- 87 – Jean Louis MURAT … nostalgique …

Au cours de la promo du dernier « Toboggan » le 24 mars 2013, dans les colonnes du journal « Sud-Ouest » le chanteur Auvergnat confie : « J’écris toujours mes textes au stylo à plume dans des cahiers Clairefontaire à carreaux, avec de l’encre « Waterman ». J’ai des buvards, j’adore les motifs qu’on y trouve … ».

Au sortir des années 50, les filles et les garçons font classe à part. Jean-Louis MURAT est nostalgique de ces années passées  à l’école communale. Le poêle à bois trône au fond de la classe. Les élèves sont suspendus aux paroles du professeur … on dit « le maître ». Dans cette appellation il y a une vraie symbolique. L’enfant écoute et respecte l’adulte. La parole du professeur mène au savoir ! Aux murs de la classe est accrochée la carte de la France. On y apprend les doux noms de Garonne et de Durance. Les numéros et les chefs lieux de départements sont connus de tous. Les Côtes d’Armor s’appellent  encore les Côtes du Nord. Il ne viendrait à l’idée de personne de changer ce nom. Le mercredi est jour de classe. Le jeudi est consacré au repos. Pour les enfants des fermes comme Jean-Louis BERGHEAUD cette journée se passe selon la saison, dans les champs ou à l’étable pour donner un coup de main aux parents. Dans la classe, l’odeur de la craie le dispute à celle de l’encre violette. Les enfants portent un manchon de toile grise, lequel partant du coude au poignet sert à essuyer l’ardoise et les taches d’encre. Chacun arbore une blouse … le mot « uniforme » ne blesse personne.

CLASSE GARCONS 1960

CLASSE FILLES 1960

Jusqu’au début des années 60, le porte plume est de mise.  Il s’agit d’un petit manche en bois, métal ou ivoire à l’extrêmité  duquel est inséré une plume le plus souvent métallique qui, trempée dans l’encre permet d’écrire ou de dessiner.

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porte plume

waterman

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Le stylo à plume est inventé en 1827 par POENARU un ingénieur Roumain. En 1880 Lewis WATERMAN, courtier en assurance, s’apprête à signer un important contrat. Une vilaine tache d’encre rend le projet impossible. Utilisant la capillarité, il remplace l’unique canal d’alimentation en encre par une série de canaux parallèles, ce qui rend  le débit plus régulier. En 1884 le brevet du stylo à plume est déposé. En 1919, le traité de Versailles est signé avec un stylo Waterman.

Dès 1964 les premières publicités font mention des cahiers « Clairefontaine »

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Au 17ème siècle en Angleterre, un ouvrier papetier oublie de mettre la dose de colle requise dans la pâte destinée à être transformée en papier ordinaire. Furieux le patron renvoie la coupable. Quelques jours plus tard il s’aperçoit que ce papier sans colle qu’il s’apprêtait à mettre au rebus, a pour particularité d’absorber l’encre sans effacer l’écriture. Le papier buvard est né …

buvard

Utilisé par les enfants dès l’apprentissage de l’écriture, les services de l’Etat  se sont servis de ce support pour faire passer des messages …

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Les publicitaires leur ont emboîté le pas …

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Sans buvard on ne peut tourner la page. Sur le buvard on passe doucement ou fermement la main. Les mots écrits sur la page s’impriment de façon magique sur cet « envers du décor » … Il s’agit là de petits bonheurs que nos enfants adeptes de la « souris » ne connaîtront pas. Nostalgie quand tu nous tiens ! 

buvards

En 1989 MURAT déclare à Jean-Marc THEVENET : « Je suis presque exclusivement un nostalgique mais attention un nostalgique dynamique. J’ai toujours un œil dans le rétro.  Dans le présent je me noie et l’avenir c’est abstrait, ça n’existe pas. Je voudrais savoir d’où je viens ». 

Le 15 novembre 2011, évoquant son refus de faire du cinéma, le chantre Auvergnat confie à Jean-Marc LE SOUARNEC : « Je suis resté en état de nostalgie de côtoyer KIESLOWSKI« .

En 1835 le mot « nostalgie » apparaît pour la première fois dans le dictionnaire de l’Académie Française : « Maladie causée par un désir violent de rentrer dans sa patrie ». En 1840 CHATEAUBRIAND lui donne une signification toute autre : « La nostalgie est le regret du pays natal ».  De nos jours la nostalgie est un sentiment de regret du temps passé ou des lieux disparus. On y associe des sentiments agréables, de belles images. Le regret de l’enfance est bien souvent le principal sujet de nostalgie de notre vie à tous.

Dans « Le mythe de Sisyphe » Albert CAMUS clame : « La pensée d’un homme est avant tout sa nostalgie ». L’écrivain Grégoire LACROIX écrit : « On commence à vieillir quand on a la nostalgie des moments qui n’ont jamais existé ».

