- 66 – MURAT … et la langue Française …
Concert St Saulves 24 mars 2007 …
Le 10 novembre 2004, dans les colonnes de la « Libre Belgique », sous la plume de Dominique SIMONET, le chanteur Auvergnat évoque le parler de chez nous. Voici ce qu’il en dit : « Le français est une langue du désir, la langue de l’amour, de la diplomatie aussi. Notre nature est langagière avant d’être quoi que ce soit d’autre. Les tares de la société française, on pourrait presque les voir dans une grammaire. Avec le français, un chat n’est jamais un chat. C’est le propre de la langue de l’amour ou de la diplomatie. Dans la diplomatie, tu dis quelque chose pour dire autre chose, idem dans l’amour, tu dis «vos beaux yeux ma mie, machin», tu penses «votre beau cul»; tu dis «nous n’envisageons pas d’envisager les hostilités…», ça veut dire que demain matin, on vous fout sur la gueule, en langage diplomatique ».
… Parfum d’acacia au jardin …
(Extrait DVD/2004).
(…)
« Qui laboure ce beau cœur, ce beau cul ? »
(…)
Le 10 MARS 2004, dans les colonnes de « Libération » Bruno BAYON n’a pas de mots assez forts pour parler du poète MURAT. Il écrit : « Les Verlaineries du titre « Parfum d’acacia » et fait référence à ces vers : « Aux cœurs-en-allées … »/ »S’épuise ma vie en virelais » …
2004 c’est aussi l’année de l’album « A bird on a poire » concocté avec l’aide de son ami Fred JIMENEZ. La chanteuse US Jennifer CHARLES de sa voix sensuelle, apporte un énorme « plus » à cet opus. Le choix des mots par MURAT n’est pas feint. Il a fallu expliquer à la belle Américaine, le sens de certains de ces mots « bander/baiser » par exemple ??? . Jennifer n’a pas froid aux yeux et c’est heureux. MURAT confie : « En chantant avec Jennifer, j’ai été obligé d’être un peu précis. Elle arrivait avec un pragmatisme anglo-saxon et une pratique de l’étymologie qui forçaient d’être clair, qui n’autorisaient pas d’embrouille. De chanter à Jennifer m’a amené à m’interroger sur le sens des mots, et sur cette fonction presque fondamentale du chanteur français et son rôle qui existe depuis les troubadours, c’est-à-dire qu’il faut foutre par l’oreille. D’un seul coup, il fallait foutre Jennifer par l’oreille… Cette dimension du langage n’est pas négligeable, c’est pour ça qu’on dit que le Français est un beau parleur ».
MURAT est intarissable sur le sujet : « la langue Française » … A brûle pourpoint voici ce que livre le troubadour des monts d’Auvergne au journaliste d’Outre Quiévrain, SIMONET précité …
« A la maison, j’ai un livre qui s’appelle «L’érotique des troubadours», qui parle de ça. Parce que la langue française a été faite par la poésie. Avant le XIIe, XIIIe siècle, la langue française n’existait pas, parce que le langage amoureux n’existait pas. «Je t’aime» est une invention du XIIIe siècle. Deux amis pouvaient se dire ça, pas deux amoureux. Ensuite, les premiers grammairiens et ont fait la synthèse de la langue courtisane de ces troubadours, une langue de la diplomatie chantée entre les chevaliers et leur dame. Comme si la réalité française était une réalité chantée. On chante ou la guerre ou comment aller sauter la voisine dans le château voisin, voilà de quoi est née notre langue ». (…) « Lacan disait que l’inconscient est un langage, il n’y a qu’un Français pour dire ça! Je m’attache beaucoup aux mots pour essayer de mieux me comprendre, et d’être moins problématique pour moi-même. Si deux personnes utilisent 6000 mots sur les 12000 du Larousse, tu évites la guerre, mais quand on en arrive à avoir 300 mots, alors que les corbeaux ont 70 signes… Les gens qui se rentrent dedans, les couples qui ne vont pas, c’est parce qu’ils n’ont pas les mots. Aux gens malheureux, il faut conseiller de lire une page de dictionnaire par jour, afin qu’ils trouvent les mots pour exprimer ce qu’ils ressentent. Sinon, ce que tu ressens va rester obscur, du coup tu vas te penser en être obscur, et quand tu vas avoir un problème avec quelqu’un, tu vas projeter de l’obscurité. Si tu éclaircis cette obscurité par des mots, tu te simplifies, tu es moins obscur pour toi-même et, du coup, plus attirant pour les autres. Dans la réduction du vocabulaire, il y a des gènes de guerre et de barbarie. Le barbare, en grec, c’est celui qui n’a pas le logos, qui n’a pas les mots. Réduire son champ de mots, c’est retourner à la barbarie ».
