- 67 – MURAT … et le mauvais oeil qu’il porte sur lui …
Dans notre société, celle du troisième millénaire, la violence est partout. Travailler c’est trop dur. En certains endroits, en ville notamment, la violence sous toutes ses formes est devenue le meilleur moyen de s’enrichir. Travailler c’est ringard. « Trafiquer » c’est plus pratique, ça permet même de rester au lit jusqu’au milieu de l’après-midi. Cette violence là qui occupe nos écrans télés, nous interpelle bien évidemment. Mais il est une autre violence, lancinante et tout aussi ravageuse dont on parle moins, celle intellectuelle, moralisatrice, décrétant où est le bien … ou est le mal. Cette violence qui porte au pinacle ou cloue au piloris, selon que vous ayez telle ou telle idée. Jean-Louis MURAT artiste libre par excellence, paysan dans l’âme mais également dans la tête, est victime de cette violence, celle des médias « bobos », celle des idées branchées, celle de ceux qui mangent du caviar à longueur d’année, se vautrent dans les partouzes et se complaisent en leçons de morale. Ceux qui prônent la diversité et montrent du doigt d’autres qui, comme MURAT, choisissent les chemins de traverse, osent la différence et ne baissent pas les yeux devant ces donneurs de leçons. Il y a peu MURAT a été mis en place de grève par les adhérents d’Act up. Que l’on défende ses idées, je n’ai rien contre. Que l’on en fasse un idéal, une religion qui s’impose à tous, cela s’appelle du sectarisme et mène au bout du compte au totalitarisme que ces gens « bien élevés » prétendent combattre. Je le dis ici, MURAT est tout sauf un homophobe. Il y a peu, le chanteur Auvergnat expliquait sa passion pour le cinéaste et poète Italien Pier Paolo PASOLINI homosexuel reconnu, déclaré, assumé. Vous ne pouvez prendre exemple sur tel ou tel alors que son comportement vous révulse. MURAT n’a pas besoin d’un inconnu comme moi pour le défendre. Plus que de prendre son parti, je condamne le jusqu’auboutisme de tous ces « Prie Dieux » … Les seuls que j’ai connus, quand j’étais « petit » vous montraient l’image du Christ le matin et le soir vous mettaient la main dans la culotte … Par « Prie-Dieu » j’incorpore ceux voilés … ceux de la pensée unique, ceux des beaux quartiers dont papa et maman ont fait la fortune … Ceux sur les bancs de l’Université qui passent leur temps à palabrer … triplent une première année et vous polluent de leurs idées politiques qu’elles soient de gauche ou de droite.
Ce préambule passé, j’en viens au sujet : MURAT … il n’y a pas plus critique avec le chanteur que le petit fils de paysan. En 1991 le journaliste Christian FEVRET luis pose cette question : « Ton cynisme, qu’a t’il comme cible principale ? ». La réponse fuse : « Moi même et par conséquence, un peu tout le monde. Je suis quand même extrêmement sévère avec moi et avec mes chansons. Je suis toujours le premier étonné qu’une de mes chansons puisse plaire. Peut-être qu’il y a un peu de complaisance là-dedans, mais sincèrement je trouve que je suis un pauvre gars … Je me fais pitié, quoi. Heureusement que je ne m’appelle pas par mon propre nom, ça m’aide. Souvent, je me dis : « Mon pauvre MURAT, tu me fais pitié » … pitié d’avoir peur, peur de vieillir, de vouloir faire le malin en faisant des chansons, de vouloir gagner quatre sous, de vivre différemment, de faire du sport pour m’entretenir, d’avoir mal aux dents, de faire de la sinusite, tout. Etre malade, ça me fait pitié, ça me dégoûte. Je me vois comme un vieil engin pour lequel j’ai un peu de sympathie … Mais je me dis que vraiment … « Pauvre carriole pourrave ». Et l’esprit pareil, je suis une vieille carriole déglinguée. Ca m’amuse d’autant plus de me voir essayer, en promo, en télé, de passer pour du neuf, alors que je me sens une vieille chose ».
