- 75 – Jean-Louis MURAT … et les paroles de Marie AUDIGIER …
Jean-Louis BERGHEAUD n’a jamais écrit pour Marie AUDIGIER. Lors d’une interview datée de 1991 Jean-Louis précise parlant de Marie : « Elle ne pourrait pas chanter ce que j’écris (et inversement) puisque nos univers sont différents ». En une phrase MURAT a tout dit !
MARIE a donc écrit une vingtaine de chansons … seulement ??? Décembre 1993 Jean-Louis et Marie se séparent. C’est la fin d’une très belle histoire. En cette fin d’année MURAT effectue sa première tournée, jurant que : « Ca s’ra la dernière » ! Cette tournée est couplée avec le tournage du film « Mademoiselle Personne ». Une fan jouée par Elodie BOUCHEZ suit la chanteur soir après soir. Le film ne sortira jamais. Certains disent que MURAT ne peut supporter de voir ainsi portées à l’écran des images qui matérialisent une séparation par trop cruelle. L’album « Vénus » (1993) porte déjà en lui tous les stigmates de la discorde. De « Tout est dit » à « Par mégarde » il n’y a pas de doute possible. La fin est déjà proche. Cette tournée ne fera qu’accélérer ce qui était devenu inéluctable. Jean-Louis BERGHEAUD, trop longtemps « materné » sans doute influencé par MURAT ayant : « Besoin d’aller voir ailleurs » …
… « Ces étés » … 1993 …
Sur cet album sorti en 1993 il n’y a aucun mot qui soit de MURAT. Pourtant il n’y a pas une ligne où on ne perçoive le visage de Jean-Louis … ses yeux bleus ou verts … ses colères … ses douceurs … ses étreintes … Il suffit de lire …
SI BIEN
« Adossé à un arbre à côté d’un ruisseau
Ne penser à rien rester là il fait beau
Ne penser à rien
Et juste écouter le bruit de l’eau
Oh le bruit de l’eau ».
« Sentir le vent autour de moi s’enrouler
Le laisser glisser apprendre à l’écouter
Me laisser glisser
N’être qu’une feuille abandonnée
Une feuille abandonnée ».
« Je suis si bien là oh oh ».
(…)
« Sentir la douceur du soleil sur ma peau
Ne penser à rien rester là il fait beau
Ne penser à rien
Et regarder filer les nuages
Oh filer les nuages ».
« Je suis si bien là oh oh ».
« Je respire je respire
Je respire
Les derniers jours du printemps ».
« Je suis si bien là oh oh … ».
Voilà un premier titre qui a le goût et les saveurs du printemps … Marie nous chante à présent l’été qui s’effiloche …
CES ETES
« Tout s’en va
C’est l’été qui s’en va
Les grillons
Au crépuscule les voix ».
« Ces étés sont trop vite passés
J’en suis déjà à vouloir décompter
Les jours les heures
Les pierres blanches du bonheur
La pluie les fleurs
Toutes ces choses
Dont j’ai encore la saveur ».
« Tout s’en va
C’est l’enfance qui sen va
Les nuits claires
L’odeur du foin des bois ».
« Et je n’ai que le vent ami
Et je n’ai que ses plaintes
Pour garder en moi
Ces souvenirs-là
Toute ma vie ».
« Ces étés sont trop vite passés … ».
Et voilà, l’air de rien, nous nous sommes promenés au bord du « Vendeix » … dans la prairie du « Veillis » … Nous sommes dans l’univers de MURAT … pas loin de SUGERES où réside la famille de MARIE … Ca va mal dans le couple ??? C’est là qu’elle va rechercher de nouvelles forces en cas de tempête … Dans les mots de MARIE la nature est omniprésente. Ecoutons à présent le chant du « grillon » …
LE GRILLON
« Mon souffle étoilé
Dans la nuit d’été
Un petit grillon
Sa simple chanson
Quand reviendras-tu
A la maison
Ces longues semaines
De grisaille et de peine
Et de peine ».