Vous êtes journaliste, vous posez une questions sybilline et voilà la réponse qui vous arrive dans les dents. MURAT autodidacte est un homme de culture. Il n’éprouve aucun plaisir à vous en mettre plein la vue … En tout état de cause voilà une explication qui mérite le respect et vous situe le personnage !
En novembre 2004, pour le magazine « Pepper » le chantre d’Orcival est amené à répondre à cette question : « Vous chantez l’amour en des termes parfois désuets. Vous ne pouvez pas écrire en langage moderne ? « . Il est de bon ton, pour qui n’a pas de culture ancrée dans l’histoire d’opposer « désuétude » et « modernité » … La réponse de MURAT fuse : « La qualité des sentiments ne peut être jugée que par la qualité des mots employés pour l’exprimer. Il y a des gens qui s’aiment beaucoup plus qu’ils ne le pensent mais seulement ils ne s’en rendent pas compte parce qu’ils n’ont pas les mots pour exprimer l’immense amour qu’ils se portent. Je pense qu’il y a beaucoup de ruptures et de chagrins d’amour simplement parce que les gens ne trouvent pas les mots. C’est typique de la culture Française, c’est la langue de l’amour ». (…) « Pour une certaine catégorie de gens, s’ils veulent intensifier leur vie ou la sensation de vivre, il n’a rien de mieux qu’agrandir son vocabulaire et sa grammaire. L’inconscient est un langage. C’est à la fois la grandeur et le drame : quand on est Français, on est d’abord une langue. Mon imaginaire est façonné par la langue Française, je ne suis qu’une pyramide de mots et de phrases ». Le journaliste poursuit : « Cela vous permet aussi d’être grivois sans que cela ne fasse lourd ». Voila qui est dit plus sur le ton de l’affirmatif que du questionnement. MURAT renchérit : « La paillardise est un élément fondamental de l’univers poétique. Pour être créatif, il faut avoir une pulsion sexuelle supérieure. Je ne fais aucune différence entre ma créativité et ma vie sexuelle. Les deux se mélangent et je ne crains aucune nudité. C’est un tout. Par exemple, un concert réussi, c’est un orgasme ».
En juillet 2004, pour le compte de « Virgin » (service promo) MURAT déclare à Anthony AUGENDRE : « Je pense que la pornographie réussie est poétique. « Mignonne allons voir si la rose » c’est de la pornographie. Pour le comprendre il faut être très cultivé. Par exemple, j’ai toujours trouvé archi nul : « Annie aime les sucettes à l’anis ». C’est vraiment dans le style : « rougis de me faire rougir », une sorte d’auto érotisme de faire des cochonneries aux filles. Je n’ai jamais trouvé ça érotique. Ou alors on reste dans le cercle strict de l’intimité d’un couple et on n’en fait pas des chansons. Si tu bascules dans les chansons, le sexe est ce qu’il y a de plus émouvant. Une partie sexuelle est réussie si la fille et le mec ont une forte dimension poétique. A mon avis, deux esprits matérialistes doivent avoir beaucoup de mal à atteindre des orgasmes efficaces. L’orgasme est fait pour des esprits poétiques, les matérialistes baisent bêtement comme des lapins ».
… Monsieur craindrait les Demoiselles …
(Extrait de l’album « A bird on a poire »/2004).
(…)
« Mon pauvre ami, vous baisez trop.
Saurez-vous jamais, saurez-vous jamais.
Mon pauvre ami, vous bandez trop,
Saurez-vous jamais ce qu’est l’amour ? ».