Le constat est sans concession. Plus étonnant encore, il est fait dans le cadre d’une campagne promo où vous êtes sensés présenter votre meilleur visage. Pire encore, les années passant, MURAT n’a pas changé d’idée ou si peu. Le 9 octobre 1991 pour « Télérama » l’Auvergnat déclare à Anne-Marie PAQUOTTE : « Moi, pauvre gars Français, je suis un rebelle sans cause ». En 1992 il enfonce le clou : « Je suis un pauvre garçon qui vend du disque ». Dans les colonnes de « Télé loisir » sous la plume de « V.D. » en 1993, il s’enflamme : « J’aimerais être différent. Je n’aime pas du tout ce que je suis. L’image que je projette ne m’épate pas et celle qu’on me renvoie ne me plaît pas non plus. Alors, je patauge la dedans tant bien que mal ».
Dès le début de sa carrière Jean-Louis BERGHEAUD ne s’est pas montré tendre avec MURAT. C’est ainsi qu’en juin 1989, dans les colonnes du magazine « 20 ANS » sous la plume de Juliette COPPE on peut lire : « Je me trouve moche et con ». Pour « Max » toujours en juin 89, le chantre d’Orcival confesse à J.M. THEVENET : « Je ne peux pas me supporter. Alors je fais des chansons ». Certains mots sont plus sévères encore. Dans le n° 31 des « Inrockuptibles » (1991) MURAT confesse à Christian FEVRET : « L’image première qui sort de mes chansons est une image de moi qui me dégoûte ». C’est pire que de l’auto-flagellation !
Il n’y a que « son écriture » qui trouve grâce aux yeux de MURAT. Le 30 OCTOBRE 2003, pour « Zurban » le chanteur d’Orcival évoquant ses propres textes, confie à Julien GRUNBERG : « Qui sont excellents. Qui sont les meilleurs textes qu’on fait en France. Je suis le meilleur parolier Français. Le deuxième c’est BARBELIVIEN. Je ne pense pas que MIOSSEC ait la stature pour se mettre entre BARBELIVIEN et moi ». (…) « Si je fais un job, c’est aussi parce que je suis orgueilleux et que j’ai un égo et je justifie mon orgueil et mon égo en faisant un disque qui tue le reste de la concurrence ».
MURAT aurait plus confiance en sa plume qu’en lui-même ??? Très certainement. Doté d’un physique de jeune premier, il fait tout, à partir de « Mustango » pour détruire cette image de beau gosse, de jeune premier. Jacques MARTIN lui prédisait un bel avenir dans le cinéma … Les photos qui paraissent dans la presse sont tirées par le chanteur lui-même, lequel prend un malin plaisir à donner une image hideuse de lui … C’est un comble pour un chanteur cherchant à promotionner son œuvre !
MURAT qu’il le veuille ou non … y compris depuis les 60 ans passées … a un physique agréable … plaisant fort aux jolies dames. A compter de « Mustango » donc, il refuse de se faire photographier. Il se tire des autoportraits. Chose incroyable les photos proposées sont du plus mauvais goût ! Tout autre artiste que MURAT n’y aurait pas survécu. Je pense que le cas est unique. Suicide médiatique ??? Contre-pied ??? Je m’enfoutisme ??? Connerie ??? Seul BERGHEAUD a la réponse !
Extrait de « Magic » septembre 2003 …
Extrait article 2004 …
Les photos de ce type accompagnant les articles qui traitent de MURAT et de sa discographie sont légion. Il opte même pour le « nu intégral » … Voilà qui ne rajoute pas à sa gloire. Mais je sais qu’il s’en fout. MURAT n’en fait qu’à sa tête … La dernière photo peu ragoutante de JLM parait dans un article de « Libé » qui date de 2009. La raison l’emporte … la présence des enfants (en âge de comprendre) y est sans doute pour quelque chose !
***
Ajout le 28 mars 2016 …
« Morituri » le nouvel album de MURAT sera dans les bacs le 15 avril 2016. J’ai pu me procurer l’intégralité des textes de cet opus. Les premiers échos des chansons « French lynx » et « Nuit sur l’Hymalaya » semblent mitigés. Avec MURAT il faut juger sur pièce. Plusieurs écoutes sont nécessaires avant de pouvoir porter un jugement définitif . La plume de MURAT par contre je puis vous l’assurer, est toujours aussi incisive et belle. Le portrait qu’il nous dresse de notre société est implacable. Il nous parle également de lui avec des mots toujours sans concession, voire un tantinet désabusés ou fatalistes …
Extrait : … « Frankie » – Album « Morituri » … (2016).