« Quand tu me manques
Quand tu n’es plus là
C’est le vide le manque
Le vide en moi« .
« Le jardin parfumé
Des fleurs d’églantier
Mon petit grillon
Ta simple chanson
Quand reviendras-tu
A la maison
Un vent froid se lève
M’apporte la neige
Comme en rêve ».
« Quand tu me manques« .
J’ai comme la certitude qu’à travers ce « grillon » MARIE s’adresse à Jean-Louis … A présent MARIE nous donne à goûter aux aigreurs de la nuit … peut-être même aux galères … les « années sévères » …
TRAÎNER DANS LES BARS.
« Traîner dans les bars
Rôder dans les rues noires
Des rencontres d’un soir
S’évaporent dans le noir
Mon voisin d’à côté
Me parle de sa vie ratée
Des désillusions du passé
La pluie commence à tomber ».
« Dans les rues mouillées
Tout est triste à pleurer
Et l’eau emmène avec elle mes regrets ».
« Traîner dans les bars
Traîner de soir en soir
C’est parfois comme la mort
L’oubli une fois encore
Le bar est tout enfumé
Mes cigarettes sont terminées
La pluie continue à tomber
Je ne sais même plus où aller« .
« Dans les rues mouillées … ».
Je ne sais si Marie a traîné dans les bars avec son Jean-Louis … si elle a attendu que Jean-Louis ne rentre le soir de bordée … Souvent ceux qui sont dans les bars ne trouvent pas chez eux la quiétude désirée … alors des bars, ils en ont fait leur … « chez eux » …
MARIE nous mène à présent … à travers bois … goûter à l’eau de la fontaine …
LA FONTAINE.
« Marcher s’éloigner laisser la cité
Derrière moi voir le soleil l’embraser
Traverser des plaines arides et brûlées
Avancer toujours ne pas s’arrêter
Pour me retrouver
Aller vers la forêt la forêt ».
« Je cherche une fontaine
Je cherche une fontaine
A l’eau claire à l’eau pure
A l’eau claire et pure ».
« Arrivée à la lisière de la forêt
J’entre elle est sombre humide et nacrée
De l’eau fraîche et claire
Des feuilles la lumière
Et la forêt qui s’éclaire qui s’éclaire ».
« Je cherche une fontaine … ».
Dans le monde paysans, l’eau a une importance capitale, elle est vitale. Pour MURAT « l’humidité chérie des femmes » est tout autant essentielle.
Nous revoici en ville, en plein après-midi MARIE attend son Jean-Louis …
PAS DE MOTS.
« Assise à la terrasse
D’un café l’après-midi
Des passants s’embrassent
Je bois du Vichy
Enfin tu arrives
Tu t’assieds près de moi
Je sens qu’aujourd’hui
Tu es loin de moi« .
« Pas de mots ne parle pas
Pas de mots tu es bien là
Plus de querelles de vains combats
Pas de mots …
Arrête un peu c’est fini tout ça« .
« Tu ne peux pas rester
A ressasser le passé
Donne-moi la main
Tu verras tout ira bien
Ensemble dans ce café
La terrasse ensoleillée
On va vivre le jour
Le plus long de l’été ».
« Pas de mots ne parle pas … ».
Où … supplique à Jean-Louis. On devine qu’entre ces deux là … ça n’a pas été simple tous les jours. Cela n’empêche pas MARIE d’inviter son homme à faire un p’tit effort … Allez « Viens » !
VIENS.
« Tu te rapproches tu es tout proche
Je te sens hésitant
Ta main se pose enfin tu oses
Une longue caresse
Sur ma nuque chaude ».
« Alors je glisse vers la rivière
L’eau miroite dans la nuit se perd
Une loutre plonge dans l’eau profonde
Nous suivons l’onde ».
« Viens là
Etreins-moi
Dans la nuit le charme nous protègera
Viens là
Embrasse-moi
Dans la nuit le charme nous emmènera ».
