant de la gare ». Choqué par ce qu’il vient de voir, je suis certain que MURAT en a parlé pendant de longues minutes avec l’interviewer. Il ne veut pas que cet émoi transparaisse … C’est ça MURAT ! A cet instant, les chansons de son propre album doivent lui paraître bien dérisoires. Le voilà à devoir vanter les mérites de « Toboggan » alors que dans la tête il a des images de cet enfant et de sa mère abandonnés de tous, pire encore, sans doutes exploités. MURAT parle d’un : « renversement des valeurs« . Il ajoute à juste titre : « On trouve des excuses aux coupables et on cherche des noises à l’innocence ». MURAT termine : « Je trouve qu’il y a une faillite morale, une infériorité morale dans laquelle on s’enfonce ».
En fait, MURAT a bon cœur. Il ne veut surtout pas que cela se sache. Il prend même un malin plaisir à ne laisser paraître que ses « saillies » les moins flatteuses. Voilà un personnage public, qui plus est chanteur, présente des caractéristiques physiques de bon aloi. Il s’amuse à nous offrir de lui … une image détestable …
Le « vrai MURAT » qui n’a pas besoin de se forcer pour être « beau » …
Le « faux MURAT » qui s’ingénie à paraître « moche » …
Qui de BERGHEAUD ou de MURAT se cache derrière ces lunettes noires ???
MURAT nous révèle être timide. Je veux bien le croire. Il attribue même une partie de ses excès à cette timidité. Mais alors comment expliquer qu’en 2000, à l’occasion de la sortie de « Mustango » pour « Magic » et ses lectrices, il accepte de se montrer nu comme un ver sur une double page !
A y regarder de plus près voilà qui n’est pas (non plus) du meilleur effet … Il n’y a dans mon esprit aucune acrimonie et encore moins jalousie … N’y cherchez par ailleurs, aucune prétention particulière de ma part …
Pire encore avec ce cliché paru dans « Les Inrocks » (n° 419 du 10 au 16 décembre 2003) où il dissimule ses attraits masculins pour se présenter à nous sous les traits d’une femme ???
On frise le mauvais goût ! Je veux n’y voir que la part féminine qui est en MURAT. Cette part qu’il ne renie pas. C’est pour moi, un clin d’œil « rieur » à tous ces donneurs de leçons qui ont épinglé MURAT au mur des homophobes …
Sans même que je m’en rende compte j’ai entrepris de lever un voile sur le « MURAT » que l’on ne voit jamais. Le 14 octobre 2011 pour « Magic » l’Auvergnat confie à Franck VERGEADE : « Moi j’ai eu la chance de jouer aux cow-boys et aux indiens avec mes enfants, en partant dès l’aube à la montagne avec un poney chacun. On faisait des cavalcades effrénées. Les êtres humains ont perdu le rapport aux animaux. Je regrette le temps où les hommes circulaient à cheval. Il y avait une noblesse qui n’existe pas dans une Clio ou une Picasso ».
Pour « Les Inrocks » le 5 novembre 2011 le chanteur d’Orcival déclare à Johanna SEBAN : »Quand j’étais petit, mon grand-père forestier avait trouvé un petit lièvre, qu’il avait mis dans une cage à lapin. Je passais mes journées à le regarder. Puis il s’est suicidé en s’assommant contre les parois. Ca m’a beaucoup marqué, petit garçon, cette bête qui ne supportait pas d’être dans une cage. Alors que d’autres animaux auraient pris ça à la coule ».
Au fil des ans MURAT s’est assagit. En attestent les propos tenus à Frank VERGEADE (oct. 2011 voir ci-dessus) : « Suis-je toujours hypocondriaque ? De moins en moins, car j’ai tellement peur que les enfants le deviennent. Ce sont eux qui nous éduquent. Ainsi on finit par stopper ces comportements infantiles, ces petites concessions ou lâchetés à soi-même. Si tu veux bien élever tes enfants, commence par changer, sinon ils vont devenir comme toi puisqu’ils scannent tes moindres faits et gestes. Ils projettent tes défauts en 3D. Je suis devenu un sage, comme tu peux le remarquer ».