(…)
MURAT associe donc intimement poésie et érotisme. Plusieurs titres du DVD « Parfum d’acacia au jardin » (mars 2004) portent cette griffe MURAT où l’érotisme se cache à demi mot sous la poésie du verbe.
… Chappaquidick …
(Extrait de « Parfum d’acacia au jardin »/2004).
(…)
« Pourquoi être aussi avare aigrefin dans un même con
Tout est affaire de chair, affaire de don ».
(…)
Les femmes préférées de MURAT sont brunettes (comme sa mère) … qui plus est sans culotte. Selon lui il ne s’en rencontre plus beaucoup à Paris. De ces femmes qui, jupe flottante et rouge à lèvre ravageur, accueillaient les GI’S US sur les routes menant de Normandie à Paris …
… Elle avait le béguin pour moi …
(Extrait de « Parfum d’acacia au jardin »/mars 2004).
(…)
« Elle avait le béguin pour moi
Brunette tendre, idéale femelle.
Elle avait le béguin pour moi
Parfaite chatte, parfaitement discrète ».
(…)
En 2013, pour « IDEM » Jean-Louis MURAT est l’invité de la journaliste Fabienne DURAND. Evoquant l’album « Toboggan » la chroniqueuse ressort le mot « OMAHA BEACH » extrait de la chanson « Extraordinaire Voodoo ». Comme souvent avec MURAT, la réponse est surprenante et limpide à la fois et vous vous dites : « Mais bien sur ! ». Voici ce qu’il en dit : « Omaha Beach comme vous le savez c’est l’une des cinq plages du débarquement en Normandie. Je trouve que c’est comme s’il y avait une sorte de nihilisme dans ces esprit épuisés, esprit imaginaire occidental épuisé come si le fait de guerre avait amené le débarquement des américains. Je suis très imprégné par cette culture et quelque part c’est grâce au débarquement qu’on a pu connaître la culture américaine bien que je ne sois pas né à cette époque. Je me sens un peu blues man du Mississipi qui aurait en charge la langue de VILLON ou VERLAINE sur fond de blues de là-bas. Je pense que les artistes de ma génération sont caractérisées par un imaginaire colonisé. Il faut en prendre acte et essayer de transcender tout ça et moi, en musique c’est ce que je tente de faire au mieux ». Le chanteur Auvergnat conclue : « De toute façon, j’aime autant le blues du Mississipi que le vieux Français ». La journaliste questionne : « Encore une particularité Muratienne ? ». Réponse de JLM : « Oui, c’est comme ça. Très jeune, à 15 ans, j’ai connu des blues men comme Johnny Lee Hooker que j’ai eu la chance de rencontrer. Déjà j’avais autant d’amour pour le blues que pour la langue Française. Je continue d’essayer de bravement mélanger les deux et d’en faire quelque chose qui me soit utile dans la vie quotidienne ».
Ainsi, la référence à « Omaha Beach » serait un hommage implicite à Monsieur HOULOUHODJIAN … que Jean-Louis BERGHEAUD rencontre à 15 ans dans le cadre de sa scolarité. Cet américain d’origine Arménienne, avant que d’être professeur d’anglais, faisait partie des soldats ayant combattu sur les plages de Normandie … Comme quoi chez MURAT il n’y a aucun mot qui ne soit gratuit et très peu ne valent que pour la rime !
… Extraordinaire Voodoo …
(Extrait de « Toboggan »/2013).
(…)
« Omaha Beach Charenton
C’est plutôt bien trouvé
Quel pauvre Ulysse à la con
Quel déboussolé »
(…)
Nous sommes en 2013, MURAT évoque « blues » et « langue française » le premier trouve son origine dans la misère des « noirs américains » et le second dans celle des troubadours et autres trouvères du Moyen Âge … La boucle est bouclée. MURAT en a fait le tour. Cet artiste est un magicien du verbe … chose remarquable puisque jamais il ne travestit sa propre vérité. Toujours il est sincère avec lui-même. Jamais un intérêt particulier viendra ternir sa pensée … quand bien même nous serions en campagne de promotion …
2013 … tout fout le camp … à même » le toboggan » … vers la mer ou bien l’enfer ??? La langue Française bientôt ne sera plus qu’un souvenir … Bon nombre de nos têtes blondes ne savent déjà plus ce qu’est une virgule … Le 10 mai 2013, dans les colonnes du « Courrier Picard » c’est un MURAT désabusé qui confesse au journaliste Philippe LACOCHE : « Moi j’écris à la plume, avec de l’encre et un buvard ».