« Ta main encore glisse sur mon corps
Doucement je te mords
Les yeux fermés je ne sais pas qui tu es
Ma bouche elle te parle te reconnaît« .
« L’eau des collines l’eau claire des cimes
En cascades coule vers la rivière
Elle t’éclabousse elle m’éclabousse
En gouttes douces ».
« Viens là … »
MARIE a du caractère. Jean Louis aime ça.
A présent nous partons pour « ANGKOR » … Jean-Louis n’aime pas les voyages et encore moins les vacances …
ANGKOR.
« La rivière descend
Du plateau du Kulên
Vers le lac sacré
Vers la vie des rivières
Mon cœur aussi descend
Des hauts plateaux du vent
En suivant la rivière
Vers l’eau sale des rivières ».
« Je marche dans les ruines
Je marche dans les ruines
Du temps d’Angkor
De notre amour mort
Angkor vile Khmère Angkor ».
« Je te sens toujours là
Ta présence cogne en moi
Le Bouddha suprême
Nous sourit nous aime
Les cinq tours de pierre
Signe magique d’hier
Veillent sur mon chagrin
L’eau noire de mon chagrin ».
« Je marche dans les ruines … ».
Alors voyage imaginaire (???) dans un temple en ruine … Un amour qui se meurt … qui n’est plus …
Voilà qui provoque des « Nuits agitées » …
NUITS AGITEES.
« Ces nuits agitées
Dans les draps enroulés
Je rêve de toi tu n’es jamais là
Des cauchemars flottent
Dans la nuit noire
Des ombres des regards
Me frôlent sans me voir
J’ai chaud j’ai froid
Je ne sais pas où mon corps va
Dans la nuit je dérive
Tourbillonne et dérive« .
« Chaque nuit
Je suis seule dans ce grand lit
Seule et perdue endormie
Seule et perdue ».
« Ces nuits agitées
La lune se voile lointaine et si pâle
De gros nuages tournoient
Ce sont des mages
Et je me sens tournoyer
Sans pouvoir m’arrêter ».
« Chaque nuit … »
Voilà un constat sans concession … « L’absence » semble entrée dans la vie de MARIE … C’est une chanson sans fard ni faux semblant. Son lit est vide … Voilà qui justifie un sentiment d’amertume …
L’AMERTUME.
« Un soupir fatigué
Les rideaux tirés
Une distance se crée
Le jour s’est levé
Nos mains dénouées mes cheveux défaits
Les draps sont froissés
Tu songes à mes côtés
Ma vie est froissée du velours déchiré ».
« L’amertume l’amertume
C’est ce qui reste après l’amour
Ce qui reste après l’amour ».
« Je t’écoute respirer
Quelles sont tes pensées
Tes arcanes tes secrets
Tu m’es étranger
Nos mains dénouées
Ton corps abandonné
Du mien éloigné un matin de Janvier ».
« L’amertume l’amertume … ».
La séparation entre Jean-Louis et Marie semble consommée … La vie doit reprendre le dessus … Tout le reste ce sont des … « Paroles en l’air » …
PAROLES EN L’AIR.
« Un champ de blé des coquelicots
Un vent doux se lève bientôt
Un son délicat de grelots
C’est le rire d’en elfe au bord de l’eau
Oh je ne sais pas pourquoi
Aujourd’hui la vie coule en moi
Je suis écorce je suis de bois
La vie m’irrigue de haut en bas« .
« Le reste c’est des paroles en l’air
Des paroles en l’air … ».
« Un papillon butine gracile
Puis s’envole heureux agile
Un scarabée dans la poussière
De bonne humeur marche à l’envers
Non je ne sais pas comment
On peut renaître en un instant
Ni comment malgré le temps
Rien n’a changé c’est comme avant« .
« Tout le reste c’est des paroles en l’air … ».
« Non je ne sais pas pourquoi
Aujourd’hui la vie coule en moi
Je suis écorce je suis de bois
La vie m’irrigue de haut en bas ».
« Tout le reste c’est des paroles en l’air … ».
