- 73 – Jean-Louis MURAT … parle de lui …
Jean-Louis MURAT n’aime pas les interviews. Il ne s’en cache pas. Résultat des courses : il est souvent dans la provocation ou dans la contradiction. C’est peut-être le meilleur moyen de ne pas entrer dans un jeu qu’il considère par trop impudique. Rarement en définitive, MURAT dévoile sa vraie personnalité. Ci-après, je vais tenter d’énumérer les paroles de Jean-Louis qui lèvent un coin de voile sur le personnage MURAT. Mon choix sera subjectif, mais je pense que les extraits d’interview choisis nous permettent de mieux cerner le personnage « privé »… celui qui est en tête à tête avec lui-même …
2005 a été une année pénible pour le p’tit gars de MURAT LE QUAIRE. Deux des amis de Jean-Louis et de Laure sont morts dans un accident de la route. Emile le grand-père de substitution, a connu de sérieux problèmes de santé. Cela nous donne « Taormina », album sombre et lumineux à la fois. Justine est née, MURAT se découvre de nouvelles responsabilités. Vous allez me dire : « Il est grand temps ! ». Dans plusieurs interviews pour la promo de cet album, il se met à nue comme jamais.
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Photo de MURAT par lui-même … 2006 …
Pour « Femmes d’aujourd’hui » (n° 47 du 16 novembre 2006) le sieur d’Orcival répond aux questions de Nicolas BALMET. Le niveau des questions conditionne souvent la qualité de la réponse, la complicité entre l’interviewé et le journaliste y est également pour beaucoup. A l’interrogation : « Discret et mystérieux sont les mots qui reviennent le plus souvent dans les médias pour vous décrire. Cela vous convient ? ». MURAT répond avec avidité : « L’image que l’on projette est rarement celle qui nous correspond. Mais bon, discret, oui, évidemment. Ténébreux aussi. Il faut ajouter grande gueule et orgueilleux. Mais ce qu’on ne dit pas, c’est que je suis quelqu’un d’attentionné. Je pense aussi être bien élevé et tendre. Je suis un ami sur lequel on peut compter. A l’inverse, j’ai un tempérament colérique. Je peux exploser et dépasser les bornes assez facilement ». BALMET poursuit : « Et quels sont les traits de caractère que vous n’aimez pas qu’on accentue ? ». Ce à quoi MURAT susurre : « Le côté prétentieux. Car je suis tout le contraire. Mais souvent, on agit à l’inverse de ce qu’on est. Les gens qui me connaissent le savent : je suis timide. En fait, j’ai l’arrogance des timides, c’est typique. Mais bon … Même dans ton quartier, il y aura toujours des gens qui te prendront pour ce que tu n’es pas ».
Tout MURAT ou presque est résumé là. On ne peut en faire un meilleur portrait puisque c’est celui fait par le maître. Continuons plus avant. En octobre 2006 pour « Le Nouvelliste » le Brenoï confie à Manuela GIROUD : « Je suis d’une famille de travailleurs. Je pense que le bonheur n’est pas fait pour les paresseux, ça se gagne, donc il faut aller au turbin ».
Les Belges semblent avoir un don pour faire parler MURAT. Le 22 août 2006 l’Auvergnat confie à Isabelle MONNART pour le compte de « La Dernière Heure » : « Contrairement aux apparences, mon gros problème, c’est que je n’ai pas confiance en moi« . (…) « J’espère avoir confiance en moi le jour de ma mort ».
Le 24 août 2006, pour « Le Nouvel Obs. » interrogé par François ARMANET le chanteur confie : « Je suis un croyant sans foi » (…) « Je suis un cul-terreux. Un vrai paysan. La bouse de vache, c’est l’odeur qui me transporte par excellence. Le lait, l’herbe, je suis habité par ça ». Voilà la réponse sans fioriture à ceux qui disent ou pensent que MURAT est un « dandy » … Je suis convaincu du contraire. Il n’est pas un jeu de rôle lorsqu’il se dit « paysan » … Il a trop de considération pour ces gens qui souffrent et savent souffrir sans mot dire, qui ont les mains durcies par le travail et qui, la plupart du temps, ne font pas de vieux os …
Avec le journaliste Jean-Marie ANTOINE pour « TELEKILA » le 26 août 2006 MURAT revient sur « les années sévères » par ces quelques mots : « J’ai fait 36 boulots, j’ai vécu la vie d’un mec simple, jusqu’à ce que je réalise que cela ne me plaisait pas. Alors j’ai appliqué le principe de RIMBAUD : ne plus jamais travailler. Personne ne me donne d’ordre. Si je ne veux rien foutre, je ne fais rien ». (…) « Je suis un torturé mais je me soigne ».
