- 53 – Jean Louis MURAT … les mots pour le dire …
En 1993, dans le cadre de la tournée « Venus » le chanteur Auvergnat se lie d’amitié avec Rudy LEONET membre du groupe Belge « La Variété ». MURAT va même enregistrer un titre écrit par LEONET …
Dans ma nature.
Je ne peux pas mentir
J’aime quand ça brille
Et si ça m’attire
C’est que ça scintille
Mais je laisse aux gens
Leur teint éclatant
Je préfère les nuits
Sans leur mines réjouies
C’est dans ma nature
D’aimer les choses qui durent
Mais le bruit des ruptures
Est dans ma nature
C’est dans ma nature
J’aime toujours sourire
Pas par politesse
Ni même par paresse
Mais juste pour m’enfuir
Loin de la tristesse
Des remords qui me blessent
De m’être un jour noyé
Dans un bain de bulles dorées
J’aime tenir les portes
Et je laisse passer
D’un geste obligé
Car rien ne m’apporte
Autant de vrai plaisir
Que l’air que je m’inspire
Le revers en avant
J’aime la langue du serpent
C’est dans ma nature
D’aimer les choses qui durent
Mais le bruit des ruptures
Est dans ma nature
C’est dans ma nature
Chacune des paroles de cette chanson correspond à une image. Pas de double language. C’est à dessin que j’ai choisi ce texte de LEONET, qui constitue un contre-exemple type de ceux proposés par l’Auvergnat. Il n’est donc pas étonnant que cette chanson soit restée à l’état d’inédit. MURAT ne dit jamais « Je t’aime » dans ses chansons … Ou si peu souvent ! Il opte pour d’autres mots pour exprimer ce sentiment, il nous parle de caresses, de regards, de paupières qui se ferment, de peaux qui se frôlent, de corps qui s’entrelacent … Chez MURAT les portes ne sont jamais grandes ouvertes … juste entrebaillées … On perçoit à travers « la fente du volet » … MURAT le dit lui-même, chacune de ses chansons, présente plusieurs entrées, libre à chacun, selon sa propre vie, son état d’esprit, d’emprunter telle ou telle …
Une interview de Sylvain ROSENTHAL en décembre 1993 pour « Globe Hebdo » m’a incité à ouvrir cette page nouvelle. MURAT y parle de sa façon d’écrire, de sa manière d’aborder les mots.
S.R. : Comment se fait-il qu’à côté de textes très écrits, proches de la poésie « courtoise », vous arrivez à faire passer des poncifs aussi scolaires que « j’aime crier dans le noir sans espoir » ?
JLM : Ca me fait rire moi-même. C’est une forme de légèreté, d’auto-dérision qui revient à ne pas se montrer à son avantage. Ca permet aussi de ne pas se couper avec certains. Une phrase comme « J’ai l’âme en peine, j’ai le coeur en panne » sert de porte d’entrée pour tous les gens simples que je connais. C’est même la première phrase dont m’a parlé une amie, une dame de 65 ans.
S.R. : Vous n’avez jamais l’impression dans vos chansons de pleurer devant un miroir ?
JLM : C’est ma nature. Je suis narcissique. Je ne parle que de moi, même quand j’écris pour d’autres. Ca suppose une cruauté très lucide envers soi. Et puis, j’ai toujours adoré lire les gens qui fonctionnent comme ça, les journeaux, les biographies, savoir pourquoi et comment untel a écrit. S’il y a quelque chose qui peut nous régénérer, nous redonner une identité, c’est le fait de puiser en nous. Je suis une sorte de latin qui n’aurait pas peur de se déculotter. J’ai été élevé en grande partie par mon grand-père, un paysan et j’en éprouve une immense nostalgie. Dès que je le peux, je m’échappe pour passer du temps avec mon voisin, les animaux, les paysans. Pour eux, je suis toujours « le bercail » (BERGHEAUD son vrai nom en patois). J’adore ces gens là, ils m’équilibrent énormément. Si je n’avais pas ça, je serais cuit … » .
MURAT est un autodidacte, fruit du dictionnaire. Son écriture a évolué avec le temps. Les premiers textes de MURAT sont ceux d’un être ulcéré, tracassé, se perdant en conjectures, qui dit son mal sans en révéler l’essence. Il utilise des mots simples mais qui, mis bout à bout, ne veulent rien dire pour qui ne connaît pas les images, les visages, les douleurs, les malheurs, les doutes qui se cachent sous cette plume. Difficile d’y trouver une clef pour qui n’est pas BERGHEAUD. Le titre « La débacle » (1981) en est une parfaite illustration. Vous parcourez ce titre, vous passez de Villefranche à Paris, vous n’avez rien compris … Une vraie débâcle en somme …
« La France est partout, c’est partout la France ».
(…)
« Pour la première fois nous quittons Paris.
Les chiens ne suivent pas
Je sais que tu m’oublies,
Mais pour une dernière fois
Protège-moi de la nuit ».
(…)
« La France est partout, partout c’est Dimanche ».
(…)
« Mais tu ne m’as rien dit
Parle plus fort tu ne m’as rien dit.
Cette pierre lancée contre son enfance
Libère des chevaux
Qui n’ont plus leur chance ».
(…)
« Les chasses à cour, les bagarres, les rires,
Ces souvenirs qui me font souffrir ».
(…)
« Mais la peur, la chaleur nous attirent
Dans ce curieux délire
A quoi bon te l’écrire
Je préfère te le dire
Je voulais te le dire ».
Les mots de cette chanson sont effectivement simples, mais au final, assemblés, ils ne veulent rien dire pour qui n’est pas Jean-Louis BERGHEAUD. Il est certain qu’Emile (le voisin) découvrant ces rimes, n’y comprend rien et se dit : « Le Jean-Louis … il file un mauvais coton ! ». Le même commentaire vaut pour le titre « Masque d’or » (1981) …
« Toi t’es surement belle quelque part
Oh toi t’es surement belle quelque part.
Ton visage fragile comme un décor.
Je l’ai en mémoire c’est mon masque d’or.
Je suis sur de moi quand tu dors
Perdu quand t’es en mer du Nord ».
(…)
« Les grains de ta peau nous sont comptés
J’ai tant faim, ce sont des grains de blé
J’ai soif et tu coules dans une baie
Où les algues vont t’entraver ».
(…)
« Dans un pays au Sud de l’été
Des cargos déchargent des escaliers
Qui monteront jusqu’au grenier
Où tu devais m’abandonner ».