Marie est une battante … La vie reprend son cours … Ce qui ne l’empêche pas de regarder les … « années passées » …
LES ANNEES PASSEES.
« La rue devenait sombre
J’étais un loup une ombre
Je courais dans la ville
A l’heure où la nuit tombe
Un vent froid s’est levé
Les lumières vacillaient
Mon souffle se givrait
Dans le froid du passé ».
« J’aimais tant les forêts
La rosée du matin
Les gouttes d’eau le calice d’une main ».
« Mais tout est passé dans les rêves les années
Il est vain de pleurer
Les années ont passé« .
« Puis plus je courais
Plus le vent froid soufflait
Les souvenirs perdus
Qui ne reviendront plus ».
« J’aimais tant les forêts
La rosée du matin
Les gouttes d’eau le calice d’une main ».
« Mais tout est passé les rêves les années … ».
Il n’y a pas lieu de faire quelque commentaire … Les paroles de MARIE se suffisent à elles même. MARIE ne connaît pas la langue de bois … Juste un mot sur le style : des mots simples, des phrases courtes. Aucune ponctuation, mais les points et les virgules s’imposent d’eux même … Ils sont silence et réflexion …
***
Pour le plaisir, petit retour en arrière : nous sommes en 1991. Marie AUDIGIER sur ce titre éponyme écrit cinq chansons (1- L’orage 2- Etangs secrets 3- Un voyage 4- L’autoradio 5- Une maison oubliée). Le sixième titre : « Rêve un peu à moi » est co-écrit par Marie.
La relation MURAT/AUDIGIER aux dires mêmes de MURAT n’est pas de tout repos. MURAT n’aime pas les femmes soumises. Il est servi. En 1991 les mots écrits par MARIE sont empreints d’une grande simplicité et d’un profond amour pour Jean-Louis BERGHEAUD … ce berger des montagnes … Ecoutons MARIE …
… L’orage …
(Extrait MARIE AUDIGIER/1991)
« Sur un chemin de terre
Un soir d’été
On se promenait
Au loin l’orage menaçait
Tu marchais là, tout près de moi
La terre était douce sous nos pas
Comme une promesse
Presque une caresse ».
(…)
« Les gouttes s’écrasaient
Lourdes sur l’herbe mouillée
Le champ de blé
Sous l’orage frissonnait
Je voulais courir à l’abri
Tu m’a pris le bras as souri
C’était la nuit
L’orage et la pluie ».
(…)
***
… Etangs secrets …
(Extrait de MARIE AUDIGIER/1991)
« Je voudrais te parler
De ces étangs secrets
Je voudrais t’emmener
Dans une barque glisser
Mais plus tu te rapproches de moi
Et plus je m’éloigne vers l’eau les lilas
A l’intérieur de moi ».
(…)
« Ces étangs sont cachés
Mes lèvres sont mouillées
Approche viens tout près
Apprends-moi à aimer
Mais même quand je suis dans tes bras
Je coule dans ces étangs froids
A l’intérieur de moi »
(…)
***
… Un voyage …
(Extrait MARIE AUDIGIER/1991)
« Un voyage
La pluie, le train
Qui me ramène vers toi
Les souvenirs le vent
Tout me rapproche de toi
La joie et la peur de te revoir
Le train qui traverse
De longs tunnels noirs
Les sapins dans le vent
Se balancent lentement
Immenses et rassurants »
(…)
« La pluie, le train
Je serai avec toi demain
Tant de temps, les chagrins
Que tout s’efface au matin
Ces mots perdus restés dans le noir
La forêt mouillée
Le vent le brouillard
Le pull rouge d’un enfant
Qui s’éloigne en courant
Vers la forêt le vent ».
(…)
***
… L’autoradio …
(Extrait MARIE AUDIGIER/1991)
« Les phares accrochent
Deux yeux brillants de chat
Qui se rapprochent
Sur la route déserte »
(…)
« L’autoradio ne passe pas »
(…)
Je tourne le bouton,
Cherche une station ».