Dans les colonnes du magazine « MUZE » en septembre 2006 MURAT lâche : « On me dit poète mais, moi, je bouche les trous avec les textes ! On m’a collé cette étiquette et je n’en sors pas : que je sois guitariste, que j’assure la composition et la production de mes disques, que je tourne en trio, tout le monde s’en moque. Si j’écris des chansons, c’est pour monter sur scène. Bien sur j’aime les mots mais ils me sont accessoires. Je subis leur culture parce qu’on ne prend jamais en compte leur musicalité. Musicien est mon vrai job, je ne me suis jamais pris pour un poète ».
Le 1er septembre 2006 B. DICALE pour « Le Figaro » reçoit les confidences de MURAT : « J’aime l’encre, la plume, les cahiers et même les pleins et les déliés ».
Dans les colonnes de « Libération » MURAT concède à Ludovic PERRIN le 1er septembre 2006 : « Je suis tiraillé par le sentiment d’être fait pour quelque chose que je ne fais pas. Ca me brûle, je me décompose en faisant des chansons ». Qu’est-ce à dire ? Dans son for intérieur JLM pense le plus sincèrement du monde qu’être chanteur est un métier de fainéant … Pour se donner bonne conscience il travaille donc sans relâche !
Le 30 septembre 2006 il enfonce le clou, confiant à Olivier HORNER pour le journal « Le Temps » : « Je me débrouille toujours pour mettre un peu d’intensité dans la vie. De là à dire que la vie est exaltante … Si je fais des disques, de la scène, de la peinture, c’est parce que je trouve la vie profondément ennuyeuse. Sinon cela me rendrait malade et j’irais directement me suicider. Depuis que je suis tout petit, je me dis qu’on est fait pour des trucs que l’on ne fait pas. Donc on s’emmerde. Je devais être fait pour des conquêtes, une vie à l’Alexandre Le Grand peut-être. On a des vies de bas volage et j’essaie de mettre de l’intensité dans la mienne par le biais de la scène, du studio d’enregistrement, de la peinture. Pour tuer l’ennui. Mais ce n’est pas pour passer le temps, sinon je serais un jour contemplatif ». (…) « La compagnie des hommes me déçoit. J’attends trop des gens et les trouve ensuite toujours trop normaux ».
En octobre 2006, pour « ISA » la journaliste Florence TREDEZ questionne MURAT : « Le défaut que vous détestez ? » (sous entendu chez vous …). La réponse gicle : « Mon système nerveux. je me laisse aller à des colères, je casse, je pulvérise, je disperse, je ventile ». En préambule, mais je j’ai dit ailleurs (page 72) il précisait que sa qualité première était : « La fidélité » …
Dans les colonnes du journal « Ouest France » sous la plume de Michel TROADEC, le 30 mars 2008 on peut lire cet avoeu du chanteur Auvergnat : « J’ai la nostalgie des choses que je n’ai pas connues ».
En septembre 2009 pour le magazine « X Roads » Tony GRIECO interroge JLM : « Te considères-tu « rock ? Réponse : « Je m’en fous, non je ne suis pas rock, et j’espère ne pas l’être. Quelque part, je le suis peut-être plus que ceux qui le revendiquent. Mais ça n’a pas d’importance, je suis juste un mec qui fait de la musique même pas un artiste, je n’aime pas ceux qui se prennent pour des artistes« .
Voilà tout est dit ou presque … De grâce Monsieur MURAT ne nous parlez plus des autres … parlez-nous de vous !
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Ajout le 12 novembre 2014 …
Le 13 octobre 2014, « BABEL » est dans les bacs. Pour « Focus/Le Vif » Philippe CORNET recueille les confidences de MURAT : « Moi chanteur populaire ? Vous avez bien remarqué que je fais tout pour ne pas l’être. La première explication à cela, c’est le snobisme. Je suis le fruit de mon époque, de ma culture, et donc sous l’influence de BAUDELAIRE et des dandys. Des gens que le succès anesthésie. Il fait être là sans être là. Je suis tellement bien comme mec que le succès m’ignore. En ce sens, je suis un produit culturel pourri de la société Française ».
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Ajout le 23 juin 2016 …
Le 7 juin 2016 dans les colonnes du « Soir » belge Jean-Louis MURAT un tantinet désabusé confie à Philippe MANCHE : « Pour ma part j’ai l’impression d’avoir été cocufié par la musique que j’aime par dessus tout depuis que je suis adolescent ». (…) « J’aurais donné ma vie pour un riff des Rolling Stones. Maintenant, je ne le referai plus. J’ai été un abruti ».