(…)
Et pour couronner le tout … ce refrain …
« J’attendrai le 14 juillet
J’t'ai sous la main, tu vas y passer
Putain d’été ».
Le titre emblématique « Suicidez-vous le peuple est mort » (1981) répond à la même réthorique. Le titre … est déjà une énigme en soi. Les paroles qui suivent le sont tout autant …
(…)
A Manille respire encore
« Ma mère dépouillée de son or ».
(…)
« Ma mère, ta tête dure, tête de mort ».
(…)
« Je souffrais, je bouffais mes dents
J’attendais petit cet instant.
Je bandais fort, oui mais dedans
Quel délice, quel soulagement ! »
(…)
« Suicidez-vous, le peuple est mort « .
La maman de Jean-Louis s’est plus tard offusquée des mots employés par son rejeton dans cette chanson, dixit MURAT lui même. Lorsqu’il écrit ces vers, MURAT est au plus fort de sa période punk. Bien plus tard, un journaliste n’aimant pas l’artiste et l’auteur reconnu qu’il est devenu dira de lui : « C’est le dernier des punks ». Ce terme étant employé de façon péjorative … (Période 2002 Le Moujik).
En 1982, MURAT sort un aulbum au titre éponyme. L’écriture de l’Auvergnat se fait moins rebelle …
« C’est un peu une habitude, un jeu
Qui devient dangereux,
Du feu braqué sur les yeux
Avant d’être pris pour amant
Vous trouvez ça charmant
Qu’il soit déjà agaçant ».
Murat se décrit lui-même. Les mots sont plus poétiques …
(…)
« Je sais le souffle
Est toujours trop court
Après les mots d’amour.
La lumière manque trop peu
Et relève tes cheveux
Laisse voir tes yeux
A qui tu dois un peu
D’un sentiment heureux ».
(…)
Ainsi parle l’amant, fier de donner du plaisir. Déjà « macho » ??? Ou qui feint de l’être ??? Pour MURAT l’homme est le parfait complément de la femme. Son rôle premier, à lui l’homme, c’est de donner du plaisir à sa partenaire. Son plaisir c’est pour moitié le plaisisr de « l’autre ». Voilà qui est confirmé par cet autre titre « Sévices amoureux » (1982) …
(…)
« L’hiver vient contrarier nos jeux
Dès novembre et décembre
Tu retrouves tes collants bleus ».
(…)
« L’automne passe la main
Met au chaud le bout de tes seins.
Vive le printemps prochain
Ces jupes libèreront tes reins ».
(…)
« Appuyée contre un chêne
Tu rajustes ton collant bleu
Puis tu croques un peu de neige
Pour te désaltérer le feu ».
(…)
« Viens, dépêchons-nous, je t’aime
Il n’y aura plus de bois dans le feu ».
(…)
« Petit animal frileux
Dans ton boil j’ai mis du miel
Il en reste bien assez pour le …
Sévices amoureux ».
MURAT aime la femme et plus encore sa fragilité apparente. N’est-ce pas ce qui fait sa force ??? Il regrette que la femme se … masculinise et tout autant que l’homme se féminise. De nos jours, exprimer ne serait-ce que cet avis, c’est être homophobe ou lesbophobe ! Ah la « pensée unique » … Le titre « Cassis mouillé » (1982) ne parle que de sexe, celà sans le dire …
(…)
« Alors un muscle froissé te réveille
Un autre muscle se noue.
Que les dangers de mon corps sont flous ».
(…)
« Je souffre dans les trous d’air
De ta tanière profonde
Ton os souffle une haleine chaude ».
(…)
« Un organe se met à me faire remarquer
Combien j’ai accumulé de regrets.
La médecine animale remèdes de cheval
M’a détruit, m’a rendu brutal.
Mais le charme est rompu
Etre un homme, être en rut« .
(…)
« Si tu te souvenais
Que violent comme un coq j’étais
Mais tu n’y penses jamais ».
(…)
« L’homme souple qui fut
Sans dessous, sans dessus.
Dans la rue pour rester tendu,
Tu lui donnais le sein,
Le repos des idées ».
(…)
« J’envie tes yeux brillants
Comme du cassis mouillé ».
(…)
MURAT, de façon indélibile, est marqué par les amours vécus à la campagne. Des animaux il tire toute sa sexualité. Le taureau en rut ne ménage pas ses compagnes. Les amours s’accompagnent de beuglements, de rugissements, de hennissements … L’amour sait être bestial … L’animal couine son plaisir … BERGHEAUD emprunte à l’animal … souvenirs d’enfance. Il fait référence au cheval, au coq, il en oublie même le taureau. Il nous parle de « tanière profonde » … de « muscle froissé », « tendu », d’organe qui le titille … de « rut » … d’os soufflant une « ‘haleine chaude » … Eh oui, qu’on le veuille ou non, le plaisir emprunte souvent à la part animale qui est en nous … Je n’ai trouvé que MURAT à le dire ainsi dans ses chansons. Pour autant, il ne tombe jamais dans la vulgarité.
En 1984 avec « Passions privées« les mots de MURAT vont davantage chercher dans la sensibilité. Le sexe et l’amour sont toujours ominprésents, mais les mots sont moins crus , les images évoquées avec plus de tact. Il en va ainsi du titre « Petite beauté » ...
« Je sais de ton amour
La petite beauté.
Pas un seul de ces jours
Elle ne m’a manquée ».
(…)
« J’ai pris de la moisissure dans le sang
Un si long désir aussi longtemps.
Tu m’as excité
Une longue fêlure s’étend
Du coeur à la peau de mes sentiments.
Tu m’as excité
Déculotté.
Je sais de ton amour
La petite beauté ».
(…)
L’animal est là qui guette sa proie, impatient de goûter aux plaisirs de le chair … de cette « petite beauté » emmitouflée dans le « plus secret » de l’autre, celui qui nous attire, nous donner à soupirer, à désirer …
MURAT chante aussi les « amours manqués » et nous dresse ainsi le portrait d’un amant qui ne se comporte pas toujours galamment. Celà nous donne cette chanson : « Pourquoi n’as-tu pas di je t’aime ? » (1984) …
« Les rencontres, les souvenirs d’été
Aident souvent le coeur à patienter.
Je me souviens d’une histoire d’amour bâclée
Qui ne me laisse au coeur que des regrets.
Aimer n’était que jouer, jouer n’était que tricher ».
(…)
« Je m’éloigne loin du corps froid sur le divan
Etouffe un chagrin, respire lentement.
Je n’ai rien fait pour sauver
Son amour gagné puis jeté« .