(…)
« Les gars de mon espèce/Ne trouvent jamais/De logis
J’ai du porter/La peste ».
(…)
Difficile d’avoir un jugement plus sévère …
***
Je crois surtout que JLM est victime d’une enfance où il n’a pas été suffisamment considéré et aimé. L’angoisse de l’abandon parental a laissé des traces profondes de blessures affectives et psychiques qui font qu’il a toujours du mal avec qui il est profondément. Aussi bien physiquement que psychiquement et affectivement. Et c’est logique. La rudesse, l’affection maladroite de ses grands-parents ne répare pas complètement un manque de reconnaissance et d’amour parental. Surtout quand les dits grands-parents sont des taiseux, des gens qui s’expriment peu. Comment un enfant en souffrance peut-il exprimer sa souffrance, ses angoisses d’abandon si les adultes qui l’entourent n’y arrivent pas eux-même et ont même des difficultés à verbaliser tout court?
En plus, JLM pour survivre, se sentir exister, a dû développer des dons qui n’ont rien à voir avec son milieu paysan d’origine. D’où une grande culpabilité et une impression constante de trahison familiale.
Il s’est donc cru obligé de rester au pays, proche de son village d’origine pour se sentir toujours accepté au minimum et pas en totale rupture et donc par conséquent encore plus seul et abandonné.
Et c’est cela surtout qui l’a fait souffrir et qui continue de le faire souffrir régulièrement.
C’est pourquoi je trouve dommage qu’il n’en ait jamais parlé à un professionnel, histoire de pouvoir affronter et régler cette problématique, soigner cette souffrance enfantine persistante.
Le déni, la peur lui ont fait développer des pathologies, des comportements qu’il n’aurait plus à l’heure qu’il est s’il avait soigné ses blessures d’enfance.
Il n’a pas le mauvais oeil du tout. Mais il s’est lui-même enfermé dans un certain mal-être par peur d’affronter ses angoisses et son petit enfant intérieur toujours en souffrance. La provocation comme l’agressivité qu’il manifeste régulièrement, peuvent lui donner par moment l’impression fausse d’affronter le problème. Mais en réalité, c’est plus une défense liée à la peur et ça se retourne contre lui généralement.
J’en parle en connaissance de cause parce que je connais bien ces problématiques. Mais contrairement à JLM, j’ai fait l’effort d’affronter mes peurs, mes souffrances, mes blessures via un professionnel. Et je me suis extraite hors des culpabilités et des fidélités familiales. Sans pour autant renier mes origines ni mon passé. Ca n’a pas été facile à faire, mais ça m’a permis de faire la paix avec moi-même et avec un passé familial traumatique. Donc aussi de ne pas faire peser ce passé sur autrui.
JLM a la clé pour sortir de l’enfermement où il s’est maintenu jusque là. Mais encore faut-il qu’il ait le désir de s’en sortir. Peut-être faudra-t-il pour lui attendre la mort de ses parents pour oser véritablement faire la démarche d’émancipation et de réparation intérieure qui lui a manqué?
De mon point de vue, je trouve dommage d’attendre aussi longtemps. Même si je comprends bien la situation qu’il a vécue et qu’il vit encore. Avec tout ce que ça comporte de dépendance affective, de souffrance, d’automutilations…etc.
Plus on a vécu un trauma d’enfance dans un mode de vie traditionnel très encodé, très fermé, très coupé du monde, plus c’est compliqué d’en sortir.
En Auvergne dans un milieu paysan tradi, tout est fait pour maintenir les membres de la famille sous domination et sujétion. Celui, celle qui s’échappe des codes familiaux est un traître. Il y a donc une pression terrible qui pèse fortement sur l’ensemble des enfants comme des conjoints. Et cette pression constitue donc une difficulté supplémentaire pour arriver à construire une autonomie affective et personnelle libre.
Dans d’autres régions très rurales, montagnardes, agricoles et rudes, on retrouve les mêmes principes d’aliénation des individus.
