- 41 – Jean-Louis MURAT … une oeuvre !!!
Le 1er mai 2005 MURAT, parlant de PROUST déclare au magazine « Lire » : « J’ai passé une dizaine d’années avec un de ses livres à portée de main ». Il est fort probable qu’il s’agisse de l’oeuvre de PROUST : » A la recherche du temps perdu » qui se compose de 7 tomes. Le travail de PROUST aura fortement marqué MURAT. Au point qu’il ait fait de CABOURG l’un des seuls endroits où il aime se retrouver hors sa terre auvergnate. Le hasard a même voulu qu’il y soit un certain 11 septembre 2001, jour où le bêtise humaine a atteint son paroxisme.
Marcel PROUST n’a cessé d’aller chercher dans son enfance, les explications à tous ses maux. PROUST et MURAT n’ont que peu de choses en commun. Le premier est issu de la haute aristocratie. Le second est petit fils de paysan auvergnat. Le seul lien « visible » qui les unisse est celui de l’écriture. PROUST a donné à MURAT le goût de la belle écriture. Pourtant l’un et l’autre n’ont jamais réussi à s’extirper des jours heureux où ils étaient enfants. Le premier couvert de tendresse et de cadeaux par mère et grand-mère. Le second élevé dans la rudesse et l’amour par un grand-père ivrogne et une grand-mère qui avait toujours une chanson aux bords des lèvres.
Chez PROUST et MURAT, dans leurs écrits, tout ramène à l’enfance … les odeurs, les fleurs, les malheurs, les bonheurs, les animaux, les labours, les ruisseaux, les champs, les amours, les désamours …
Pour MURAT ce phénomène semble plus important encore que chez l’écrivain « dandy » mi parigot, mi normand. Le chanteur poète Auvergnat s’est nourrit de l’oeuvre de PROUST.
MURAT n’est jamais sorti de l’enfance. En 1991 il déclare à Christian FEVRET : « Comme beaucoup de gens, j’essaie de réaliser mes rêves d’enfance. Et souvent, c’est l’enfance elle-même que j’essaye de retrouver ». En 2002 il révèle à Jean THEFAINE : « J’étais un petit garçon heureux et rêveur« .
Pour « CHORUS« (n° 6 hiver 93/94) MURAT déclare à Annie MORILLON : « J’ai toujours pensé qu’une vie réussie, c’est une vie qui réalise les rêves de son enfance : les miens je les garde pour moi, parce que c’est foutu dès qu’on en parle ».
En septembre 2006 au magazine « Muse » Jean-Louis MURAT déclare : « J’ai beaucoup tenté, bougé tout le temps, fait les poubelles pour revendre ce que j’y trouvais. Nulle part je n’ai ressenti la sensation de plénitude de ma terre d’enfance. Je suis donc retourné dans le bain des jours heureux. Quand j’étais gamin, je regardais des western et leurs ranchs ! Mes racines ce sont les cow-boys, une paysannerie de légende ».
MURAT se rend rapidement compte qu’il ne sera jamais un chanteur populaire (en terme de chiffres de vente s’entend …). Il déclare même : « Je ne cherche plus le succès, je me fais une discographie ».
Le 19 août 2006 c’est Alexandre FILLON pour « le Figaro Magazine » qui pronostique : « MURAT manie la langue comme personne, bâtissant un univers littéraire à la fois classique et inclassable ».
A l’instar de PROUST il est indéniable que MURAT veut laisser derrière lui … UNE OEUVRE … qu’il lèguera à ses enfants … aux générations futures. Cette oeuvre sera d’abord littéraire et poétique. Il y aura un moment où tout le monde reconnaîtra l’immense talent de MURAT. Les hommes de talent ne sont pas légion dans notre pays ! Il est vrai aussi que LA FRANCE n’aime pas les gens talentueux qui ont l’outrecuidance de la regarder droit dans les yeux !
« A la recherche du temps perdu » se décline en sept tomes. L’oeuvre Muratienne se décline en 4 périodes :
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Les années 77 à 89 (pré-Cheyenne) :
Les paroles de ces chansons gagnent à être relues. Elles sont superbes. Elles parlent d’un jeune homme perdu qui désespère de trouver sa place dans la société … « Je traîne et je m’ennuie » … Il nous y chante aussi des amours torrides à Paris …
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De Cheyenne à Dolorès.
MURAT est de retour sur ses terres auvergnates … il nous chante ses … « Amours débutants » … ses montagnes … ses rivières … C’est sans doute la période où PROUST est le plus présent dans l’oeuvre Muratienne.