Dans cette dernière interview MURAT sans le nommer fait référence à Jean-Bernard HEBEY personnage contrasté qui, qu’on le veuille ou non, aura permis à Jean-Louis BERGHEAUD de faire ses premiers pas dans la musique. Le bougnat de déclarer : « Je me suis battu avec le mec qui a enregistré le 45 tours parce qu’il ne voulait pas garder Suicidez-vous le peuple est mort, or, je savais instinctivement qu’il fallait que je commence dans le métier avec quelque chose de fort. Ce qui est le plus important dans un édifice, ce sont les fondations. Je voulais des fondations solides. Il y a tout moi dans Suicidez-vous le peuple est mort. Et tout ce que j’ai fait par la suite ». Le personnage MURAT est condensé dans ces quelques phrases. MURAT sait ce qu’il veut. MURAT trace sa route. Personne ne peut lui dicter son chemin. Il lui arrive de se tromper, toujours il assume. Il est le seul responsable. Jamais je ne l’ai vu reporter sur tel ou tel ses difficultés du moment.
MURAT a toujours été en marge du système, refusant de se plier au dictat des maisons de disques. Au jour d’aujourd’hui MURAT ne sait pas de quoi demain sera fait. Nouvel album ou pas ? MURAT ne fera pas de concessions. Il n’est pas certain que « Pias » soit prêt à suivre MURAT coûte que coûte. Alors, une autre maison de disques ?! Rien n’est moins sur. La réputation de MURAT n’inspire pas confiance. Il ne reste plus que les chemins de traverse … Pour autant MURAT ne garde pas sa langue dans sa poche. A Philippe MANCHE il déclare : « Je pense que le système est pourri. Je le constate et je ne vois pas pourquoi, étant dans le système, je ne dirais pas qu’il est pourri. Je refuse ces méthodes fascistes et soviétiques où l’on ne crache pas dans la soupe. La soupe est pleine de glaviots, ça ne me dérange pas de cracher dedans ». Voilà qui est dit !
MURAT c’est aussi les femmes … Je terminerai par cet aveux en forme d’hommage concédé au journaliste Belge : « Toutes les femmes avec qui j’ai chanté, j’ai bien voulu le faire parce que j’étais amoureux d’elles. Elles étaient suffisamment pertinentes et intelligentes pour que tout se passe dans le non dit ».
Pour l’heure MURAT est retourné dans ses montagnes. Au dernier « Koloko » il n’a pas dit un mot sur ce que sera demain ?! Je crois savoir que le week-end prochain c’est la fête des écoles. Monsieur Jean-Louis BERGHEAUD y sera … père attentionné qu’il est … d’enfants qui filent déjà vers l’adolescence ! Que le temps passe vite … Ses soucis, ses bonheurs, ses peurs, c’est à ses amies les vaches qu’il en parle le mieux … Celles de Vendeix …
Elles sont si belles …
Elles sont tellement rebelles …
Merci à Vincent qui se reconnaîtra …
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« il n’y a qu’une femme pour calmer mon sytème nerveux… un femme, une femme ! » ( Passions privées ) oui ça on y croit bien… en revanche quand il dit que les mots sont accessoires e t qu’il ne s’est jamais pris pour un poète, je n’y vois que le regret de ne pas parler de lui AVANT TOUT comme un musicien( un très bon ! )car de la part de quelqu’un qui concocte des phrases telles que » la foi viendrait en souvenir de tant de bonté « ou « aucun rêve ne tient ce qu’il promet, au coeurs en allés en lambeaux » et de l’auteur de TRISTAN, c’est assez cocasse !;-)
Amitiés, Didier, merci pour tout ce que tu fais.
Salut Flo,
Poète il l’est surement … musicien aussi … Tantôt son cœur balance … Moi ce qui me semble étonnant c’est que dans chacune de ses ITW il nous sort une phrase remarquable … pleine de bon sens … qui vous crucifie l’adversité …
Amitiés.
Didier.
Dernière publication sur : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...
oui, « crucifie l’adversité », c’est exactement cela , hi hi hi !!
Si JLM se voit davantage en musicien, je pense que c’est plus parce qu’il craint de trahir sa famille paysanne. Toujours ce fameux complexe de classe, qui doit être très ancré en lui. Il n’a pourtant pas repris le travail ni de ses parents ni de ses grands-parents, a adopté une certaine mondanité de par le métier qu’il a choisi. Mais il semble toujours avoir énormément de mal à assumer ce qu’il est devenu, à savoir un artiste qui même s’il est loin d’avoir le train de vie de ses confrères et consoeurs, vit quand même bourgeoisement et correctement de son travail d’artiste. Acacia me montrait en photo l’été dernier la maison où il vit. Même si ce n’est pas Versailles, c’est une belle et vaste maison de maître à trois niveaux avec des dépendances. Pas franchement la petite ferme modeste de ses grands-parents dont il aime à parler. Et s’il a des voisins agriculteurs auquel il apporte parfois son aide, lui-même n’a aucune exploitation agricole à gérer, entretenir et cultiver. S’il devait travailler comme ses voisins, nul doute qu’il n’aurait pas le temps ni de peindre ni d’écrire ni de composer.
Salut Muse … je dois voir JLM mieux qu’il n’est … Je crois sincèrement que j’ai moins d’objectivité que toi … Je préfère ne pas parler de subjectivité …
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