Je pense que tous les hommes sont ainsi. Chaque fois qu’ils parlent d’un amour qui n’est pas consommé, les mots se font plus poétiques. Le désir serait-il plus fort que le plaisir ??? Je le pense. Ecoutons MURAT lorsqu’il évoque : « L’étrangère » (1984) …
« T’es comme une hirondelle
Capricieuse, infidèle
Mon triomphe éternel
Ma jumelle, ma femelle.
Je suis comme un passager,
Un voyageur étranger.
Je me photographie
Dans les décors de ta vie ».
(…)
« T’es mon hirondelle
T’es ma tribu rebelle
Mon armée de vandales
Mon échappée royale.
Nous irons patauger
Dans des plaines inondées
Vivre de jalouise
Chez les tigres alanguis ».
(…)
« Tu m’entraînes vers le soleil
Tu m’entraînes vers le ciel
Tu me tires du sommeil
Loin du ventre de la terre ».
(…)
« Je suis un archéologue vivant
Dans un territoire mourant
Un aventurier
Qui ne pourra plus t’oublier ».
(…)
Mais quand vient l’été, MURAT se fait amant et coure, coure … l’animal fougueux, amoureux … Celà nous donne : « Passions privées » (1984) …
« Mon existence est un songe
Une technique de rêve ».
(…)
« Viande rouge, sperme blanc
De mes passions privées »
(…)
« Reste nue sous ta jupe
En ce début Juillet »
(…)
« Il n’y a qu’une femme
Pour calmer mon système nerveux.
Eh bien sexe, Madame
Laisse-moi manger des yeux ».
(…)
On ne peut être plus clair. MURAT fait le raccourci « viande rouge/sperme blanc » , « sexe/Madame ». Les beaux jours venus cet amant impénitent semble ne plus pouvoir ou encore moins vouloir contrôler sa libido. On en revient au côté animal … Durant ces années « punk », ou MURAT côtoie davantage la précarité et la galère que l’opulence, MARIE est son seul lien avec la « normalité ». MARIE est la seule qui lui permette de rester « entre les rails ». Dans une de ses interviews il déclare : « Il y avait quelqu’un qui m’aimait ! » C’était MARIE …
De 1984 à 1988 (sortie des 1ers titres de Cheyenne) MURAT a travaillé son écriture. Les mots sont plus concis. Belle, la poésie de MURAT n’en reste pas moins hermétique. Y trouver les clefs n’est point chose aisée. MURAT n’a jamais parlé que de lui dans ses chansons. Pour la période 82-84, les mots choisis par MURAT étaient tellement abstraits, qu’il était quasiment impossible de s’identifier à leur auteur, de se retrouver soi-même dans ces chansons. Vous étiez dans l’univers inextricable de MURAT … point barre. Vous vous y plaisiez tant mieux ! Vous ne vous y plaisiez pas, tant pis ! Vous n’aviez d’autre choix que de prendre la porte de sortie … A l’époque la voix du chanteur n’avait pas encore trouvé son velouté, son charme, sa grâce … A partir de Cheyenne, MURAT ne parle toujours que de lui, mais à présent les portes sont ouvertes pour qui veut entrer. Les mots sont plus légers, ils permettent à votre imaginaire de s’y promener. Les chansons ont des ouvertures multiples. Chacun peut ouvrir la porte qui lui convient, et donner lui-même la signification qu’il veut aux mots de l’auteur, en fonction de son propre vécu, de ses attentes, de ses désirs, plaisirs ou déplaisirs …
« Cheyenne Autumn » (1989)
A relire cet album, il me semble que MURAT, au niveau de l’écriture soit déjà au meilleur de sa forme. Il n’use que de mots simples, les tournures de phrases sont telles qu’à la première lecture, on ne perçoit pas obligatoirement ce que l’auteur veut dire. Il y a une part de mystère dans l’écriture de MURAT. C’est volontaire, il s’en amuse même …
… Paradis perdus …
(…)
« Je veux trouver la mort
en voiture de sport »
(…)
Une référence à James DEAN qu’il regrettera, une phrase simpliste qui contraste avec l’ensemble du texte … qui semble touché par la grâce. MURAT éprouve les pires difficultés à trouver sa place dans cette société de consommation. Il se dit … il se sait moins heureux que tous les animaux qui, dans « sa montagne » vaquent dans les prés … Il est sincère !
(…)
« … Pour un tombeau païen
A ma vie occidentale
J’ai une vie de chien
Dans le règne animal«
« Vois ma quête est frénétique
J’ai le sommeil gorgé d’eau
Je rêve d’une musique
Pour tous les animaux ».
***
… L’ange déchu …
« Je jette une orange
Vers l’astre mort
Quand s’éveille l’ange
Dans mon pauvre corps«
(…)
Ne jamais se fier aux apparences … Voilà un artiste qui a une gueule d’ange … A qui tout le monde prédit déjà une carrière d’acteur de cinéma. MURAT n’en a cure. Il se plaint de ce corps qu’il sait mortel, qui trop souvent le fait souffrir (migraines, mal de vivre, désespoir …). Utilisant le terme « pauvre corps » il n’est pas dans l’esbrouffe ou la surenchère … Il pense ce qu’il dit … Les midinettes qui n’ont d’yeux que pour ses yeux bleus ne peuvent pas comprendre …
***
… Amours débutants …
(…)
« Sous de multiples souvenirs
J’ai l’unique plaisir
De ton silence
De ta confiance »
(…)
Chanson pour Françoise … Jean-Louis BERGHEAUD a cinq ans … 1er baiser … 1er coup de foudre … En quelques mots simples il nous fixe quelques secondes, les plus douces de la vie, qu’on ne revivra plus … secondes fugaces … qui s’effacent … Il nous parle de « plaisir/silence/confiance » … Tout un programme ! Réunir ces trois vecteurs en un seul instant est une chose rare dans la vie. On s’en aperçoit bien souvent très tard … trop tard !
***
… La lune est rousse sur la baie de Cabourg …
« La lune est rousse sur la baie de Cabourg
Je vois mon âme à contre jour
Quitter ce corps où brillera toujours
La sueur de nos amours »
(…)
Un jour nos écoliers, nos étudiants liront ces vers et découvriront Jean-Louis BERGHEAUD. Ce petit garçon, qui se promène sur la plage de Cabourg, à la recherche du temps perdu … L’âme et le corps évoquent ici la mort … un seul regret ? de folles amours !
***
« Le manteau de pluie » (1991).
… Le mendiant à Rio …
(…)
« J’ai ce soir le goût du désespoir »
(…)
« Je pleure, je ris
J’ai du rater ma vie.