Le poète Guy DUMOULIN nous donne une autre version de la nostalgie qu’il décrit ainsi : « La nostalgie c’est la paix/Quand du passé/On a tout oublié/De ce qui nous faisait espérer/Meilleur/Notre avenir/Quand tous comptes  réglés/Quand tous fardeaux posés/On sait ce qu’on aimait ».

Dans  »Le cours ordinaire des choses » (2011) MURAT  chante : « Chanter est façon d’être au monde/Chanter est ma façon d’aimer/Mon cœur est sorti de la ronde/Chanter est ma façon d’errer » (…) « L’obscurité m’entoure Solange/Rien de nouveau Margot/Cher ange garde ton orange/Chanter est ma façon d’être en haut ». Ces mots ne sont que « nostalgie » … A y regarder de plus près, voilà qui nous situe entre :   »Ange déchu » et … Amour qui n’est plus … N’est-y pas « Margot » (???)

Le mot de la fin je le laisse à Jean-Louis BERGHEAUD qui, pour « Globe Hebdo » en novembre 1993, confie à Sylvain ROSENTHAL : « J’ai été élevé en grande partie par mon grand-père, un paysan, et j’en éprouve une immense nostalgie ».

Chut !

***

Ajout le 25 novembre 2014 …

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Le 13 octobre 2014, le double album « Babel » est dans les bacs. En fin d’année 2013 MURAT a perdu son père. L’écriture de ce nouvel album porte cette douleur. Plusieurs titres y font même référence. Le 14 novembre 2014 avant de se produire dans la petite ville d’Auray département du Morbihan, le poète Auvergnat accorde une interview au journal « Le Télégramme ». Le journaliste commentant « Babel »  évoque : « une mélancolie qui effleure ». Il interroge donc le Brenoï : « Mélancolie ? ». Jean-Louis répond : « Oui, j’ai été fabriqué ainsi, avec de grosses briques de mélancolie« .

***

Extrait de « Chacun vendrait des grives » – « Babel » (2014).

(…)

« Quel étui de moi/Vient rouler dans cette nuit

Quel bleu noir/Bleu noir à l’infini ? »

(…)

***

Extrait de « Dans la direction du Crest » – « Babel » (2014).

(…)

« La maison d’enfance m’est revenue ».

(…)

« Mon enfance disparaît/Quelle est la lueur qui s’en va ? »

(…)

*** 

Extrait de « Les ronces » – « Babel » (2014).

(…)

« Je suis sur le grand lit tendu entre moi et la nuit

Je m’abandonne alors à la mélancolie« .

(…)

« Nous n’irons plus chanter ma mie tout est mélancolie

Voilà le grand poison tout est mélancolie« .

(…)

***

Nous ne sommes plus dans la nostalgie. Nous voici en pays de « mélancolie » dont Victor HUGO dit : « C’est le bonheur d’être triste ». Marcel PROUST est plus radical lorsqu’il écrit : « La mélancolie est le soleil noir. Le vrai paradis est le paradis perdu ». Dans « Le Temps retrouvé » l’écrivain préféré de MURAT précise sa pensée : « Les années heureuses sont les années perdues, on attend une souffrance pour travailler. L’idée de la souffrance préalable s’associe à l’idée du travail, on a peur de chaque nouvelle œuvre en pensant aux douleurs qu’il faudra supporter d’abord pour l’imaginer. Et comme on comprend que la souffrance est la meilleure chose que l’on puisse rencontrer dans la vie, on pense sans effroi, presque comme une délivrance, à la mort ».

le dictionnaire « Larousse » indique : « Etat de dépression, de tristesse vague, de dégoût de la vie, propension habituelle au pessimisme ». La nostalgie est donc liée au passé, la mélancolie pas forcément. Dans « nostalgie » il y a regret du passé, dans la « mélancolie » on ne peut pas mettre un mot précis sur l’état de tristesse, c’est un état général.

***

MURAT  a tellement la nostalgie de son enfance, de cette vie partagée avec François, Thérèse et leurs quelques vaches, qu’il en est mélancolique. Il sait que tout retour en arrière est impossible, illusoire … Du pire il ne retient que le meilleur. Son père est parti. Je ne sais pas s’il lui a pardonné son « absence ». Je sais qu’il l’a aimé jusqu’au bout et qu’il aime plus encore. « Il faut être fier de ce qui nous a fait ». Voilà des paroles de MURAT qui m’ont marqué à vie. Il n’y a pas un jour où je n’y pense pas. Alors « mélancolie » ou « nostalgie » ??? Je ne sais …

Extrait de « Chagrin violette » – « Babel » (2014).

(…)

« J’entends le bruit du sang/Au soir de l’hiver

Je revois mère grand/J’entends les pleurs de mère ».

(…)

« Père jeté en prison/Au soir de novembre

Met mon cœur en prison/Les soirs de novembre ».

(…)

« J’ai de la pluie dans les yeux ».