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De Murat Live à Lilith via Mustango … (y inclure le trityque : « Mockba/1829 et Parfaum d’acacia) :
Marie est partie, Laure va ouvrir d’autres horizons à Jean-Louis qui a décidé d’être plus indulgent avec lui-même. Marc RIBOT lui a fait comprendre qu’il se devait d’avoir confiance en ses talents de musicien … Jean-Louis se donne aux tournées … Il nous démontre qu’il est un interprète musicien à nul autre pareil …
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De Taormina à plus soif :
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Jean-Louis est à nouveau papa … Justine puis Gaspard vont lui conférer d’autres responsabilités. La mort fait son apparition dans l’entourage du couple. Emile est parti … Jean-Louis se sent de moins en moins bien dans cette société où la médiocrité est de mise …
MURAT (le prof d’histoire qu’il voulait être) nous aura permis, chemin faisant, de rencontrer Colin MUSSET … Madame Deshoulières … (des troubadours aux dames de la cour) … Pierre Jean DE BERANGER … le chansonnier Pierre DUPONT … et bien d’autres encore …
MURAT a très peu parlé de l’ambition qui était la sienne … celle d’écrire non pas des chansons, mais un ensemble de chansons, le tout constituant une oeuvre. Trop de modestie ? Je ne pense pas. Je ne suis pas certain qu’il soit modeste. Il est fier, trop fier ! C’est ce qui apparait dans une interview accordée en 2005 au magazine « Télérama » où il déclare :« L’autre jour, je regardais le Tour de France, vautré dans mon canapé, et en écoutant les commentaires de Jean-Paul OLIVIER, j’ai réalisé que la France était belle. Alors j’ai repensé au projet de Sufjan STEVENS de consacrer un album par Etat et je me suis dit que ce serait une bonne idée de faire la même chose en France : il n’y a pas de raison qu’on fasse moins bien que ces cons de Ricains ». (…) « Je me donne 5 ans, le temps d’un quinquennat de Chiracouille molle pour mener à bien ce projet ». (…) « J’ai déjà des chansons toutes prêtes de mes précédents albums (Col de la Croix Morand et Montagne pour l’Auvergne, la lune est rousse sur la Baie de Cabourg pour la Haute Normandie, nu dans la crevasse pour les Alpes (Val d’Isère, la piste oreiller Killy), Vaison la Romaine pour la région PACA). Je tiens à laisser une trace dans l’histoire de la musique, à constituer une oeuvre forte, pleine, entière, qui soit une photographie précise et synthétique de la France du XXIème siècle, comme ont pu le faire ZOLA et BALZAC pour la France du XIXème siècle« . (…) « Cette oeuvre monumentale sera mon dernier testament à ce pays de merde« .
Dans ce même article MURAT nous parle de Sufjan STEVENS ce chanteur US né en 1975 à Détroit dans le Michigan. Son prénom est d’origine Arabe. Multi instrumentaliste, il excelle au banjo mais joue également de la guitare et du piano. En 2003 il sort un album « MICHIGAN » qui nous parle de son pays d’origine. En 2005 il récidive avec « ILLINOIS ». Le chanteur ayant exprimé l’intention d’enregistrer 50 albums, un pour chaque état américain, MURAT déclare : « Les similitudes sont nombreuses avec l’enfance de Sufjan STEVENS. Quand j’étais gamin, j’allais pêcher avec mon père sur le Lac Chambon au petit matin : on se croyait dans le film « Au milieu coule une rivière ». Ma fascination pour les Etats-Unis (Mustango) a commencé par là ». (…) « Certaines chansons de l’album AUVERGNE sont déjà écrites : « Mont Gerbier de Jonc (je te gerbe dessus) « l’autre jour, je me promène sur le Mont Gerbier de Jonc, aux sources de la Loire, à cet endroit, La Loire n’est qu’un petit ruisseau d’eau claire … j’ai vu une vache pissser dans le ruisseau et à ce moment là j’ai réalisé que deux mois plus tard, la pisse de cette vache tomberait dans l’Atlantique. Suc de Montfol (je te suce comme une folle), Mont Mezenc, pointe de Bretagne (le mont Mezenc est une anomalie dans le paysage d’Auvergne : rien que le nom ça sonne Breton (à croire que MIOSSEC est venu pisser sa bière jusqu’ici), IVGE (interruption volontaire de Giscard d’Estaing) Vulcania, les seins de Micheline (sont aussi gonflés qu’un bonhomme Michelin), Deux Verges, Chaude Pisse et Gorges de la Truie Yère (près de Chaudes Aigues), le Puy Mary (ou Puits de Marie) : j’aimerais y entrer au plus profond. Duel au sommet (l’autre jour en regardant les grands duels du sport sur Arte, j’ai revu le duel Anquetil Poulidor en 64 sur l’ascencion du Puy de Dôme). Ca m’y a fait penser ».