Je traîne au bord de l’eau
Comme un mendiant à Rio ».
(…)
Les mots sont simples, voire simplistes … s’accordent avec une bossa, du fond des favellas …
***
… Sentiment nouveau …
« J’avais perdu le coût des choses
Sans avoir idée de la cause ».
(…)
« Puis il y eut ce sentiment nouveau
Ce souffle sur ma peau ».
(…)
De nouveau la simplicité. Une concession aux majors ? Oui sûrement, mais également une chanson pour Marie …
***
… L’éphémère …
(…)
« Je parcours les rues
Du monde disparu
Où j’étais volontaire, naguère.
Non, je ne me souviens plus
De tout ce temps perdu.
Je me sens éphémère ».
(…)
Sans doute l’un des paradoxes de MURAT, qui ne cesse de se plaindre de la vie ici bas … pour aussitôt regretter qu’elle soit trop courte … Mais n’est-ce pas le propre de tous les poètes ???
***
« Vénus » (1993)
Cet album marque la séparation avec Marie … Il n’y a pas une chanson qui ne fasse le deuil de cet amour passion …
… Tout est dit …
« Pour un simple mot de Toi
J’aurais fait n’importe quoi
Le pire et le meilleur ».
(…)
« La promesse de durer
Est une mauvaise idée
Je ne veux plus y penser ».
(…)
***
… Comme au cinéma …
« Quand l’ennui s’empare de moi
Je prends ma caméra.
Je réorganise tout ce qui ne va pas.
Je prends ma vie pour du cinéma.
***
… La fin du parcours …
(…)
« J’aime errer dans le noir sans espoir »
(…)
« Les muscles se lassent, le sourire se fane.
La peau au contact moins vite se rétracte.
Le goût se trahit, les couleurs s’assombrissent,
Les passions se chapardent dans d’étranges histoires ».
(…)
***
Un amour qui s’en va et déjà MURAT se drape de l’habit de l’amant …
… Le monde caressant …
(…)
« Que tu m’offres amour à mourir
Dans ce monde caressant
Dans ta chambre ventre joli
Laisse règner ton amant ».
(…)
***
MURAT aime le sacré … Il y fait référence dans le titre qui suit …
… Rouge est mon sommeil …
(…)
« Rouge est le ciboire
Que nous aimion croire ».
(…)
***
Le chanteur MURAT lorsqu’il a du chagrin se console avec la montagne …
… Montagne …
(…)
« Malheureux ça c’est montagne
Tu préfères ta limagne
N’oublie pas que ici
Mon vrai nom c’est bercail ».
(…)
***
« Dolorès » (1996).
MURAT sort d’un traumatisme … MARIE est partie … Ces deux amants auront l’intelligence de rester les meilleurs amis du monde … C’est un MURAT désabusé qui ouvre cet album …
… Fort Alamo …
(…)
« Je suis dans l’espace, un temple de glace
Je n’aime plus rien du tout.
Je m’en fous, je m’en fous.
Je vis dans la crasse, je suis dégueulasse.
Et alors …
(…)
***
Les autres textes de cet album semblent avoir été écrits pour Laure DESBRUERES le nouvelle égérie de jean-Louis BERGHEAUD : une Parisienne qui va réussir à se faire admettre au pays de MURAT par Emile, par tous ces gens simples, paysans de la montagne …
… Dieu n’a pas trouvé mieux …
(…)
« Mieux qu’une brume qui se lève,
Mieux que le renard peureux,
Mieux que le fruit, mieux que son zeste,
Que de passer aux avoeux.
Mieux que le goût de la noisette,
Mieux que de rêver à deux
Que tes lettres à l’encre violette,
Non, Dieu n’a pas trouvé mieux ».
(…)
J’ai plaisir à croire, que chacun de ces mots s’adresse à Laure, parce que derrière celà, je sais un BERGHEAUD heureux …
… Brûle-moi …
« Ton babil de nourrisson
Et tes lèvres obstinées,
Me font heureux avec toi.
Prêt à faire n’importe quoi au fond ».
(…)
« Viens ma toute belle,
Canoter c’est l’été,
Nous aurons le ciel à partager.
Il y aura tant d’étoiles au ciel
Les nuits d’été ».
(…)
***
… Le baiser …
(…)
« Abandonne-toi
Eprouve au fond de toi
le baiser »
***
… Aimer …
(…)
« As-tu aimé poser ton coeur
A l’intérieur
D’un être heureux ? ».
(…)
Cette question qui ressemble plus à un plébiscite qu’à autre chose, résume tout le bonheur du p’tit garçon de MURAT LE QUAIRE, de nouveau amoureux … On ne peut qu’être heureux en amour lorsque l’on écrit …
… Le train bleu …
(…)
« Dans un train bleu je sommeille
Entre Lyon et Genève,
Le coeur empli d’idées noires ».
(…)
« Quand dans un vol d’oies sauvages
Sur les étangs s’élève
Mon coeur épris de voyages … ».
***
Un être amoureux, est forcément quelqu’un d’inquiet, se posant mille et une questions …
… A quoi tu rêves …
(…)
« Suis-je ton amant heureux ? »
(…)
« La question obsède tous les amoureux
Mais de qui suis-je amoureux ?
D’une hirondelle ou d’un hérisson vieux ? »
(…)
« Dis à quoi tu rêves,
Quand tu refermes les yeux ? ».
***
« Mustango » (1999)
Avec « Mustango » Jean-Louis MURAT s’ouvre sur l’extérieur et vers les autres. Les romans de Jim HARRISON lui ont donné le goût de voyager, dans l’esprit du moins, puisque les voyages ne seront jamais son « truc ». Ce nouvel album s’ouvre donc sur …
… Jim l’héritier des Flynn …
« Jim
Murmurant à cheval
Emouvant
Dans la nuit sans âme
Ivre comme une tige
Que le monde étonne
Puis pris de vertige sous la grande étoile
Où il vit ».
(…)
***
MURAT nous mène à la poursuite de P.J. HARVEY entrevue, surfant sur les vagues de Saint Malo …
… Polly Jean …
« Je voulais voir des corsaires
User des espadons
Me baigner nu dans la mer
Changer de religion
Enfin sauter du manège
Chavirer dans la nuit
Voir si je serais le même
Sur la mer en furie.
J’avais rêvé de poursuivre
Sur les rochers luisants
Le galurin de P.J.
Galure rouge sang ».