Principes d’aliénation qui ont certes permis de perpétuer un mode de vie traditionnel durant plusieurs siècles mais qui ont aussi fortement amputé et maltraité des générations d’enfants, qui ont eu le plus grand mal à l’âge adulte à se vivre libres et heureux du fait de ce poids familial. Enfants qui ont perpétué la violence et la pression qu’ils avaient connues enfants.
Cette pression familiale originelle renforce les peurs: peurs de l’étranger, peur de la différence d’identité sexuelle, peur de soi, peur de l’intimité, peur de l’amour, peur de la ville, peur du monde extérieur ressenti comme un danger, une menace.
Ces peurs sont entretenues pour éviter le départ des enfants que l’on veut maintenir au pays et dans le cercle familial et dans les activités familiales.
Les désirs profonds des individus doivent s’effacer au nom de la tradition familiale. Peu importe la souffrance que cela génère.
C’est quelque chose que j’ai compris en grandissant, en sortant de ce milieu et en osant affronter mon passé et y porter un regard critique.
Cela ne m’empêche pas d’apprécier certaines choses et certaines personnes liées à ce passé. Mais cela m’a permis de faire la part des choses et de pouvoir me vivre de façon beaucoup plus libre et sereine.
J’aurais aimé que JLM puisse opérer cette démarche également. Mais dans ce que j’observe depuis que j’écoute ses chansons (1991), il n’a pas réussi à acter pleinement la démarche et encore moins se sortir de la culpabilité et de la dépendance.
Peut-être est-ce une question de génération?
Je ne sais pas. En tout cas, ça me rend triste pour lui, très souvent. Car je sais que sa peur continue de lui faire du mal alors qu’il pourrait vivre beaucoup plus détendu et apaisé. Personne ne peut faire la démarche à sa place. Ni son épouse ni ses enfants ni ses proches. C’est lui qui doit affronter lui-même tout ça et se faire aider par un pro.
J’espère qu’il le fera. Je le lui souhaite de tout coeur.
Muse croque un portrait bien vu du monde paysan et des racines de Jean-Louis ainsi que de ses manques affectifs nés dans l’enfance. Il n’est pas très difficile de le comprendre et je pense que peu d egens, l’interessé lui même ne s’opposeraient pas à cette version. Cependant, il faut se garder d’émettre des conjectures sur ce qu’il a fait ou pu faire ( démarche psy, démarche astrologique ? ) car qui le sait vraiment ? « on ne peut rien en dire », je pense que son problème est très complexe, bien plus complexe que l’apparente vérité et deuxièmement, même avec un pro, je ne pense pas que l’on guérisse de ses blessures d’enfance, malheureusement, on peut juste éventuellement apprendre à vivre avec.
De plus, il ne faut pas perdre de vie que cette souffrance FAIT sa créativité. Sans souffrance, pas de créativité.
merci de ce commentaire Flo.
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Tout dépend quelle thérapie tu choisis, Flo.
L’EMDR par exemple (mais ce n’est pas la seule méthode psy intéressante: tu as tout le groupe de thérapies cognitivo-comportementales qui marchent aussi très bien) permet de guérir pas mal de blessures, différentes phobies nées de traumas graves d’enfance.
Je peux en témoigner pour avoir suivi il y a quelques années pendant près de 2 ans ce genre de thérapie.
C’est rude au plan de l’investissement à consentir et du travail en séance et hors séance, rude au plan des bouleversements que ça engendre, une méthode pas classique au plan thérapeutique, plus courte qu’une psychanalyse et qu’une psychothérapie classique, plus intense et dont les résultats sont probants et visibles assez rapidement.
Si JLM avait suivi une thérapie de ce genre et avait réussi à décharger, poser ses douleurs auprès d’un psy pro, crois-moi, ça se sentirait dans ses écrits comme dans sa façon d’être au monde.
Le fait de saisir qu’il n’a jamais pu en parler, ce dont je me rends compte quand je l’écoute en chansons comme quand je le vois ou l’écoute en interview, me fait beaucoup de chagrin. Parce que je sais par quoi il passe, parce que je connais bien de l’intérieur tous les maux que ce genre de blocage peut engendrer. Que je sais donc les reconnaître et les identifier. Parce que j’ai conscience qu’il s’est lui-même rendu malheureux tout seul. Alors qu’il aurait pu poser ses lourdes valises et aller vraiment mieux depuis belle lurette.