***
Ajout le 19 mai 2016 …
A trop vouloir mettre tout le monde sur le même palier, forcément on entraîne l’ensemble vers le bas … Il en va ainsi de l’apprentissage de la langue Française dans nos écoles. Il semble que les mots inscrits dans le dictionnaire Français soient trop compliqués, les règles grammaticales plus encore, alors on fait fi de ces règles. Bientôt les mots ne seront plus que des sons. Les fainéants sont ainsi récompensés une nouvelle fois ! Voilà une révolution qui se passe dan un silence quasi absolu. Les Académiciens se taisent, trop occupés à faire commerce de leurs écrits ou à plastronner sur les plateaux télé pour ne parler que d’eux.
Lors d’une interview accordée au critique Québécois Alain DE REPENTIGNY pour « La Presse.ca » le 16 mai 2016 MURAT déclare : « J’ai une idée longue de mon identité qui est essentiellement une identité par le langage, enfin par la langue ».
MURAT a appris le goût des mots dans le dictionnaire. Passé la soixantaine il aime toujours s’y promener. MURAT est un « self made man ». J’emploie à dessein cet anglicisme pour éviter les répétitions qui m’écorchent l’oreille ! Au journaliste DE REPENTIGNY le bougnat confesse : « Des fois, j’ai l’arrogance de l’autodidacte ». MURAT a surtout le talent des mots tantôt ciselés, précis, concis tantôt abscons, sombres et impénétrables. Les premiers pour exprimer la beauté de la nature en général, les seconds pour dépeindre notre société, nos esprits ou nos consciences ou plutôt ce qu’il en reste.
Extrait … « Le cafard » … Album « Morituri » … (2016).
« J’ai eu le cafard/C’est quoi le cafard/Difficile à dire
C’est comme un buvard/Qui vous boit la joie/Vous prépare au pire »
(…)
« J’ai eu le cafard/Cette beauté fatale/Chez les gens paumés »
(…)
Je crains fort qu’à l’école de nos petits enfants on n’apprenne plus ces mots qui disent d’autres maux. Déjà aujourd’hui les gens : « En ont marre » … « Ils ont les boules » … « Ca les fait chier » … « Ils ont la rage » … voilà qui mène à l’exaspération, l’incompréhension et la guerre. Ne plus avoir les mots, ne plus savoir parler qu’à travers des images, rend la solution des problèmes plus aléatoires. On dit de MURAT qu’il est un provocateur. On ne retient de lui que ses coups de gueule contre tel ou tel. Détruire notre orthographe, ce bien commun à tous, est plus destructeur, ravageur, que des invectives qui n’expriment qu’un mal être, un dégoût de cette société guidée par le seul appât de l’argent. MURAT le ronchon tient des propos le plus souvent conciliateurs, qui sont de bons conseils. Ceux sur le bon usage de notre langue constituent l’exemple parfait. Malheureusement c’est prêcher dans le vide. « Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre » !
Je ne sais pas où l’on mais on y va … Demain j’écrirai de la même façon : « Je ne sé pa ou l’on va mé on i va » … Je pense effectivement que le « y » n’aura plus d’intérêt, de même que le « s » ou le « x » … Je ne parle pas du « w » … Triste France ! Oui cette violence faite à notre langue peut s’avérer mortelle. Et je vous prie de croire que je ne suis pas « Vieille France ». A vous les technocrates qui avez réussi à convaincre nos « décideurs » de telles mesures, je reconnais que : « Travailler c’est trop dur » et trouver du travail plus encore. C’est le chat noir qui se mort la queue … Décidément, au bout du compte, MURAT a toujours raison !