(…)
« Je garde intact mon désir
Rouge sang dedans
Sur les mats de misaine
Les marins vous diront
Que la galure de la reine
N’existe qu’en chansons ».
(…)
***
MURAT nous conte ses souvenirs de vacances à Val d’Isère …
… Nu dans la crevasse …
« Nu dans la crevasse,
Prisonnier des glaces,
Le temps me dépasse,
Faites de la place.
Je suis un éléphant,
Je suis dans le vide,
Perdu dans les cimes,
Sur l’autre versant.
Bruits de crinoline
Passent les cabines,
Volent les passants ».
(…)
« Nu dans la glace
J’ai perdu la trace ».
(…)
***
MURAT nous conduit en pays de Mustang …
… Mustang …
(…)
« Un fermoir, un rubis
En zone franche à plat ventre,
Je cherchais une vie
Du jus de pêche sur les jambes.
Au Mustang interdit
Entre Vénus et Circé
L’air se fige au début
Mais la descente amorcée
Au Mustang interdit
Haut les coeurs,
V’là la vie ».
(…)
***
Chemin faisant, MURAT ravive ses souvenirs d’enfance …
… Au Mont Sans Souci …
(…)
« J’aimais déjà dire je t’aime.
Je t’aime, je lui dis.
Je savais que dans une semaine,
Elle serait loin d’ici.
Tous les amours de courte halaine
Embellissaient nos vies
D’un éclat mauve de bruyère
Au Mont Sans Souci ».
(…)
***
MURAT nous donne à entendre le bruit du canon qui tonne aux portes de l’Europe …
… Belgrade …
« Cette conne au pluriel
Boutefeu criminelle ».
(…)
« Belgrade ta gueule … »
***
MURAT apporte sa voix à ceux qui défendent la « différence » …
… Les gonzesses et les pédés …
« MEGRET serre les fesses,
Voilà les gonzesses et les pédés ».
(…)
Je m’offusque toujours du comportement de certains admirateurs, adeptes de la « pensée unique » qui se sont détachés progressivement de MURAT en raison des pensées politiques qu’ils lui prêtent … non identiques à celles qu’ils s’imaginaient … MURAT sera toujours un homme libre, c’est la première qualité (hors son talent) que je lui trouve …
***
Entre Lombarde et Limagne MURAT nous donne à découvrir …
… Les hérons …
« Le vent de foehn et de Lombarde
Viendra déposer
Je le crains
Son blanc manteau
Mon camarade
Sur l’âme folle qui nous tient ».
« Le vent d’Ecir sur la Limagne
A abattu tous les hérons
Partout on ne jure que mitraille
Que vengeance
Que punition ».
« On jure par les saillies du diable
Qu’un mal qui épargne les chiens
Tuerait les amants en cascade
Tous les gens jeunes
Les gens sains.
Que dans les ronces vers la Sagne
Où se retirent les hérons
En larmes bleues
D’un bleu final
Savent mourir
Les compagnons ».
« Sait-on la Dame qui nous peine
Eprouve-t’elle un grand chagrin
Son triste coeur
Ce bois de hêtre
Nous ferait donc croire au malin ».
« Si je t’écris mon camarade
C’est pour parler de la saison.
Si je t’écris
C’est que le vent de Foehn et de Lombarde
A abattu
Tous les hérons ».
En 2009, ce texte de MURAT est choisi pour figurer sur un livre/CD destiné à être vu par les enfants des écoles. Le choix du texte est heureux. Gageons que d’autres titres du chanteur Auvergnat connaîtront le même sort. Mais ne soyons pas pressés, ce privilège étant souvent l’apanage des morts ! Nous devons cette initiative (pour partie) aux organisateurs des « Francofolies » de La Rochelle.
Cet album de MURAT … « Mustang » devenu « Mustango » est aux couleurs bleues. En octobre 1999 pour « Le Soir Magazine » l’Auvergnat déclare à Joëlle LEHRER : « Il m’arrive d’utiliser certains mots uniquement pour leur musicalité. Comme par exemple « arc-bouter ». Le monde s’arc-boute, celà pourrait être du tadjik ou du navajo. Les textes, je ne les travaille pas« . Il poursuit : « Je ne me pense pas auteur mais musicien produteur« . La journaliste Belge n’en démord pas et le titille par cette question : « Quelqu’un qui ne serait pas auteur parlerait-il de pluie surhumaine et de bleu final ? ». La réponse de MURAT fuse :« Le bleu final c’est une bonne blague non ? C’est l’azur, l’infini. Je ne le savais pas en l’écrivant. Je perle de phacochère, de vent de Foehn et de Lombarde. Les gens se plongent dans le dictionnaire. J’aime asussi les noms de lieux. Tous ceux dont je parle, j’y suis allé. Nu dans la crevasse se rapporte, en fait, à des vacances à Val d’Isère. Si je donne les clés des chansons, elles paraîtront simplissimes ».
***
»Le Moujik et sa femme » (2002)
Il n’y a que MURAT pour oser de tels titres pour un nouvel album. Le Moujik ? Il s’agit d’un paysan Russe de la période du tzar ! Pauvre évidemment. MURAT revient à des textes plus abstraits. Il y évoque « L’au-delà » tout en s’amusant à énumérer tout ce qui fait notre bonheur « Ici-bas » …
… L’au-delà …
« J’avais fait le job
Je rentrais chez moi ».
(…)
« J’allais au Servière
Me rafraîchir le Moi,
Ma première framboise
J’allais savourer ».
(…)
***
Le bonheur ici-bas, souvent c’est une femme qui vous le donne … En cette année 2002, le bonheur de MURAT a pour nom Laure … Le Jean-Louis et sa mie aiment l’Italie et Rome sa capitale …
… Foule Romaine …
(…)
« Tes baisers ma mie
Tes gestes de reine
Tes orgasmes doux
Comme on aime ».
(…)
***
MURAT est un jouisseur, mais ne peut jouir qu’en donnant du plaisir …
… Libellule …
(…)
« Mais il faudrait au moins
Tenir le bonheur par la queue
Dites le, les filles
Oh, dites-le.
Les filles aux dernières
Nouvelles qu’on a
Il vaut mieux jouir ici-bas ».
(…)
***
MURAT affectionne les voyages imaginaires … partir, puis revenir …
… Le monde intérieur …
(…)
« On voudrait partir sur le chemin
Voir le monde d’en haut
Laisser sa rumeur dans le lointain
Quitter lunettes et chapeaux
Quitter tout
Quitter l’âme et voyager ».