(…)
« Et ces villes mystérieuses et jaunies
Le monde s’éteint englouti par la nuit
Mon rêve est sans fin la voiture poursuit
Son chemin silencieux dans la nuit ».
(…)
***
… Une maison oubliée …
(Extrait MARIE AUDIGIER/1991)
« Une promenade au mois de mai
La brume commence à se lever
Une maison abandonnée
A ses rêves
Qui se devine cachée
Dans les chênes
S’approcher dans la rosée
La maison à peine éveillée
La porte ouverte le sol dallé
Quelques jonquilles éparpillées »
(…)
« Les marches usées de l’escalier
Craquent et chuchotent leurs secrets
Le grenier est tout doré
De lumière
Dans un coin de vieux papiers
Des chimères
Entre un véto une chaise cassée
Des lettres à l’encre délavée
Des photos au charme désuet
Passions impossibles et regrets ».
(…)
Des mots simples, un chemin, un matin … des années de bonheur dont on sent poindre la fin … Merci MARIE de ces mots oubliés, ces sentiments passés, merci …
***
Ajout le 11 juillet 2014 …
Marie AUDIGIER s’est peu répandue dans la presse, pas plus hier qu’aujourd’hui. Ce n’est pas une femme de « commentaire » … c’est une femme « d’action ». Les interviews de MARIE ne sont pas légion, elles n’ont que plus de valeur à mes yeux. Pas plus tard qu’hier, parcourant le net, je suis tombé sur le « papier qui suit, daté de 1993, signé COLJON qui nous apprend beaucoup sur Marie et la vie du couple BERGHEAUD … Je reprends donc in extenso :
« Mercredi 18 août 1993
LA MARIE DE CLERMONT
Dame AUDIGIER aime le rustique, les herbiers et Jean-Louis MURAT.
On l’aime bien, la Marie. C’est une artisane, la petite. Elle n’était pas du tout dérangée de sortir en 1990 un album où elle chantait faux. En toute simplicité et innocence. Même que son homme, le très compréhensif Jean-Louis Murat, n’a pas hésité à produire avec sa mie l’oeuvre en question. C’est vrai que, pour les Disques du crépuscule bruxellois, ça n’a jamais posé de gros problèmes, souvenons-nous du disque de Gabrielle LAZURE. Tout est une question de feeling et de progrès. Elle en fit, Marie AUDIGIER, suivit des cours de chant même et voici le résultat, «Ces étés», avec toujours la même bande clermontoise des Denis CLAVAIZOLLE (claviériste de MURAT), Alain BONNEFONT (qui a écrit «Te garder près de moi» avec Jean-Louis avant de publier son propre «Amaretto» sur les mêmes Disques du crépuscule), Pascal MIKAELIAN ou Christophe PIE, tous deux musiciens occasionnels du monsieur au manteau de pluie. Elle partage même son ingénieur du son, Christophe DUPOUY. Bref, c’est la bande ».
« Ça fait longtemps qu’on fait de la musique ensemble. Clermont, c’est une ville où il y a beaucoup d’étudiants, une ville qui vit la nuit. Mais Jean-Louis, lui, il est né dans la montagne; moi, je viens de la vallée où le climat est plus doux, plus ensoleillé aussi. Ça se reflète dans notre caractère, lui est plus brouillard et vent que moi. C’est vrai qu’on est inspirés tous les deux par la campagne et la montagne, parce qu’on y vit. On s’est rencontrés par la musique. J’aime ce qui est rustique. C’est ce que je voulais pour cet album. Avec un côté herbier, cahier d’enfance. Le parti pris au départ était qu’il soit dépouillé comme un corps dont on enlève toute la graisse: il ne reste plus que les os et la peau. Il fallait que ce soit tendu. Le premier était un bilan, j’ai tiré les leçons de mes erreurs, je ne savais pas respirer par exemple, j’agonisais en chantant. Maintenant, avec les cours de Madame CHARLOT, ça va mieux ».