(…)

J’ai écrit ces quelques lignes en écoutant le formidable concert de MURAT sur « Inter », cadeau qui nous est offert par Pascale CLARK … Je suis nostalgique de l’encre violette … Je suis surtout révolté qu’un tel artiste ne soit pas reconnu à sa juste valeur …

encre violette

***

Ajout le 4 juillet 2016 …

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Pour cause d’absence de tournée, la campagne de promotion de « Morituri » aura été bien maigrichonne. Pas de Pascal CLARK c’est tout dire. Il est vrai que la radio et particulièrement « Inter » n’est pas dans une forme resplendissante. Tout ce qui tourne autour de la musique semble ne plus tourner rond. Seuls les mastodontes subsistent. Ce sont eux qui permettent à certains majors de gagner encore un peu d’argent. La musique n’est plus qu’un art mineur. Dans un monde ou tout se paye, la musique est dorénavant superflue. Les gens vont d’abord acheter l’essentiel. Lors de sa dernière interview accordée au « Soir » belge MURAT confie à Philippe MANCHE le 7 juin 2016 : « Je me sens d’un monde d’avant« .

Les textes des chansons composant « Morituri » ne laissent aucune place à l’ambiguïté … Pour MURAT les dés semblent jetés. Il s’est fait un raison. Il n’y a plus de places dans la société actuelle pour des artistes comme lui : intègres, simples, vrais … Dans ce monde tout n’est que fausseté et immédiateté. Je pense vraiment qu’avec cet album qui nous parle de « Ceux qui vont mourir » MURAT s’inclut dans le lot ! Il n’est qu’à l’écouter … Les mots chez MURAT sont pesés, réfléchis, plus qu’il n’y paraît …

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Extrait de : « Nuit sur l’Hymalaya »

(…)

« Je ne saurai plus/dans cette mer nager ».

(…)

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Extrait de : « French Lynx »

(…)

« Mais tout est éboulis »

(…)

« Tout est vain et cruel »

(…)

« Ne va pas t’engloutir tout l’hiver/Dans la vie d’ici »

(…)

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Extrait de  : « Morituri »

(…)

« Que di tu courage/Marre de ce voyage »

(…)

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Extrait de  : « Tous mourus »

(…)

« Mais qu’est-ce qui nous a fait ça ? »

(…)

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Je ne veux pas être oiseau de mauvais augure. J’espère de tout cœur que cet album n’est pas le chant du cygne ?!

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***

 

Publié dans : ||le 25 mars, 2014 |3 Commentaires »

3 Commentaires Commenter.

  1. le 25 mars, 2014 à 17:34 Rhiannon écrit:

    Il faut avoir une nostalgie active…se servir du passé pour avancer à notre rythme …ne pas oublier car c’est ce qui nous construit…et surtout ne pas trop envisager l’avenir… »Carpe diem »…….les odeurs…les atmosphères …c’est ce qui reste souvent de notre passé évocation de tristesse mais aussi de joie….nécessaire et salutaire…Qui disait que « le chagrin développe les forces de l’esprit… »et que » la nostalgie ? Cà vient quand le présent n’est pas à la hauteur des promesses du passé. »

    Répondre

    • le 25 mars, 2014 à 18:50 didierlebras écrit:

      Amitiés Rhia ….
      Je ne sais pas qui le dit … mais voilà qui est bien dit … et surtout bien pensé …

      Dernière publication sur  : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...

      Répondre

    • le 29 mars, 2014 à 10:45 Muse écrit:

      Joli commentaire, Rhia.
      Pour rejoindre ton propos, ma mémé disait toujours, reprenant une citation célèbre de Blaise de Monluc:
      « Coeur qui soupire n’a point ce qu’il désire ».
      Et c’est tellement vrai! JLM est en quelque sorte le chanteur perpétuel du coeur soupirant ;-)

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Blaise_de_Monluc

      De toute façon, la nostalgie constitue une part importante de notre quotidien dès lors que nous avons un peu de vécu. Souvenirs d’enfance, odeurs, textures, matières, lieux, voix…tout devient prétexte à la nostalgie.

      En ce moment, je suis en plein dedans avec la disparition brutale de ma maman. En cherchant des clés dans une vieille boîte de biscuits, je suis tombée sur une série de cartes publicitaires illustrées certainement au tout début du 20ème siècle. Ca va du chocolat Poulain « chocolat du progrès » à la machine à coudre Nova « la meilleure » en passant par la chicoré extra de « A la belle jardinière » et par les biscuits Pernot (biscuiterie dijonnaise aussi célèbre en son temps que Lefèvre-Utile à Nantes): un petit trésor d’images chromos montrant des bambins, les grandes dames célèbres, des personnages de contes de fées…toute une époque révolue mais que l’on a plaisir à redécouvrir…

      http://dijon1900.blogspot.fr/2010/07/la-manufacture-des-biscuits-pernot.html

      http://www.dijon-realite-augmentee.fr/lieux/biscuiterie/

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