(…)
« On voudrait être fourbu
Pour le grand tintouin
La plongée vers l’inconnu
Vers le grand rien
Quitter fissa idéaux
Quitter tout
Quitter l’âme et voyager ».
(…)
Sur cet album, le son des guitares est privilégiés par rapport à la rime, la musique est plus importante que les mots. D’ailleurs, MURAT revendique davantage le terme de musicien que celui de poète.
***
« Lilith » (2003)
Cet album est un hymne à la femme rebelle, une ode à la vie …
… Tant la vie demande à mourir …
(…)
« Tant la vie demande à aimer ».
(…)
« Tant la vie demande à rêver ».
(…)
« Tant la vie demande à jouir ».
(…)
« Je ne peux aimer mourir ».
***
MURAT nous conduit en pays de plaisir …
… Se mettre aux anges …
(…)
« S’accomplit le désir
Par la gent féminine
Par la bouche qui suce
Au salut de nos âmes.
En stricte intimité
Sous ta peau de faïence.
Hé ! Gardes les yeux clos
On va se mettre aux anges ».
***
L’amour d’une demoiselle est toujours source d’émerveillements … On s’y brûle …
… Qui est cette fille …
« Qui est cette fille, d’où vient cet émoi,
Ce diamant qui brille à l’entrecuisse de la joie ?
Qui est cette fille, quel est cet amour
Que je déshabille dans l’ombre épaisse de la tour ? ».
(…)
« Qui est cette fille, l’humide secret
Que je déshabille dans la pénombre de Juillet ? ».
(…)
***
Suivent plusieurs albums : « Parfum d’acacia au jardin » (2004) – « A bird on a poire » (2004) – « Mockba » (2005) qui sont de la même veine. MURAT s’interroge sur le sentiment amoureux, la vie, la mort … La réponse à toutes ces questions, il nous la fournit dans cette chanson extraite de « Mockba » …
… Arrête d’y penser …
« Comment se dire
Comment aimer
Comment partir ? « .
(…)
« Comment sourire
Comment prier
Comment s’enfuir? « .
(…)
« Comment mourir
Comment céder
Comment partir
Sans rien regretter ? « .
(…)
« Arrête d’y penser ! ».
***
« Taormina » (2006)
Cet album constitue une paranthèse importante dans la carrière de MURAT. Le chanteur y retrouve une certaine simplicité dans l’écriture. Sa plume est moins abstraite. L’Auvergnat marqué par plusieurs deuils nous délivre un formidable …
… Caillou …
« Tout ce qui mène au tombeau
Ici bas devient beau,
Fais la mélancolie
Des gens de ce pays ».
(…)
Derrière chacun des mots de ce nouvel opus, on sent poindre une profonde nostalgie. MURAT est un heureux papa. Dans ce cas, les jours passent toujours … trop vite !
***
« Tristan » (2008)
Ce disque est un hommage aux troubadours, à une époque hélas révolue. La plume de MURAT s’adapte parfaitement à cette écriture « bourgeoise ». J’en veux pour meilleur exemple le single « Tel est pris », chanson décriée, mais au verbe remarquable. C’est un plaisir que de lire …
… Tel est pris …
« S’en vont mes mots tous en vain jetés au vent
Tant se languit ton trop royal servant.
Maigres amours finiront toutes en chansons,
Cruel amour par tes cruelles façons ».
(…)
« Mon coeur d’hiver tremble encore sous ta prière,
Par devant toi, j’oubliais tant ma misère ».
(…)
« Demeure close, tombe grêle à tes tétines
Cruelle chose au pressoir cruelle fille
Tu m’as donc fait si insensé, si furieux
Vaine crevasse que j’en insulte les cieux ».
(…)
***
« Le cours ordinaire des choses » (2009)
Direction Nashville pour l’enregistrement de ce nouvel album comportant onze titres. L’écriture de MURAT se fait plus précise, concise. L’Auvergnat n’est plus en phase avec son époque. Il le dit dans ses chansons …
… Comme un incendie …
(…)
« Au royaume
Ou tout fabrique
Du faux ».
(…)
« J’invoque ta substance
Dans ce purin d’idéaux
Ou tout fabrique des sots ».
(…)
« Le cours ordinaire des choses me va
Comme un incendie ».
***
Malgré ce constat pessimiste, MURAT trouve dans l’écriture et la chanson des raisons d’espérer …
… Chanter est ma façon d’errer …
« Chanter est façon d’être au monde
Chanter est ma façon d’aimer
Mon coeur est sorti de la ronde
Chanter est ma façon d’errer ».
(…)
« Chanter est façon d’être nu ».
(…)
« Chanter est façon d’être en haut ».
(…)
« Chanter est ma façon d’errer ».
***
« Grand lièvre » (2011)
Dix titres constituent ce nouvel et dernier album. MURAT s’y livre comme jamais. Il nous parle de ses aïeux qui ont fait la guerre. Il aborde le sujet difficile de la perte de mémoire. Justine et son petit frère Gaspard ont grandi. Ils sont en âge de poser des questions. Conséquence : plus de mots susceptibles de choquer, une écriture belle et simple en définitive …
… Qu’est-ce que ça veut dire …
(…)
« Si ma terre est nostalgique
Et si le ciel est boueux
Que vaut l’éclat d’un regard ?
Qu’est-ce que tomber amoureux ?
Nu
Nu depuis la nuit des temps ? « .
(…)
« La vie est une beauté
Merveilleux d’être en vie ».
(…)
« Mais enfin
Qu’est-ce que ça veut dire ? « .
***
MURAT, mis à l’écart par les médias, homme public, tellement solitaire, a de plus en plus de mal à faire face à ses propres antagonismes …
… Je voudrais me perdre du vue …
(…)
« Je voudrais me perdre de vue
Connaître les mouvements requis
Ne plus être contraint de vivre
Au rythme dolent de nos jours ».
(…)
***
« Toboggan » (2013)
C’est couvert d’un chapeau de cow-boy, chevauchant la bicyclette d’un de ses héros favoris, chaussé de savates de sioux … au détour d’un virage que nous apparaît MURAT. Son écriture est … « Belle » …
… AMOUR N’EST PAS QUERELLE …
(…)
Que veux-tu déchirer
Au compte de mes ans
Que je perde courage
Que je meure en t’aimant ? ».
(…)
« Jamais un cœur ne change
Il faut monter plus haut
Sur cette étrange terre
Parmi les animaux.
Aimer c’est être aimé
Amour n’est pas querelle
Renforce-moi le cœur
De couleurs immortelles ».
