- 86 – Jean-Louis MURAT … le timide …
Le 29 mars 2013, à l’occasion de la sortie de l’album « Toboggan », le journaliste David CHAPELLE pour « La Dépêche » évoque des souvenirs de tournée, cela se termine par une question. Les réponses formulées par Jean-Louis MURAT/BERGHEAUD me semblent intéressantes à plus d’un titre …
D.C. : « Je vous ai vu au « Rock dans tous ses états », vous sembliez très peu préoccupé par le public – en même temps, c’était un public de festival, pas forcément là pour vous, quel rapport au public avez vous ?
JLM : Je crois me souvenir. J’ai du passer mon temps à me dire : mais qu’est-ce que je fous là ? Bien souvent pendant les concerts, je passe mon temps à me dire ça. Ca n’est pas tellement méprisant, mais je me dis : qu’est-ce que tu fais ici mon pauvre garçon ? Ca me donne un côté absent. Dans le fond, je suis très traqueur. C’est peut-être idiot à dire comme ça. Je le sais. Les gens autour de moi le savent aussi. Depuis enfant, j’ai toujours été extrêmement timide et réservé. Au moment de monter sur scène, bien souvent je suis terrifié. J’essaie de surmonter ça en prenant un air arrogant, ou en balançant des vannes. Mais le fond de l’affaire, c’est que je suis terrifié. C’est comme ça et je crois que ça le sera à vie ».
D.C. : C’est le grand classique des timides maladifs qui se retrouvent sur scène ?
JLM : Oui, c’est un grand classique. C’est pour ça que j’en arrive à dire mais qu’est-ce que tu fous là ? Si je suis seul et que je dois faire des courses, je passe dix fois devant un magasin avant d’entrer. Même ça, ça m’est assez difficile, c’est vous dire le genre. Et pourtant, je monte sur scène. C’est assez commun, mais chez moi ça doit se voir ou alors je le gère très mal. Les gens ne pensent pas que je suis timide. J’ai mis tellement de contre feu en place que bien souvent on pense que je suis le contraire de la personne que je suis vraiment ».
D.C. : Avec le temps, ça s’arrange ou pas ?
JLM : Ca s’aggrave. Y’a pire. Je ne suis pas malade, je suis juste timide. Timide, connu et reconnu ça ne facilite pas les choses ! C’est pour ça que je me sape, je me coiffe et me rase n’importe comment, et très peu de gens me reconnaissent. Ou alors, les gens qui me reconnaissent et me disent : « Oh, vous êtes Jean-Louis MURAT ? ». En général je dis non. Ce qui stupéfie mes enfants à chaque fois.
D.C. : La tournée c’est un mal nécessaire ?
JLM : Oui, oui, c’est là que j’apprends beaucoup de choses. C’est ce qui me rend plus efficace en studio, dans l’écriture des chansons. Je ne suis pas non plus dans l’idée que je dois tout me passer. Ce n’est pas parce que j’ai les jetons sur scène que je ne dois pas en faire. Je suis beaucoup dans cette idée là. Tu as les jetons, tu y vas ! C’est pour ça que je suis un peu dangereux. Si j’ai peur, je fonce. Si je fais du ski, si je vois une pente trop impressionnante où je pourrais me briser le cou, je me dis : « Bah, j’y vais ».
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MURAT/BERGHEAUD où l’inverse … ne donnent jamais dans la demi mesure. Peur d’entrer dans un magasin ! Refuse devant ses propres enfants de dire « Oui » à un quidam qui le reconnaît ! J’imagine le trouble de Justine et de Gaspard. J’ai toujours pensé que MURAT n’aimait pas s’exhiber mais je ne pensais pas que ce phénomène pouvait atteindre de telles proportions !
MURAT a toujours été réfractaire aux photos. Y compris dans le cercle familial. A ma connaissance de l’adolescent une seule photo « circule » celle fournie par JLM lui-même à son ami Jean-THEFAINE …
On dit que les « timides » sont des « rêveurs » … C’est surtout avec eux-mêmes qu’ils se sentent le mieux …
Jean-Louis BERGHEAUD pur produit de la culture « paysanne » (celle du grand-père et de la grand-mère) a dès quinze ans été confronté à la culture de « la ville ». La père est parti, la maman habite en ville. L’un et l’autre ont refusé comme nombre de paysans de l’époque, d’endosser les quenouilles de leurs parents. Elevé par ses aïeux, le p’tit BERGHEAUD n’y comprend plus rien. Autre phénomène qui n’est pas négligeable : nous sortons d’une société de « l’écrit » pour une nouvelle ou le « parler » s’impose à tous. Au préalable il était indispensable « d’être » à présent, il faut surtout « paraître ».
