- 61 – Jean-Louis MURAT et son ami BAYON T. … dit … « B » …
Le message n° 4445 de la Dolorès liste en date du 11 décembre 1999 m’interpelle. Il est sigé « B » … C’est Bruno BAYON qui tient la plume … Le vocabulaire utilisé ne laisse quant à lui aucune équivoque … Vous avez terminé la lecture de cette chronique du journal « Libération » et vous n’avez rien compris …
Bruno B.
Jean-Louis Murat
Mustango (Labels)
« En attendant l’invasion des rats-taupiers, Murat peignait dans le rouge, s’excitait au dérèglement rimbaldien, se vautrant dans les mots (« Veines ouvertes nu dans la neige »), le narcissisme aigu (« La cathédrale de débris que j’ai dedans, et moi à l’intérieur qui prie dans une cathédrale de débris que j’ai dedans… A l’infini. »). Lui qui la cherchait dans La fin du parcours prit ainsi la foudre. Puis l’air. Pour l’Amérique. De Tuckson, il envoie une DAT à la mer: New Yorker. Contre toute attente, lui l’encagnardé, Bové pop France profonde, se trouve bien de la migration. « Tout étonné », il prospère, fraie; de rencontres pionnières en dépaysements musicaux (Elysean Fields), de bars américains en studios, il file sans douleur l’après-Dolores. Soit onze lais exilés de ce fleuron de notre Table Ronde rock, dont les plus courtois s’écrivent les Hérons ou Au Mont sans souci. Les autres en vers libre « un peu moins fragile » plus ou moins inspiré (« Sur les mâts de misaine/ Les marins vous diront/ Le galure de la reine n’existe qu’en chanson »), bouleversant (Bang Bang), aride (« Belgrade ta gueule ») ou cabalistique: « Qu’auriez vous fait sans moi, mes petits chats? Obéi comme des cadavres! » Le son jazzy-pop sensuel frotté d’influences country pop impeccables renouvelle la palette maison. Le tempo est deux à trois fois accéléré pour changer (P.J, les Gonzesses et les pédés, Jim), une fois déchiré (Nu dans la crevasse, avalanche blues-rock de 11 mn, à la Manset épique). Le ton et le tonus, comme l’autoportrait bleuet de pochette, plaisent, ce qui est légitime; unanimement, ce qui est bizarre; au point de faire considérer Mustango, après le léger creux 98, comme « le meilleur Murat », ce qui est faux. Dans la foulée, notre Gauvain calexicain devait enchainer, via crochet caritatif pyrénéen et enregistrement de Frère, une tournée francaise remarquée avec show périlleux. En tout, relance de carrière à point nommé et « album de l’année » sous le signe d’Icare au Vent mauvais mais sur l’air de « Joyeux Noel à ceux qui aiment bibi ».
B.
Voilà … c’est du « Bayon » tout cru … Mais qui est ce jeune homme ??? Né en 1951 en Côte d’Ivoire … père diplomate … milieu aisé … bourgeois … tout le contraire en somme de ce qu’aura connu le p’tit Jean-Louis BERGHEAUD … fils d’ouvrier et petit fils de paysan. De son vrai nom « Bruno T. » … l’ami BAYON signe ses premiers articles pour : « Rock & Folk » (1979). A l’époque il signe : »Bruno T ». Au fil du temps il adoptera le « B » … Critique au journal « Libération » il est également écrivain et obtient en 1990 le prix Interallié pour son livre « The Animals ».