Au détour de ces dix chansons on s’aperçoit que MURAT fait preuve d’une pudeur inhabituelle. Pas de « muscle dur » ou d’autres allusions … sibylline … sans doute pour échapper aux fourches caudines d’une Justine à l’affût de tout. Mais c’est mal connaître le bougre qui donne à présent dans la contrepèterie … MURAT s’y vautre avec malice …
***
« Babel » (2014)
« Babel » ? Un double album de vingt chansons d’une vraie beauté. Avec « Frelons d’Asie » on grimpe aux cimes. On y retrouve le dernier souffle d’un père. A la première lecture, on est loin de soupçonner toute l’intensité, la gravité et la noirceur des textes de MURAT. On n’y comprend rien et l’on se raccroche à la musique fort belle des « Delano ». Pour espérer saisir les mots de MURAT il est indispensable de le lire et de le relire. Dans cet album la mort rôde de partout. C’est celle du père déjà évoquée. Ce père qui trop tôt a « défait le lien », quitté la campagne pour la ville, funeste trahison. Dernière visite aux « Ferrandaises » … « dernier cri ». C’est aussi le lent et inexorable déclin d’un monde qui s’en va. C’est l’optimisme de Justine et Gaspard qui s’en donnent à cœur joie sur « Camping à la ferme » où déambulent les « dinosaures » …
La mort du père libère la parole de Jean-Louis BERGHEAUD. La plume de l’auteur ose des mots terribles : « Ce vaurien, mérite pas son nom ». Des parole, des pleurss qui ont accompagné l’enfance de Jean-Louis BERGHEAUD et le poursuivent encore. Il est même un titre qui dit « Entravés », se poursuit par ce questionnement : « Pourquoi chanter maman ? » et trouve son épilogue par cette réponse lapidaire : « ça je ne sais » . Il est des plaies qui ne se referment jamais !
Oh surprise, ces vingt chansons recèlent des trésors d’invention pour parler d’érotisme plus que de sensualité. C’est ainsi que : « La fée des eaux/Vienne à la faille ». L’âge aidant, il faut bien se rendre à l’évidence … c’est : « le blues du cygne » … une autre façon d’évoquer le chant de cet oiseau à l’heure de mourir. Pour autant, n’en doutons pas, il reste de belles heures au coq BERGHEAUD qui trône à DOUHARESSE et ses alentours.
***
Ajout le 27 juin 2016 …
Le 15 avril 2016 « Morituri » nous est donné. MURAT nous parle de l’air du temps. Notre monde semble avoir perdu la tête. Les meilleurs juges de nos comportements suicidaires sont encore les animaux … La jument interroge : « Mon Dieu/Que tu es méchant/Quel malheur/Pour les enfants/Non tu manques/De jugement/Interroge la jument ».
Dans nos campagnes c’est la désolation : « Le boucher s’est pendu/A ce qu’on dit/Hier au coin de la rue/Derrière la mairie » (…)« La boulange s’est foutue/Ca ne tient pas/Les braves gens ne viennent plus/On ne sait pas pourquoi ».
Voilà qui ne donne pas le moral. MURAT n’échappe pas à la morosité ambiante. Il nous chante : « J’ai eu le cafard/C’te beauté fatale/Pour les gens paumés » …
Cet album dont les mots sont admirables ne sera suivi d’aucune tournée. Les temps sont difficiles pour tout le monde. Plus encore pour les saltimbanques. Selon ses propres dires MURAT n’écrit plus de chansons. Le temps est aux interrogations …
***
Je viens de découvrir ton site (que je met de suite dans mes favoris) et vraiment je suis impressionné par le travail que tu as fais sur jean louis. Je suis un inconditionnel depuis ces début,je vais le voir a tout ces concerts dans la région et je discute toujours avec lui après,c’est un mec très abordable et sympa.Je suis sans cesse a la recherche d’inédits,et sur ton site j’en ai trouvé pas mal.Merci pour cela, continu comme ça, les fans de jean louis, on besoin des passionnés comme toi.Encore bravo!!!
Coucou Didier!
Tu dis au début de cette page que JLM ne dit jamais je t’aime dans les chansons. Il ne le dit pas souvent certes, mais pas mal de chansons sont des je t’aime. L’album le plus empreint de ce je t’aime permanent est certainement A Bird on A poire.
D’autre part, contrairement à ce que tu affirmes, plusieurs chansons de différents albums ont « je t’aime » dedans. Les premières qui me viennent à l’esprit sont:
- Au Mont Sans-Souci (où JLM précise qu’il aimait déjà dire je t’aime)
- Baby Carni Bird (là c’est une fille Mélanie qui dit je t’aime)
- Elle était venue de Californie (sur l’album A Bird on A Poire) où aussi bien Jennifer Charles que JLM se disent je t’aime.
Et je pense enfin à la chanson « Au dedans de moi » où JLM précise « qu’il est bon de dire je t’aime » et à la chanson « Caillou » où JLM dit aussi » ne pleure pas, Caillou,je t’aime ».
Il y en a peut-être d’autres…je ne t’ai donné que les chansons qui me revenaient en mémoire et où j’avais remarqué ces « je t’aime ».
Ensuite sur l’écriture des débuts, elle est certes très autobiographique, donc assez difficile à décrypter mais aussi déjà liée à la littérature, que ce soit dans le vocabulaire ou certaines expressions. Ce lien récurrent à la littérature et à la culture en général fait partie avec les références régulière à la nature (monde végétal et animal) de sa marque de fabrique artistique au plan textuel.
Sa conception de l’amour, c’est celle de sa génération et c’est celle d’un homme qui a suffisamment été libertin dans sa jeunesse pour comprendre que donner du plaisir sexuel aux femmes permet d’obtenir un plaisir sexuel d’homme plus grand, plus complet et qui dépasse ce seul cadre, va jusqu’à alimenter également l’amour au quotidien. Ce n’est pas macho comme vision, mais une vision plutôt féministe, progressiste qui l’honore.
Mais JLM est encore très marqué par la domination masculine, donc s’il a compris via sa propre expérience sexuelle libertine et citadine, la nécessité d’une égalité hommes-femmes dans le plaisir sexuel, il ne l’a pas encore admise ou plus difficilement dans le couple et dans la vie au quotidien.
Pour deux raisons:
1/ Parce qu’il a été élevé à la campagne où la domination masculine fait force de loi et il y est resté vivre à l’âge adulte. S’il avait plus vécu en ville, il aurait peut-être autant évolué sur ces questions que sur le domaine de la sexualité.