Je ne reviendrai pas sur le « Jean-Louis » qui, le jeudi, transporte du fumier dans les jardins des voisins pour se faire un peu d’argent de poche. Ce p’tit garçon que toutes les filles repoussent parce qu’il sent l’odeur des champs. Pourtant, Jean-Louis BERGHEAUD devenu MURAT (50 ans plus tard) donc … n’ a rien oublié. C’est ainsi que le 3 avril 2013, répondant aux questions de Francis DORDOR pour « Les Inrockuptibles » il déclare : « Au lycée, si une fille me plaisait, je lui donnais chaque matin un poème. Souvent elles le refilaient aux autres mecs qui du coup se foutaient de ma gueule ».
A la campagne, le pratique l’emporte toujours sur l’esthétique. L’habillement n’échappe pas à cette règle. Il fait froid la laine est de mise. L’hiver, que l’on soit de Bretagne ou d’Auvergne, le caleçon long est porté par tous (enfants ou adultes). L’admission au pensionnat (donc l’irruption en ville) va changer ce postulat. « Ceux de la ville » portent des petites culottes, désormais le caleçon long ne fera plus partie de notre paquetage. L’une des premières photos de Jean-Louis BERGHEAUD membre du groupe « Clara » nous le montre affublé de ce slip des grands-pères … J’y vois un clin d’œil … C’est bien MURAT qui dit : « J’ai peur ??? Je fonce !!! ».
Il est des phrases de MURAT qui valent mieux qu’un long discours. Ce sont des phrases dites à brûle pourpoint … au fil de l’eau. Je retiens cet avoeu fait à Francis DORDOR (« Les Inrockuptibles » du 3 avril 2013) : « Faire semblant d’être un autre, seule façon d’exister » !
… Extraordinaire Voodoo …
(Extrait de « Toboggan« /2013)
(…)
Que sais-tu du chantier
Faut-il faire semblant d’être un autre
Seule façon d’exister« .
(…)
« Tu regardes tes pieds
Tu te transformes en pigeon ».
(…)
« Quel pauvre Ulysse à la con
Quel déboussolé« .
(…)
Nous sommes le neuf mars 2014 … Le printemps est en avance. Dans les arbres de la ville, les pies font leur nid. Je vous donne à humer les senteurs des cerisiers de Douharesse …
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Ajout le 23 juin 2016 …
En 2014 « Babel » est dans les bacs. Cet album empreint de la mort du père, comporte les doutes, les questionnements de l’artiste. A ces questions peu ou pas de réponses … Le doute est souvent la réponse des « timides » …
… « J’ai fréquenté la beauté » …
Extrait de « Babel » (2014)
(…)
« Jamais sur d’être aimé/Par l’hirondelle des faubourgs
J’ai fréquenté la beauté/Je n’en ai rien ardé ».
(…)
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… « Dans la direction du Crest » …
Extrait de « Babel » (2014)
(…)
« Je ne suis plus celui qui a chanté/Où finir ou aller ? »
(…)
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… « Les ronces » …
Extrait de « Babel » (2014)
(…)
« Je ne veux plus chanter/J’ai chanté trop abondamment »
(…)
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… « Vallée des merveilles » …
Extrait de « Babel » (2014)
(…)
« Tu te nuis tout le jour, et chaque nuit/Tu vis comme un porc »
(…)
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Le 15 avril 2016 « Morituri« voit le jour. Cet album respire l’air du temps. MURAT nous décrit un pays déboussolé, malade de ses élites. Il donne un portrait de lui peu amène, fait d’incertitudes …
… « French lynx » …
Extrait de « Morituri« (2016)
« Vite tu penses une chose/Tu penses son contraire
Tu passes ton temps à faire/Encore plus à défaire«
(…)
« Tu rumines au sextant/Tu te crois indigène ».