Je comprends bien les fidélités familiales qui l’empêchent de mener ce genre de démarche parce que j’ai eu en partie des origines similaires, que j’ai eu les mêmes réticences que lui pendant longtemps, repoussant toujours à plus tard alors que je savais que c’était nécessaire et que cela polluait quotidiennement ma vie. Et ma soeur aînée les a toujours ces réticences avec toutes les conséquences pathologiques et somatiques qui vont avec. Et que j’observe cela dans des proportions similaires mais encore plus aggravées chez JLM.
Il est donc logique que cette situation me fasse de la peine. Parce que je sais le plomb que ça rajoute dans une existence déjà chargée en aléas et difficultés. Et que je sais pertinemment par expérience que si l’on pas réglé ces soucis, qu’on a pas brisé la chaîne de cette servitude autodestructrice, se sont les descendants et les conjoints qui paient la note. Et souvent le prix fort. Alors qu’ils ne devraient pas avoir à le faire puisque se ne sont pas leurs chaînes, leur servitude.
Sans doute que l’écriture de son journal en parallèle de l’écriture de chansons l’aide un peu. Mais ça ne suffit pas à purger et cautériser les blessures qu’il a accumulées et entretenues par le non-dit, la peur, les complexes divers et variés, les pathologies et somatisations dont il souffre régulièrement.
On peut créer sous d’autres latitudes que le malheur et les traumatismes d’enfance. La créativité peut aussi se nourrir uniquement de positif. Heureusement d’ailleurs.
Sinon, je crois qu’il n’y aurait pas beaucoup d’artistes ni beaucoup d’oeuvres d’art tous genres confondus depuis des siècles et des siècles.
Il faut sortir d’une sorte de mythologie-fascination de l’artiste maudit, qui participe grandement à enfermer les artistes dans des conduites destructrices dont ils pourraient très bien se passer.
Ce n’est pas la créativité qui nécessite l’autodestruction.
L’autodestruction est engendrée par la non résolution et le déni partiel ou total des problématiques initiales personnelles.
Et tu la retrouves cette autodestruction chez tous ceux et celles qui n’ont pas réglé leurs soucis d’enfance, sans qu’ils soient le moins du monde artistes. Et ça n’a rien de glamour.
J’ai toujours du mal à comprendre comment on peut « glamouriser », valoriser cette souffrance chez l’artiste. Comme si elle était rendue plus supportable, plus acceptable alors qu’on sait pertinemment qu’elle est toute aussi atroce et malfaisante (voire pire parce que la sensibilité artistique fait que tout est encore plus à vif).
C’est peut-être un vieil héritage doloriste religieux, cette légende urbaine de la création dans la souffrance. Et qui rappelle curieusement l’affreux adage de la Genèse fait à Eve et par delà aux femmes: « tu enfanteras dans la douleur ».
Dieu merci, on a quand même quitté ce dolorisme morbide autour de la maternité. Alors j’espère qu’il en ira de même du dolorisme artistique.
comme tu dis Dieu merci (Lol)…
plus sérieusement ,Muse, tu connais si bien jean-louis que je me demande si tu ne fais pas partie de sa famille et que tu n’es pas invitée tous les jours à sa table!
ce n’est pas mon cas en tout cas et je me garde de faire tt de conjectures sur lui. ceci étant, la créativité est née du besoin et le bonheur ou la félicité tend a gommer le besoin, donc plus de besoin moins de création . voila en une ligne le fond de ma pensée (bouddhiste) et je ne rentrerai pas dans un débat avec spéculation s judéo-chrétiennes ! bonne journée .
n’y a t il que ces blessures d’enfance chez JLM ? qui peut le dire à part lui même ? ne parlons pas à la place des interéssés, restons humbles et prudents dans nos jugements.D’autre part, tout comme toi, je parle aussi de connaissance et d’expérience. De plus, je maintiens ma position qui se réusme une idée très simple : la création naît du besoin et le bonheur, la félicité tendent à gommer le besoin (idée bouddhiste) je ne parlerai donc pas là de pensée judéo-chrétienne…
Si tu observes bien les créations de JLM, tout se connecte sur l’enfance et les souffrances de l’enfance. Il continue d’ailleurs beaucoup d’en parler, que ce soit en chansons ou en interview. Ca reste son matériau principal, son noyau central.