« Cela fait longtemps en fait que Marie chante. L’envie lui est venue en entendant «Tonight’s the Night», de Neil YOUNG, pour, dès ses 15-16 ans, se lancer avec des groupes de filles (les Barboteuses, Autoradio…). Elle était batteuse mais voulait déjà être le chef. Plastic BERTRAND ou Jean-Jacques BURNEL s’y intéressent un temps, mais rien ne se concrétise. À force de cultiver les petits boulots merdiques, Marie en a marre et se décide à apprendre l’anglais à l’université. Elle en sort avec une licence d’anglais et une maîtrise de langues française et étrangères. Elle enseigne à des étudiants étrangers. Elle vit déjà avec Jean-Louis qui suit un peu le même parcours à la fac (lettres françaises) et enseignement: Moi, je bossais, je lui faisais bouillir la marmite. Maintenant, c’est lui qui me laisse travailler la musique. On essaie de ne pas trop travailler ensemble, sinon on me suspecte toujours d’avoir Jean-Louis caché derrière moi. Pour le premier album, je ne me sentais pas capable de le faire sans lui. Sinon, on n’en parle jamais. Je ne vais pas en studio me mêler de ses trucs, mais on s’écoute l’un l’autre. On se stimule… On se fait tout écouter, mais c’est pas pour ça qu’on respecte ce que dit l’autre ».
« Vu qu’ils partagent les mêmes musiciens, on peut évidemment se demander comment ils vont s’arranger quand il s’agira de monter sur scène, vu que Jean-Louis est enfin décidé à partir en tournée, même que les titres écrits pour le prochain album le sont, d’après Marie, dans cette optique ».
Denis CLAVAIZOLLE va partir avec lui en tournée, donc, moi, je devrai prendre un autre guitariste car on ne veut pas tourner ensemble, nos carrières n’ont rien à voir. J’espère que moi ça ira face au public. Je ne l’ai plus fait depuis des lustres, j’en ai fait un avec mon groupe Madame ATOMOS, c’était en Corrèze, et je n’en ai pas un grand souvenir, et le second, c’était en Haute-Savoie, Jean-Louis était là avec son groupe, CLARA. Nos deux bassistes qui vivaient ensemble se sont battus, ça je m’en souviens… ».
THIERRY COLJON.
***
Lors du dernier « Koloko » … Jean-Louis s’est rapidement éclipsé. Cela cachait une bien mauvaise nouvelle. Agnès la petite sœur de Marie est partie, emportée par la maladie. La mort est dégueulasse, plus encore lorsqu’elle vous emporte à 52 ans ! Je pense très fort à cette petite sœur qui faisait partie du groupe « Madame ATOMOS » …
***
Ajout le 1er juillet 2016 …
Chaque fois que MURAT sort un nouvel album MARIE est présente. Pour « Babel » elle avait évoqué je le dis de mémoire « le meilleur album de Jean-Louis » … Il est vrai qu’avec ces paroles : « J’ai fréquenté la beauté » (…) « J’ai fréquenté la santé » (…) « J’ai fréquenté la gaieté » (…) « Je n’en ai rien gardé » … C’est MARIE qui est implicitement évoquée. Quel bel hommage. Ce titre a été écrit en 2013 soit 20 ans après leur séparation. MURAT sait rester l’ami des femmes qu’il a quittées.
En 2015 Marie est devenue directeur artistique du label indépendant « Naïve ». Voilà qui l’oblige peut-être à une certaine réserve ?! Publiquement Marie n’a rien dit sur ce qu’elle pense de « Morituri » … Rien non plus sur la formule employée par Jean-Louis : « Celui qui va mourir » ! Il y a peu le groupe « Naïve » a été placé en redressement judiciaire. Voilà qui ne laisse rien augurer de bon …
***
Merci pour cette découverte, Didier.
Je pense que tu as été très ému de découvrir ces chansons bucoliques, poétiques.