J’aime les mots et ceux qui savent les manier. MURAT fait partie de ceux-là. J’aime aussi les autodidactes qui s’y essayent. C’est le cas de mon amie RHIANNON, admiratrice de MURAT qui en hommage à l’œuvre du « Berger de Chamablanc » a osé un recueil épistolaire du plus bel effet : « Le libertin« . En préambule « RHIA » écrit : « Jean Louis Murat. C’est cet homme amoureux des mots qui m’a inspiré ce récit qui je le souhaite fera en sorte que vous apprécierez la langue française et les mots comme nous les apprécions … ».
Voici un court extrait …
« Le rêve a fait de moi
Un objet de désir,
Il a tracé la voie
D’une âme pure et simple,
Il court sur des vallons,
Il gravit des monts.
Dont les creux noirs et sombres
Respirent un trou béant ;
D’un amour incertain,
Il fait de moi une ombre,
Qui vous suit pas à pas
Mais reste l’étrangère.
Ce désir est si fort,
Qu’il conjure les sorts
Et asservit les droits,
D’une raison perdue
Dont le duel est vain,
Car dès que je vous vois,
J’attends tout de vos mains.
L’élixir de l’absinthe
Coule sur votre peau,
M’enivre, me défait
Et m’envoie visiter
Des paradis boudoirs
Plein de félicitée,
Dont vous êtes le héros,
De votre bouche, la soie
M’invoque des privilèges
Et j’aimerais ôter de vous
Ces oripeaux ;
Et d’une main légère
vous caressait la chair,
Pianotant, délicate
La vallée de vos reins,
Aux courbes si parfaites
Et digne d’un Rodin.
De ce bel instrument
Aspirait la jouvence,
Avidement la boire
Et assouvir ma soif ;
Exorcisant enfin,
La noirceur de votre âme
Qui se joue de l’amour
Dans un gant de velours,
Je ne suis jouvencelle
Et je peux de ce fait
La boire jusqu’à l’assaut,
Et sentir tour à tour
Dans ma gorge brûlante
Jusqu’à l’aube du jour
Ce liquide doux amer
Et de sang cramoisi ;
Dans vos yeux azurés
Me nourrir de censure
Non ! Je ne ressens point
La honte de mes vers,
Ni l’ombre de vos blessures,
J’aime l’odeur de la chair
Oui ! J’aimerais défaire
Ce qui m’est interdit,
Ce qui me fait envie,
Annihiler mes craintes
Et sentir dans mon corps
N’ayons point de remords
La secousse extatique
Où jaillirait soudain
la lave incandescente,
D’un volcan éteint ;
Et soulageant l’envie,
Enflammant brusquement,
Mes limbes virginales
D’un torrent bouillonnant,
De semence abondante
Vous réveillerez ainsi
La fontaine vaginale
D’une source tarie,
Gonflerez mes collines
Pâles et rebondies
Aux veines embaumées.
Puis buvant goulûment
Ce parfum d’Orient,
Aux épices sucrés
Vous vous désaltérerez
Au bord d’un précipice
Oh volupté exquise,
Vous serez mon bourreau
Mais je serai la mante
Et alors gémissant
Vaincu, à l’agonie ;
Glissant dans vos cheveux
Mêlés, épars et sombres
Le fruit de mes péchés ;
La mort pourra, de fait
Vous prendre dans sa ronde
Et je m’endormirai
Enfin inassouvie ;
Dans un corps assoupi
A l’âme translucide,
Cicatrisant vos maux,
Pour en faire un tombeau ».
Bravo RHIA ! Il y a là tant de mots qui disent des sentiments, des attentes, des espoirs, des déceptions, des bonheurs, des malheurs. Tout ce qui fait nos vies de tristes sirs.
Revenons à MURAT dont le dernier « Morituri » a inspiré cette réflexion de Fanny DA VOLTA dans « Point de vue » le 27 avril 2016 : « Pour ce poète écorché, la beauté procède avant tout d’une quête d’équilibre, entre modestie de style et acuité des sens ». Voilà qui semble me résumer parfaitement l’œuvre de MURAT …
***
JLM comme beaucoup de gens qui ont su très tôt que la lecture, l’instruction scolaire, la culture étaient un moyen tout à la fois de s’élever et de se soigner et de se dire, ont la passion des mots.