Les blessures à l’âge adulte, il a dû en avoir comme tout le monde, mais elles semblent mieux gérées et mieux verbalisées, qu’elles soient amoureuses comme existentielles.
Tu le vois d’ailleurs dernièrement avec Over and Over où il arrive à verbaliser sur la crise de la soixantaine qu’il traverse (chose rare pour un homme), comme il est arrivé à verbaliser sur la mort de proches ou sur des ruptures amoureuses par le passé.
Par contre, quand tu vois la puissance somatique qu’il a par peur infantile quand il doit faire certaines interviews (encore dernièrement, Marie-Laure ou Armelle faisait état que JLM leur avait avoué à Koloko que tellement pas bien chez Drucker, il avait fait une réaction de grosse fièvre et de malaise avec je crois post interview une hospitalisation), tu vois bien qu’il n’y a pas eu règlement de ces problématiques anciennes dont je parlais précédemment. Ce n’est pas un jugement que j’émets, c’est juste de l’observation, du constat sur des faits tangibles.
La création artistique ne nait pas forcément du besoin contrairement à la création matérielle d’objets, de services, etc. Mais elle nait aussi et surtout d’un désir intense de célébration, de communion à la fois matérielle, spirituelle, affective, énergétique avec les autres. Avec le constat que ce désir de célébration et de communion n’arrive pas forcément à se traduire dans l’absolu du désir de l’artiste, par de l’échange relationnel traditionnel.
Or, pour communier, célébrer, tu dois être suffisamment rempli de joie, de paix, d’amour pour déborder et partager. Si tu fais du yoga ou du tantra, tu le sais.
Ce n’est pas quand tu te sens vide, suicidaire et désespéré que tu arrives à créer, à laisser passer, circuler l’énergie.
Vois certains artistes lorsqu’ils sont submergés par des problématiques personnelles qu’ils tentent de résoudre par des addictions que ce soit l’alcool, la drogue, ils n’arrivent plus à créer. Parce que la source intérieure ne peut plus couler.
Et si l’addiction peut leur faire croire un moment que ça peut aider le lâcher-prise à se faire, très rapidement l’addiction prend le dessus sur le bénéfice recherché. Plus de création possible mais destruction progressive de l’individu.
Si tu écris, peins, composes alors que tu n’es pas suffisamment bien disposée, tu tournes en rond, tu n’arrives pas à activer le meilleur de toi, le lâcher-prise ne vient pas.
Du coup, tu passes à côté d’un éveil intérieur qui te permettrait à toi un mieux-être,te remplirait de force et pourrait aussi se diffuser aux autres au travers de ta création.
Le bonheur peut gommer le besoin mais pas le désir. L’humain est un être essentiellement de désir.C’est le désir qui le transcende, le fait avancer, pas juste le besoin. Sinon, la vie serait sacrément triste et stérile…enfin, de mon point de vue.
Par contre le monde actuel pense que toute création nait d’un besoin. Parce que c’est la leçon matérialiste qui nous est donnée. Mais beaucoup de ces faux besoins créés par notre société contemporaine matérialiste ne nous comblent pas. Ce qui nous comble le corps et l’âme, c’est la réalisation de nos désirs profonds. Parce qu’alors nous entrons en communion, en célébration avec nous-mêmes, avec les autres, l’environnement, le monde. Là nous atteignons une plénitude qui entre en résonance avec ce qui porte et transporte la création artistique.
Et nous entrons en contact réel et intense avec l’énergie vitale.