Se sont je trouve aussi, de très jolis textes. Il y a dedans tous les émois, les déceptions, les espoirs déçus puis la résignation qu’une femme vit au travers d’un amour fort mais qui n’a pas su résister au temps. On y lit en filigrane, la solitude, le manque de dialogue dans le couple, l’attente d’un déclic chez l’autre, l’angoisse face à la perte future qu’elle identifie à différents signes, la tentative de s’accrocher une dernière fois à un espoir mince de réconciliation…Je retrouve la passion de la nature et la nature du Livradois Forez, au sud-est du Puy de Dôme. Nous ne sommes pas côté plaines et prés brûlés, concernant plus le côté ouest du Puy de Dôme (donc chez JLM), nous sommes à l’opposé dans les prés du sud-est toujours un peu humides au matin et dans les forêts profondes où filtrent des rais de soleil comme dans une église, où coulent des petits rus qui aboutissent un peu plus bas à une fontaine. Ce que décrit Marie, sont plus les paysages auvergnats que je connais que ceux de JLM. Car les paysages de l’enfance constituent (même s’il y a aussi des exceptions) plus un réconfort que les paysages où l’histoire d’amour s’est terminée.
Marie fille de la montagne livradoise, se laisse consoler par sa terre d’enfance. Elle sait qu’on cache mieux sa peine en forêt profonde que sous le chaud soleil des monts et volcans auvergnats.
Ce que j’aime dans ces textes, c’est qu’on sent qu’elle a tout essayé pour percer la coque de silence et de blocages divers et variés de JLM. Mais a fini par comprendre qu’on ne fait pas le bonheur de cet homme, le malaise initial est trop profond. Et qu’elle n’a pas la clé ni la formule pour le sortir de son marasme interpersonnel. Que si elle restait, elle-même se condamnerait à mort. Marie semble très lucide et mature sur la situation.
Elle a tout tenté, sait qu’il n’y a rien à faire de plus, si ce n’est sauver sa propre peau. Parce que c’est important.
Malgré tout l’amour qu’elle porte à JLM, Marie a suffisamment d’estime d’elle-même pour savoir qu’elle doit continuer à vivre par delà cette rupture de grand amour qui la déchire. Et elle a conscience que la nature de son enfance l’aidera mieux que tout le reste à remonter la pente.
Quand on a vécu en campagne ou en montagne, on sait se tourner vers la nature pour apaiser ses chagrins. C’est un réflexe presque inné, sans forcément qu’il ait été transmis oralement. On sait que le retour à la vie passe par cette étape. La nature sauvage apaise les chagrins, les gère, nous prend dans ses bras comme une amie, une parente et nous dit: « Regarde, malgré ton désespoir d’aujourd’hui, malgré le sentiment d’abandon profond que tu as à cause de cet amour perdu, tout ce que tu observes, chaque plante, chaque arbre, chaque détail sera à nouveau là demain et chaque jour de ta vie pour toi, pour ta joie. Alors ne te laisse pas, car nous, nous ne t’abandonnerons jamais. Nous t’aimons et t’aimerons toujours. »
Une fois que l’on a ressenti en soi cette certitude d’éternité d’amour de Mère Nature qui étreint comme un vertige (et souvent cela s’expérimente dès la prime enfance en milieu rural), on sait où aller en cas d’immense chagrin, de détresse absolue. Et l’on sait que c’est un réconfort de qualité qui ne juge jamais, qui ne fait juste qu’ouvrir les bras et vous aimer à plein coeur pour vous régénérer.
Bonjour Muse,
remarquable analyse … pas une virgule de trop … encore une fois un texte qui bonifie et de quelle façon le texte initial ! Merci …
Dernière publication sur : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...
avec l’excellente analyse de Muse qui nous ouvre les yeux sur les origines de Marie, ton article prend toute sa dimension Didier.
Bravo à vous 2!
Salut Armelle,
ton commentaire me va à merveille ! L’analyse de MUSE est un +++++++++++++++++
Dernière publication sur : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...
Je suis d’accord avec ce que tu dis Didier et ce que dit l’Artiste …= leurs univers n’ont rien à voir …
Bises
Flo