Je partage tout à fait cette passion et ses avis.
Mettre des mots sur ses maux évite souvent bien des violences, désamorce des bombes et des tas de conflits, des guerres. On ne dira jamais assez l’utilité des diplomates, mais aussi de projets culturels, éducatifs pour limiter la violence.
Aujourd’hui quand tu dis que tu aimes lire, que tu aimes te cultiver tous azimuts, les gens te traitent vite d’intello avec un mépris souverain et l’air de dire que tu te crois au-dessus du lot. Mais cette moquerie méchante et gratuite est souvent le fait de gens gavés de préjugés et ignorants de ce que la culture et l’instruction permettent d’ouvrir de portes en soi et sur le monde. Et permettent aussi parfois de sauver les gens du désespoir…
Depuis quelques années, on supprime des émissions culturelles à la télévision pour les remplacer par du divertissement souvent bas de gamme (la plupart du temps quelques séries policières américaines) et de la télé réalité où les pires comportements, la vulgarité la plus épaisse sont dressés en exemples aux jeunes et aux moins jeunes.
Je suis navrée quand j’entends des jeunes et des moins jeunes en cours, colporter des bêtises qui ne les grandissent pas et ne leur apportent rien.
Je remarque depuis des années qu’il ne faut pas trop que les gens réfléchissent, apprennent sinon c’est dangereux, ils pourraient se rebeller. Tous les pouvoirs qu’ils soient religieux, politiques, économiques ont peur que les gens s’instruisent. Parce que c’est la clé d’une certaine liberté, au moins intérieure mais aussi extérieure quand ça ouvre vers le syndicalisme, l’humanitaire, l’éducatif, le social, l’art. Alors on limite l’instruction par des moyens détournés, jamais directs. (voir les textes de l’OCDE par exemple, un monceau d’hypocrisies qui conduisent depuis des années à la baisse drastique de l’instruction scolaire partout).
On supprime des postes de profs, on précarise la fonction des enseignants, on prétend que le bac coûte trop cher, on fait passer aux élèves un maximum d’épreuves en contrôle continu dans de mauvaises conditions (pour que ça coûte encore moins cher en salaire professoral), on contraint à des méthodes de lecture qui ne sont valables que pour des enfants qui peuvent conceptualiser, on fait passer l’orthographe pour la science des ânes et la grammaire pour de la décoration, l’histoire géo, l’art sont désormais les parents pauvres…
Je suis hélas bien placée en tant qu’enseignante pour voir toute cette dégringolade. Hier je corrigeais des épreuves pour le bac Pro. Il y avait parfois une faute d’orthographe à chaque mot. Affligeant. Et un langage pauvre. En cours, je suis contrainte d’expliquer des mots ultra simples (divers, ludique, absolu, marteau-pilon par exemple) parce que les ados que j’ai en cours n’ont absolument aucun vocabulaire et encore moins de culture. Ils ne savent même pas chercher dans un dictionnaire (avec deux autres profs, nous obligeons les élèves à refaire des recherches sur dictionnaire même si ça les saoûle). Et pourtant la plupart des familles dont ces ados sont issus sont des familles sans souci financier et les gosses ont tout ce qu’ils peuvent désirer en matière de gadgets et d’objets ruineux. Mais dans ces familles, on ne lit pas. Parce que ça demande des efforts. Parce que c’est jugé chiant, inutile, intello (donc forcément négatif). On ne discute pas non plus dans ces familles. On attend qu’il y ait un énorme problème pour échanger et encore le minimum. Sinon c’est la télé qui parle durant les repas.
Et je suis frappée également de l’ignorance et de l’inculture dans des familles prétendues bourgeoises.
J’en croise dans les ateliers artistiques dont je m’occupe et je suis frappée par le snobisme et le manque de curiosité des gens. Par leur dogmatisme et leur degré de suivisme comme des moutons aussi. Les gens ne réfléchissent pas. Ne cherchent pas à comprendre une problématique sous tous les angles alors que pourtant certains ont fait de bonnes études et eu des boulots très hauts placés. Ils ne dépassent souvent pas les apparences et le superficiel, la rumeur. Et ils sont tellement effrayés quand tu les mets face à la réalité complexe, qu’ils préfèrent souvent entrer dans le déni, le rejet plutôt que d’affronter la vérité des choses et des gens.