Je te cite :
« Tu le vois d’ailleurs dernièrement avec Over and Over où il arrive à verbaliser sur la crise de la soixantaine qu’il traverse (chose rare pour un homme), comme il est arrivé à verbaliser sur la mort de proches ou sur des ruptures amoureuses par le passé. »
MA REPONSE :
Over and over n’est pas une chanson sur la crise de la soixantaine ? Elle devait à l’origine s’appeler Uber und uber ce qui signifie « surchargée, couvert de » en allemand. Certes il cite le mot mariage dans cette chanson mais combien de fois cite-il Dieu ? Cette chanson est mystique… Quant à la chanson Alexandrie que tu évoques en parlant de « verbaliser la mort de proches » Ré-écoute la et dis moi si elle ne t’évoque pas les amours de Cléopâtre et de Marc Antoine ainsi que la bataille d’Actium ? Écoute la bien et tu comprendras que chez Murat il y a toujours un sens caché.
« Par contre, quand tu vois la puissance somatique qu’il a par peur infantile quand il doit faire certaines interviews (encore dernièrement, Marie-Laure ou Armelle faisait état que JLM leur avait avoué à Koloko que tellement pas bien chez Drucker, il avait fait une réaction de grosse fièvre et de malaise avec je crois post interview une hospitalisation), tu vois bien qu’il n’y a pas eu règlement de ces problématiques anciennes dont je parlais précédemment. Ce n’est pas un jugement que j’émets, c’est juste de l’observation, du constat sur des faits tangibles ».
MA REPONSE :
Cette observation de malaise est juste, il était en effet très mal à l’aise lors de l’interview chez Drucker et nous l’avons tous remarqué. Maintenant ton interprétation n’est pas forcément la bonne, je pense que cette peur n’a rien d’infantile, il était simplement gonflé d’avoir à faire cette prestation et ce désaccord entre son âme profonde et ses obligations s’est traduite par un malaise physique.( j’étais à Koloko avec ML et MC lorsqu’il en a parlé et j’ai entendu aussi ses paroles)
« La création artistique ne nait pas forcément du besoin contrairement à la création matérielle d’objets, de services, etc. Mais elle nait aussi et surtout d’un désir intense de célébration, de communion à la fois matérielle, spirituelle, affective »
Le bonheur peut gommer le besoin mais pas le désir. L’humain est un être essentiellement de désir.
MA REPONSE :
Qu’est-ce le désir si ce n’est n’est vouloir obtenir ce que l’on n’a pas ? ( voir l’excellent livre d’André Comte Sponville ) donc désir-besoin = kif-kif.
Bien à toi.
Bonjour Flo
Relis les paroles de la chanson Over and Over et compare avec certains ouvrages de Romain Gary, notamment « Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable ». Et puis replace JLM simplement dans sa vie, son âge avec une compagne qui a 20 ans de moins à laquelle il s’adresse dans ce titre. Peut-être alors comprendras-tu le message de la chanson.
Uber veut dire au-dessus en allemand (en dessous se dit unter) et über und über est une expression qui signifie le ras-le-bol total, de type la coupe est pleine.
Concernant le malaise de JLM, c’est quelque chose de très ancien. Si tu suis JLM depuis longtemps, ces malaises, il les avait déjà petit garçon quand il vomissait et se tordait dans la voiture quand il devait aller à Clermont, puis quand il a démarré sa carrière où à chaque promo, il était malade à crever, prenant cachets sur cachets, simplement par le fait de devoir sortir de son rythme habituel. Donc c’est bien quelque chose qui vient de l’enfance et qui n’est toujours pas réglé. Parce que cela touche à des fidélités familiales qu’il n’arrive pas à dépasser. Et comme ça n’a pas été réglé, ça prend des proportions démentielles,d’autant plus avec l’âge…ce qui est logique.
Différence entre désir et besoin: le besoin est lié au vital. Une fois tous les besoins vitaux satisfaits (toit, nourriture diversifiée, eau, soins santé, éducation), l’être humain va passer sur le registre du désir, dont il peut très bien se passer mais qui lui permet d’entrer dans du relationnel, du partage, de la réalisation de soi, de l’amélioration pour lui comme pour les autres.
Le besoin te permet la survie, le désir te transcende.
Et le désir n’est pas forcément une recherche de la possession matérielle mais de l’acquis immatériel. L’accomplissement d’un être humain passe plus par de l’acquis immatériel que de la possession matérielle. Par contre la société de consommation dans laquelle nous vivons nous fait croire que tout se trouve dans la possession matérielle, et va stimuler du désir par la publicité pour des choses matérielles qui vont plus t’enfermer dans la dépendance,l’abrutissement que t’émanciper. C’est une ancienne publicitaire qui te le dit.