Avec Anne-Marie PAQUOTTE, le sieur « BAYON » bien installé au journal « Libération » sera le premier à défendre le travail de MURAT. A la radio il entend la voix de l’Auvergnat … Il se rend illico presto sur ses terres … La rencontre s’effectue : « Quartier Vallière, impasse en pente (J. L’Olagne), rez-de chaussée sur rue (60 m2 ?) ». MARIE est présente. C’est elle qui fait chauffer la marmite grâce à des petits boulots. BAYON nous dresse le portrait d’un artiste : « tourmenté » et nous donne envie de connaître ce qu’il appelle cette : « musique de la nostalgie ». Tout oppose les deux hommes. L’un a connu les dorures des Ambassades, l’autre a été élevé au cul de la vache. Je ne suis pas certain que BAYON soit à même de différencier un bœuf d’au taureau … Le purin des animaux je suis par contre certain qu’il n’en connaît pas l’odeur. Une seule chose les rassemble : la fragilité … cette envie irrépressible d’aller vers le vide … l’inconnu … L’article de BAYON paru dans « Libé » le 15 février 1988 commence par ces mots : « C’est déjà fini » … comme si le fils de bourgeois regrettait ce voyage trop court en terre inconnue …
De cette 1ère rencontre va naître une vraie amitié, de la complicité. MURAT dit de BAYON que : « C’est mon frère de laid ». Accidenté, BAYON va durant de longs mois lutter contre la mort. MURAT lui sera d’un grand réconfort . Mais qu’est-ce qui les rapproche à ce point en définitive … alors que plus avant je parlais de tout ce qui les opposait ??? Peut-être la désespérance ! Alors qu’il est malade MURAT communique avec son ami à l’aide de k7, des mots chantés par l’Auvergnat … autant d’inédits qu’il est le seul à posséder. De temps en temps BAYON nous fait cadeau de l’une des « pépites » à lui confiée par l’ermite de DOUHARESSE. C’est ainsi qu’en 2003, en live radio il nous donne à découvrir : « Bye bye Johnny » (titre enregistré en 1993), et plus près de nous : « Tous les chanteurs sont malheureux » … (le 23 mai 2010 sur « Radio Nova ») … Une autre façon de dire que toutes les belles chansons sont tristes ? C’est en tout cas ce que pense MURAT et je ne suis pas loin de penser comme lui … De … »L’ange déchu » au … « Lien défait » en passant par « L’Irrégulière » … la discographie du bougnat en atteste.
Au travers de propos alambiqués, incompréhensibles BAYON donne des informations sur la discographie cachée de Jlm. Il est le 1er à nous parler des CD uniques « Vous les femmes » reprise de Julio IGLESIAS et « Bon anniversaire Mamie » … A l’occasion de la sortie de « Grand lièvre » (Cf : LIBE du 28 septembre 2011) BAYON nous informe des titres écrits mais non retenus : « Ailes brisées » « La campagne sanglante » « Les ruses de la nature » « L’escorte des marines » ainsi que « La prière du soir » et « Ne t’attends qu’à toi seul » … qui depuis ont trouvé place sur des supports discographique (pour les deux derniers).
Déjà le 2 février 1997 « B » est le premier à annoncer la mise en service du site internet « MURAT LE BRENOÏ » (www.jlmurat.com). Voici ce qu’il en dit : « On peut échantillonner diverses photos de Salers (vaches rousses); faire un concours de dessin de meuh-meuh et découvrir à la rubrique « crapoutche » la recette de la truffade (1 kg de patates, à peu près autant de fromage auvergnat et de lard, mélanger et manger). On peut également apprendre là en cliquant sur une corne ou un pis, que notre ami récemment promotionné par « Nulle part ailleurs », annonce pour sortie en mars un « Coup de Jarnac » en duo avec une certaine LUCIA, ou propose en option à un exemplaire une reprise maison de « Vous les femmes » du crooner Castillan IGLESIAS. Plus sérieusement, tout en mettant la main à un dernier album évènement de Marie MOÖR (qui travaillait jusque là avec Barney WILEN) disque intitulé « Svoboda » et annoncé comme remarquable par telles indiscrétions, Jean-Louis MURAT prépare activement la suite très attendue de son album trip-hop DOLORES ».
Hormis le « papier » paru en 1988, les articles de fond signés « B » sur la discographie de Jlm, ne sont pas légion. Le mercredi 17 novembre 2004 on peut noter une invitation pressante faite aux lecteurs de « Libé » et les autres d’assister aux concerts de MURAT au « Café de la danse » les 22 – 23 et 24 novembre 19 heures 30 (pris 25 euros) « ! Je reprends pour partie les propos de « B » : « Le meilleur du show va au « concert dans le concert » avec JENNIFER, nouant sa soirée en ruban orange (couleur de sa robe moulante de Béatrice DALLE US). Soit huit duos Californo bougnats, mi Demy mi Jane B, décentrant à point le cher ménestrel du lien défait (il le fait) ou terres de France (aussi au piano), côté jardins de JIMENEZ, bassiste alter égo rétro ». Pour qui ne connaît pas l’œuvre de MURAT ces propos sont à peine compréhensibles. Ce qui suit est du même tonneau : « Excellent dans l’exercice Eros thanologique faraud, MURAT donne là une vraie « sérénade », bien galamment. Les deux voix, la formation (trio augmenté clavier) les paroles, les gestes, repaires, tout est bien ».