C’est d’ailleurs pour moi très compliqué de faire dessiner des choses, des végétaux et des personnages et des animaux en réel. Les gens ont tellement l’habitude de penser le monde et de ne pas le regarder tel qu’il est vraiment, qu’il faut faire toute une rééducation du regard, de l’observation. Et le pire, c’est que je ne suis même pas sûre que ce soit lié au monde actuel virtuel et citadin. Je crois que c’est un problème qui a toujours existé mais qui aujourd’hui prend des proportions encore plus intenses. J’essaie via mon job d’enseignante en arts d’y remédier un peu. Mais j’ai conscience du dérisoire et de l’aspect marginal, académique de ma démarche. Il faudrait une rééducation générale du regard. Mais je crois que ça n’intéresse surtout pas les gens qui préfèrent leurs préjugés et leur ignorance à la réalité.
Je pense que JLM est aussi très conscient de tout ça. Et que ça le consterne dans les mêmes proportions. Mais ce qui m’étonne et me chagrine parfois chez lui dans certaines interviews, c’est qu’autant il peut assumer son appétit culturel, autant parfois, il a besoin de renier la dimension culturelle de ses textes de chansons, comme si ce n’était pas si important que ça. Je trouve cette attitude dommage car justement, ce qui fait en partie sa valeur d’auteur, c’est la qualité littéraire de ses textes.
Cette ambivalence de JLM, c’est peut-être un reste de préjugé-complexe genre comme s’il avait l’impression s’il s’élevait trop culturellement parlant de trahir ses origines paysannes. Alors que la dimension culturelle peut aussi se trouver chez des paysans comme chez des ouvriers ou des précaires ou des chômeurs. Pas seulement dans la bourgeoisie et chez les notables. La culture, l’instruction appartiennent à tout le monde et encore plus maintenant à l’heure où les accès sont de plus en plus facilités via internet, pour peu qu’on ait un peu de curiosité personnelle. C’est pas une question de classe sociale. C’est du ressort de la personne et de son désir de comprendre et de s’instruire.
Au fait Didier, je te signale juste une faute d’orthographe dans l’extrait de texte « Monsieur craindrait les demoiselles » que tu as mis.
Tu as écrit: « Mon pauvre ami, vous baiser trop. »
C’est « Mon pauvre ami, vous baisez trop. »
J’adore cette chanson et l’album dont elle est tirée est sans doute un de ceux que j’écoute le plus de JLM.
Muse,
je suis fier que mon Blog provoque de telles réponses. Par ailleurs je vais corriger … j’ai horreur de faire des fautes …
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Excellent compte-rendu Didier, Murat est un génie, il est vrai que le mot est porteur de sens et sans mot, on ne traduit plus sa pensée et ça devient du n’importe quoi, le retour de la barbarie. Je suis complètement d’accord avec ce concept.
Au commencement, est le VERBE.
FLO … au commencement est le verbe …
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« Il faudrait restaurer la langue française du XVIII ème siècle, on pourrait presque dire qu’il y a des sentiments qui ont disparu simplement parce qu’on n’utilise plus les mots qui conviennent pour les exprimer ; n’ayant plus les mots pour les recouvrir, les identifier ; ils disparaissent. Et quand les gens sont agités par des sentiments…il y a cette diversité là….Tu as des mots, des formes, des expressions qui n’existent plus ou parce qu’elles sont désuètes, tu ne vas plus les exprimer ; donc la richesse, l’expression de ce que tu ressens vont être vachement limitées. Il y a de l’érotisme dans les mots ; on peut faire monter l’excitation grâce au langage amoureux, une sensation peut être exprimée par les mots … »
Jean Louis Murat.
Je cite les propos tenus par Mr Jean Louis Murat au cours de l’émission « Sur la route » avec Pascale Clarke…tout est dit…
Bisous,
Rhiannon.
Didier.
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