(…)
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… « La chanson du cavalier » …
Extrait de « Morituri » (2016)
(…)
« Me suis je perdu en chemin ? »
(…)
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… « Le cafard » …
Extrait de « Morituri » (2016)
(…)
« J’ai eu le cafard/C’te beauté fatale/Pour les gens paumés« .
(…)
MURAT est à la croisée des chemins. L’artiste va t’il laisser BERGHEAUD seul avec lui même ? Je ne sais quoi répondre. Soudain me voilà pris d’un profond cafard. J’ai tellement besoin des mots et des notes de MURAT … Je prie Dieu que l’artiste poursuive son chemin et continue de nous abreuver de sa poésie …
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très intéressant moi qui suis timide et qui aime cet artiste !
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C’est un nom d’indien ça … Merci de votre commentaire. Merci de faire connaître ce Blog à vos amis … Merci de faire aimer Murat …
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Le pantalon porté par JLM semble plutôt être un pantalon de jogging blanc (un des premiers du genre, donc que JLM avait dû payer relativement cher) qu’un caleçon long. Regarde bien Didier, le bas du jogging est élastiqué.
Le caleçon long des grands-pères à contrario est une sorte de grenouillère à manches longues en flanelle rouge l’hiver et en coton l’été, sans pieds, cousue toute d’une pièce et boutonnée tout le long du haut du corps jusqu’au pubis (pour n’avoir qu’à défaire quelques boutons pour faire pipi avec. Les jambes de ce caleçon long n’ont jamais été élastiquées mais très étroites au niveau des chevilles. Autrefois, les paysans et ouvriers dormaient avec (les chambres étaient rarement chauffées, le vêtement leur tenait chaud) et se baignaient avec ces combinaisons, la religion ayant décrété que voir son corps nu était péché et perversion. Ce qui faisait que souvent, ces combinaisons même lavées lors du bain hebdomadaire (avant d’aller à l’église) sentaient la sueur et le lait aigre à force d’être toujours sur le corps et peu lavées vraiment au savon (seulement quand ça commençait à gratter leurs propriétaires).
Mon grand-père paternel en avait quelques uns mais qu’il ne portait que l’hiver. Il disait que ça lui évitait d’avoir mal à ses rhumatismes, la chaleur de la flanelle étant très agréable.
Si agréable que les paysans comme une partie des ouvriers travaillant à l’extérieur par tous les temps ont longtemps porté en plus du caleçon long et les pantalons, une ceinture de flanelle, retenue par une ceinture et parfois aussi des bretelles.
http://grosvelours.free.fr/ceintureflanelle.htm
Aujourd’hui, le caleçon long est devenu juste un pantalon thermique pour randonneurs, rarement tout coton ou flanelle comme autrefois. Les paysans ont tous des tracteurs avec chauffage intégré à l’intérieur des cabines et vivent aussi dans des fermes généralement chauffées aussi bien dans les chambres que dans les pièces à vivre. Donc plus besoin de s’habiller aussi chaudement. Un simple jean, un pull et un coupe-vent suffisent.
L’équivalent des caleçons longs pour femmes était un pantalon bouffant en coton épais l’été, en flanelle grise l’hiver, parfois ornés de dentelle au crochet, avec une fermeture arrière à lacet de coton ou à bouton, ceinturant la taille et une large ouverture sur les fesses pour pouvoir faire ses besoins plus facilement sans pour autant que l’on voit le sexe. Cet habit a été remplacé dès les années 20 par slip panty, des jarretelles et bas de laine, de coton tricotés main, de soie tissée pour les plus riches dames avant que les années 60 amènent l’ère du collant nylon ou laine ou coton, indispensable avec les mini-jupes de Marie Quant.
Très intéressants et instructifs commentaires …
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Deux chansons anciennes (dont une de mon vieux cousin Charles-Louis) pour illustrer ce thème de la culotte de nos grands-pères et grands-mères:
http://www.youtube.com/watch?v=UhjVKOPUIcc
http://www.youtube.com/watch?v=L9SwQ8TOolg
J’aime Gabin et Berthe Sylva … merci Muse.
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La timidité de Jean-Louis se niche au fond de ses yeux bleus !!
Bon dimanche, Didier ! Bises.