Faudrait un jour qu’on se voie pour que je te donne l’occasion de discuter avec ma vieille amie Manon, amie d’enfance d’André Comte Sponville. Elle pourrait te raconter pourquoi il a écrit le bouquin dont tu parles et pourquoi il a subitement rapproché besoin et désir.
Bises amicales
JLM serait un invité parfait pour « la parenthèse inattendue »; dans tous les visionnages que j’ai pu faire de cette belle émission, je constate que la plupart des personnalités qui sont passées par le grenier ont confié , souvent avec une très grande émotion qui a resurgit malgré eux, une enfance difficile, douloureuse, abandonnique etc…
« Pour structurer une âme, il faut un rêve, un projet pour comprendre et réparer les ruines » Boris Cyrulnik
Je vous conseille la lecture de cet article transmis par mon amie Fabienne Durand (ex pigiste pour le magazine IDEM à Montpellier): http://www.idem-mag.com/boris-cyrulnik/
Salut Armelle,
très belle ITW de Fabienne DURAND … « les souvenirs arrangés » … voilà qui vous interpelle … ainsi que les mots sur le « pardon » …
Merci de m’avoir fait connaître cette personne.
DLB
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Merci Armelle pour l’article. Je connais bien les travaux de Cyrulnik que je trouve intéressants même s’ils ne s’adressent pas à tous puisque la résilience concerne en réalité très peu de personnes traumatisées.
Il faut pour être résilient une nature un peu hors normes. Et puis on peut être résilient sur certaines choses, pas sur d’autres. Cyrulnik le reconnaissait récemment dans une interview.
Par contre, chacun peut travailler sur son enfant intérieur pour le soigner, en complément d’une thérapie adaptée. J’avais travaillé cela avec les deux psys qui m’ont suivie et ça m’a beaucoup aidée.
Depuis, je continue ce travail seule et je l’enrichis chaque jour qui passe.
J’avais travaillé avec la méthode Bradshaw (qui a travaillé à partir des travaux des années 40 de Carl Jung sur le même sujet) qui est connue depuis les années 80 par les pros. C’est vraiment une bonne base de travail personnel, de reconnexion avec notre être profond, en complément d’une thérapie plus pointue, notamment de désensibilisation des traumatismes les plus graves.
http://www.psychaanalyse.com/pdf/enfant_en_soi.pdf
Muse, tes réflexions sont intéressantes mais pour éviter d’encombrer le bloc de Didier par de longs posts, il serait préférable que nous communiquions par message privé ( mon adresse : loheacflo@gmail.com) merci et merci à toi Didier de nous prêter tes lignes…bises à tous les deux.
Muse, tes réflexions sont interessantes mais pour ne pas encombrer le site de Didier avec nos longs posts, peut être vaudrait-il mieux que nosu communiquions en MP. je te laisse mon adresse si tu veux et nous pourrons continuer le débat ( loheacflo@gmail.com ).
Bises à toi, Didier.
Bises à toi, Muse.
Eh bien ! le débat est très enrichissant…il faudrait quand meme entendre l’intéressé…j’ai l’impression d’assister à l’étude d’un cas en psychologie clinique….l’approche théorique et les troubles psychosomatiques que cela déclenchent…;)bises à vous…
Zut!…j’espère que ce n’est pas contagieux…j’ai fait une faute…je voulais également ajouter que Mr Jean Louis Murat a quelques soucis depuis son opération…il souffre de divers mots…euh! je voulais dire « maux » je pense qu’il nous a fait une grosse crise d’angoisse…la timidité , le manque de confiance en soi (il n’a jamais aimé les interviews ;çà le met mal à l’aise ) ,tout cela ajouté à sa santé quelque peu chaotique ces derniers temps , plus la fatigue de la tournée…ont peut etre suffi à la déclencher…
je te rejoins là dessus Rhiannon
Mes pensées du soir … Flo.
Didier.
Dernière publication sur : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...
Oui je viens de lire quelques extraits, c’est extra comme compilation !!! ( mais gloups, moi j’aime bien le orange et pas trop le vert pourtant j’aime bcp Jean-Louis, docteur est-ce grave ?)