Le talent de BAYON diront certains (Murat en fait partie) la suffisance « bobo » diront d’autres (et je suis de ceux-là), ne laisse pas indifférents. J’en veux pour preuve cet article signé : « OUZOUNIAN » pour : « Mag. Clash » le 29 novembre 2012 : « Longtemps, je ne me suis pas couché de bonne heure, mais j’ai détesté BAYON. Lorsqu’acheter LIBERATION était un acte naturel, du genre qui accompagne une tasse de café, je ne pouvais jeter un regard à ses articles sans appréhension« . (…) « Je lisais et relisais ses papiers, confus de n’y comprendre rien. Je tentais désespérément de trouver le moindre sens à ses nébuleuses exégèses et ses élucubrations lysergiques, à cette suite de mots jetés en travers de disques dont j’étais incapable, sitôt ma lecture achevée, de déterminer s’ils étaient bons ou inaudibles. Pendant les 90′s, j’eus un accès de révolte devant un pensum de quatre pages sur Jean-Louis MURAT; mais, nonobstant, d’année en année, BAYON demeurait imbitable et immarcescible ». (…) « Heureusement ou malheureusement, dans quelques années LIBE aura disparu BAYON avec. Bon débarras ».
Les écrits de BAYON sont parfois surprenants. Pour la sortie du « Grand lièvre » le 28 septembre 2011 il donne cette explication au choix du titre : « Grand lièvre serait comme le toutou dans la sexualité du chanteur. Un blouson par dessus pour bien cacher le flingue. Grand lièvre ou le grand refoulement de mes talents de meccano import-export. Est-ce clair ? ». La dernière question ressemble à de la provocation … celle d’un intellectuel plein de talent et ayant assez de tunes pour s’acheter tous les « paradis artificiels » … Dans le genre provoc on peut également citer (de mémoire) cette ballade nocturne avec GAINSBOURG qui lui offre une œuvre d’art qu’il vont piétiner de concert … Il n’est pas certain que le paysan MURAT apprécie ce gâchis …
S’agissant du dernier album « Toboggan » l’ami BAYON aura donné dans du plus « soft ». Je retiens de cet article paru dans « Libé » le 25 mars 2013 cette question : « Sans la peine que tu chantes à ravir, que te resterait-il ? ». Réponse du Brenoï : « Beaucoup trop de peine, c’est pourquoi je chante. Enchanter sa peine en chanson ». Lorsque des gens de talent se rencontrent , cela vous donne ce genre de répartie.
Vivement que BAYON nous délivre une autre pépite de son ami MURAT …
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Ajout le 2 octobre 2016 …
Des nouvelles de BAYON avec ce livre « Roulette russe » disponible depuis le 16 janvier 2016 …
A ce jour, ce livre n’a pas fait parler de lui, voici ce que nous en dit l’éditeur : »Roulette Russe » est un journal des années 80 où se mêlent les obsessions littéraires, cinématographiques, amoureuses, suicidaires et sexuelles de l’auteur. A travers elles se dessinent à la fois le paysage intérieur d’un homme sévissant en marge de sa propre vie, et la topographie d’une époque. De ses rencontres avec Marianne FAITHFULL, Alain BASHUNG ou Orson WELLES, à ses lectures de KAFKA ou de SELBY, BAYON FAIT feu de tout et nous entraîne dans la torpeur toxique d’un monde et d’un temps électrisés de noirceur et de vie. Après 37 ans à Libération, l’étrange « journal » inactuel exhumé éclaire d’un jour assez noir l’envers du décor à la source. Voyage autour de ma chambre à main armée, Roulette russe, au style doloriste détaché, est un document sur l’écriture, sensuelle et obsédée. Bref la dépression masquée, dont l’auteur dit avec le recul : « Elle, je ne l’ai pas manquée ».
Il va falloir que je me procure ce livre et m’assurer que BAYON n’a pas oublié son ami Auvergnat … A la réflexion, je me dis que c’est peu probable. En effet, il est préférable, je veux dire « plus porteur » pour un écrivain de parler des morts … Vous n’avez pas d’autorisation à leur demander et, alors que vous parlez pour eux, ils ne vont pas vous contredire ! De ce livre peu d’écho à priori ci ce n’est cette critique parue le 13 janvier 2016 dans le magazine « Télérama » : « Cas rare d’une langue au bord de l’autodestruction. Belle mise en scène d’un aquoiboniste jouant avec le feu ».
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