Et 2/ parce que sa génération n’a pas été au bout de sa métamorphose pour se différencier de ses aînés après 1968. Hormis la libération sexuelle de cette époque, les jeunes révoltés de mai 68 sont devenus des adultes très rangés et aussi bourgeoisement installés et machistes que l’étaient leurs aînés alors qu’ils souhaitaient initialement se définir différemment.
C’est pourquoi JLM est aussi paradoxal dans ses chansons. Il a fait une partie du chemin qui l’a fait sortir un petit peu du machisme via la libération sexuelle mais il n’a pas pu aller au bout de la démarche.
Je constate cette situation chez pas mal d’hommes de sa génération. Qui ont beaucoup évolué dans leur jeunesse dans leur approche de la sexualité et leur approche amoureuse des femmes (grâce à la libération sexuelle de la fin des années 60-70 qui correspondait à leur prime jeunesse où ils ont découvert que les femmes pouvaient jouir et que c’était chouette pour un homme de les amener à la jouissance) mais pas suffisamment pour en finir pour autant avec des conduites et des propos machistes dans leur couple, dans les rapports sociaux et au plan professionnel.
La connexion entre le plaisir sexuel des femmes et la reconnaissance pleine et entière des femmes en tant qu’individus égaux aux hommes a encore du mal à se faire parce que le pays est encore très marqué par le machisme que ce soit en politique ou au plan économique.
L’évolution traîne car la plupart des décideurs politiques, économiques du pays sont encore majoritairement des hommes, parfois très âgés qui ne veulent absolument pas voir une société où le pouvoir économique et politique serait équitablement partagé entre les hommes et les femmes.
Et puis je crois que la société imprime encore dans trop de têtes masculines et féminines dès le plus jeune âge que l’ordre du monde dépend du contrôle des femmes par les hommes.
Tant que le monde sera persuadé de cela, il n’y aura pas moyen de progresser beaucoup sur ces questions.
Et pourtant chaque homme, chaque femme mesure au cours de sa vie, à un moment donné ou à un autre, l’absurde de cet exercice de contrôle et de pouvoir masculin qui aliène et violente autant les deux sexes et les empêche de s’aimer et de se comprendre et de se rejoindre sur la durée.
JLM a bien compris que l’amour véritable, la rencontre humaine amoureuse n’a rien à voir avec le pouvoir, la possession. Mais il n’arrive pas à mettre en pratique ce constat qu’il a fait en dehors de l’acte sexuel.
Dans la vie ordinaire, il a besoin de revendiquer un discours machiste, de plus en plus violent à mesure qu’il vieillit, comme s’il en avait un besoin vital pour se définir homme au sens masculin du terme.
De ce fait, il montre que l’identité masculine sociale se construit encore malheureusement beaucoup sur l’oppression et le contrôle des femmes.
Et donc le fait que les femmes puissent sortir d’une dépendance économique, sociale aux hommes, constitue une menace pour l’identité masculine.
En tant que femme, l’identité d’un adulte homme ou femme m’a toujours paru reposer non sur des questions de domination d’autrui, non sur des luttes de pouvoir d’un genre sur l’autre mais sur un commun désir d’indépendance, un commun désir d’autonomie physique, psychique, affective et matérielle, un commun désir d’équilibre et d’épanouissement personnel et relationnel. Mais bon, c’est peut-être une vision trop féminine et féministe, trop idéaliste des identités humaines adultes…
Peut-être aussi que ma génération peut plus dire ça que celle de JLM parce que tant l’éducation scolaire que familiale a évolué par rapport à l’époque où lui a été enfant et ado…
Toi qui es de la génération de JLM, Didier, est-ce que tu es aux prises avec les mêmes difficultés que JLM vis à vis de ton identité masculine et du rapport hommes-femmes ou alors est-ce que tu as l’impression d’avoir sauté le pas que JLM n’a pas osé faire?
Salut Muse …
Voilà un commentaire d’une densité à nulle autre pareille. Perso. je suis quelqu’un de très « normal » et ne perçois le bonheur y compris sexuel qu’au travers de la fidélité. C’est aussi simple que celà. Sans doute que ça fait ringard mais j’en suis là.
Sincères amitiés.
Didier.
Dernière publication sur : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...
Coucou Didier! Merci pour ta réponse.
Qu’est-ce que tu entends par « normal »?
J’aimerais comprendre ce que veut dire ce mot pour toi en terme d’identité humaine.
Deux autres chansons où JLM dit je t’aime: l’heure du berger et est-ce bien l’amour? dans l’album Taormina.
Bonjour Didier,
Puisque tu aimes bien prolonger/actualiser/réviser tes articles, je me permets de te suggérer de reconsidérer ce passage :
« Bien plus tard, un journaliste n’aimant pas l’artiste et l’auteur reconnu qu’il est devenu dira de lui : « C’est le dernier des punks ». Ce terme étant employé de façon péjorative … (Période 2002 Le Moujik). »
D’une part parce que si, dans l’article en question, l’auteur ne traite pas JLM avec la complaisance que certains lui réservent parfois (et que Murat, à ma connaissance, n’a jamais réclamée), il ne manifeste en revanche aucune détestation de son travail. Et quand il écrit : « bravo, mec, tu es le dernier des punks ! », je ne crois pas que le mot punk soit le moins du monde péjoratif sous sa plume…
D’autre part, l’auteur en question vient de réaliser (en 2016) une intéressante interview de JLM dans « So Film », où il ne se montre à aucun moment hostile envers lui. Tiens, pour t’aider à regarder Jean-Vic Chapus avec un œil plus favorable, je te conseille la lecture de cet entretien un peu long, mais très intéressant sur le plan humain, dans lequel il retrace son parcours : http://gonzai.com/profession-rock-critic-25-jean-vic-chapus-sexe-mensonges-journalisme/ . Cet homme au physique de gros nounours ne mérite assurément pas ton antipathie.
Cordialement,
Matthieu
Salut Matthieu,
Pour ce qui me concerne j’ai trouvé ce commentaire « punk » dans les archives de la Dolo …
Je reconnais après lecture que JVC est quelqu’un d’intéressant … il est « punk » et moi j’aime bien … A aucun moment je n’ai éprouvé d’antipathie à l’égard de ce gros nounours que je connaissais pas. Le connaissant, j’en ai encore moins … J’aurais même de la sympathie !
Pour autant je suis conscient que tout nous sépare : ses origines mi bourgeoises ou tout est + facile … Moi je n’ai pas connu ça … chez nous à la campagne il n’y avait que des interdits, que l’on respectait … C’était une autre époque ! Bien à toi Que deviens tu ???
D
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