Lors de la sortie de l’album « Toboggan » le 13 mai 2013, dans les colonnes du « Blog » Picard » sous la plume de Philippe LACOCHE le Brenoï s’exprime en ces termes : « Moi, j’écris à la plume, avec de l’encre et du buvard. C’est très moderne de ne pas avoir de portable et d’écrire à la plume. Si la modernité consiste à créer de la misère, arrêtons d’être modernes ». LACOCHE reprend : « On dit que vous êtes un homme de contrastes. Insaisissable. Qu’en pensez-vous ? Et pourquoi ? ». MURAT lâche : « Cela me paraît bien naturel. Je procède en musique comme je fais avec les couleurs primaires. Pas de couleurs secondaires, ni de couleurs tertiaires. Ma terre, l’Auvergne, est celle des contrastes : dans les basiliques, le soleil jaune sur les pierres volcaniques noires … Ca forge un caractère et une sensibilité. Il faut les deux. Je suis assez contradictoire au quotidien. Je n’ai jamais voulu privilégier une façon d’être. Je suis à la fois tendre et très violent depuis l’enfance. J’essaie de faire au mieux avec ça. Faire des disques ça me discipline ».
Enfin dernier clin d’œil aux personnes qui ne voient en MURAT qu’un vil personnage, peu soucieux des « différences » cette confidence faite au journaliste Laurent MEREU BOULCH pour « Le Figaro Madame » le 18 octobre 2011 : « Moi, je m’occupe du ménage, alors que Madame bêche le jardin ».
Derrière les frasques de MURAT ne se cache pas l’olibrius que l’on croit … MURAT est resté un p’tit garçon … Ce sont Justine et Gaspard qui le conduisent vers la maturité …
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D’énormes qualités de coeur, j’ai pu le remarquer lors de rencontre avec son public….très à l’écoute…beaucoup de sensibilité et surtout le contact …toujours le geste tendre…
Merci Rhia … bien à toi.
Dernière publication sur : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...
Personnellement, je pense que la multiplicité des personnages fait partie du chaos personnel et intime de JLM. Ce qu’on pourrait appeler une faille identitaire, à la fois source créative au plan artistique mais aussi véritable handicap social et personnel au quotidien.
La contradiction permanente y trouve donc sa place y compris sur ce qu’il prétend être en interview dans le cadre privé.
Quand tu écoutes les gens qui vivent à proximité de chez lui, qui le côtoient régulièrement parler de lui, tu te rends compte qu’en réalité, JLM n’est pas si éloigné de l’image publique bougonne et pas franchement sympathique qu’il a contribué à créer médiatiquement. Les habitants locaux, à moins d’être des amis proches, n’ont pas plus que les médias une opinion très favorable du chanteur concernant son comportement et sa façon de vivre.
Ce qui tendrait à prouver que finalement le personnage Murat médiatique et artistique qu’il présente, passablement irritant, n’est pas si éloigné que ça de Bergheaud pourtant présenté par JLM comme une sorte d’antithèse pure, droite et préservée.
Le golem Murat aurait-il finalement vampirisé définitivement son créateur et Bergheaud ne serait plus qu’un fantoche tout à la fois fantasmé, exalté, magnifié en chanson et en interview comme lorsqu’on met son nez sur un vieux flacon de parfum vide mais où subsiste encore quelques gouttes madérisées?
On peut se poser la question…
Et je pense que JLM se la pose aussi parfois tant finalement le jeu médiatique qu’il a mis en place a pris d’importance ces dernières années et même déborde parfois sur son travail musical et textuel.
Dans ce chaos perpétuel qu’il a lui-même construit et dans lequel il tourne pris dans cet engrenage,sait-il exactement à l’heure d’aujourd’hui où il en est et qui il est réellement?
Je n’en suis pas sûre. Pour cela aussi peut-être qu’il aime tant la nostalgie. Elle lui permet encore de croire que Bergheaud est toujours là et que Murat n’a pas envahi le territoire. Elle lui permet de se rassurer artificiellement, en faisant l’économie d’un travail thérapeutique pour sortir de son mal-être.
L’histoire du petit lièvre en cage est un peu la sienne dans une certaine mesure. Sauf que c’est lui-même qui s’est mis en cage en croyant conquérir une plus grande liberté.
C’est comme ça que je le ressens au fil du temps.