Les extraits de cet article sont intéressants à plus d’un titre, ils révèlent l’ambition secrète de MURAT … ils nous informent (très vraisemblablement) de titres déjà écrits mais figurant sans doute dans les cartons du chanteur Auvergnat. (voir les appellations en couleur orange) ???
Le 25 mars 2013 l’album « Toboggan » est dans les bacs. Dans les colonnes du magazine « Rolling Stone » (mai 2013) le chanteur Auvergnat confie : « Sur la longueur, je voudrais que l’on puisse écouter mes albums année par année, qu’ils rendent compte de la difficulté d’être et d’un certain déséquilibre culturel, partagé entre DYLAN et RIMBAUD ou Neil YOUNG et VILON. Comme si notre paradis imaginaire se trouvait quelque part dans le Middle West … ».
Le 29 mars 2013, dans les colonnes du journal « La Dépêche » MURAT se confie à David CHAPELLE : « Même si c’est très prétentieux, je suis plus à faire une œuvre. Chaque disque est une pièce du puzzle qui aura du sens qu’à la fin, au moment de mon dernier disque ». Le journaliste renchérit : « Vous risquez d’être compris et reconnu comme un très grand après coup ? ». Réponse : « Oui, je serai mort. En France c’est général. Déjà STENDHAL disait : « je serai connu en l’an 2000″. C’est un phénomène typiquement Français, des vieilles civilisations, des vieux pays. Vois, je suis dans une vieille langue, un vieux pays ou souvent on reconnaît les gens une fois qu’ils sont morts. Si la reconnaissance doit venir, je sais très bien qu’elle ne viendra pas de mon vivant. Il faudra que je continue à galérer pour chaque disque, chaque tournée ».
Le 21 octobre 2013 dans les colonnes du journal « L’Alsace » MURAT confie au journaliste Olivier BREGEARD : « J’espère chanter quelque chose qui me ressemble, pour former une discographie qui me ressemblera à la fin… ».
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Merci Monsieur Jean-Louis MURAT de tout ce que vous nous apportez.
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Ajout le 13 juin 2016 …
Le 15 avril 2016 « Morituri » est dans les bacs. Cet album évoque dixit MURAT « ceux qui vont mourir ». L’artiste qui sait combien les temps sont difficiles, ne se fait pas trop d’illusion, il pense avant tout à lui-même, à son œuvre. Dans un coin de sa tête son « bon sens » lui dit qu’il est temps de passer à autre chose, de plier les gaules, d’aller voir ailleurs. Le temps n’est plus aux saltimbanques, aux diseurs de mots … Le temps est à la guerre, aux gens sans scrupules, aux bonimenteurs, aux voleurs, aux médisants. Sur le blog « Pils » tenu par Richard BEAUNE le chantre Auvergnat déclare le 11 juin 2016 vouloir : « partir élégamment ». Je pense qu’il faut le prendre au sérieux. MURAT est las de tant de faussetés, de méchancetés … MURAT nous laisse une œuvre admirable et nous dit : « J’ai eu le cafard /C’est quoi le cafard/Difficile à dire/C’est comme un buvard/Qui te boit la joie/Te prépare au pire ». MURAT le « French lynx » nous dit aussi : « Tu sens comme tout de toi/Ne prend plus la lumière/Glisse sans fin vers la rivière/Dans la vie d’ici ». Alors ? « Morituri » ??? Ce titre n’est pas choisi par hasard. Chez MURAT les mots sont toujours pesés, réfléchis, ils ont un sens. C’est ainsi qu’on crée une œuvre qui saura passer l’épreuve du temps. Le titre « Morituri » contient cet aveu : « Marre de ce voyage » … Tout est dit ! Je ne sais le temps que le Bon Dieu voudra encore m’accorder. Je sais déjà que pour chacun de ces jours, je lirai MURAT … le faisant j’ai l’air d’être moins con, il me semble surtout qu’il n’y a pas que des « méchants » autour de moi. Alors tout serait donc fini ??? Avec MURAT on ne peut être sur de rien. Celui qui se décrit « Equidistant » soit à égale distance entre « la blague et le sérieux » est toujours susceptible de faire volte face et de nous réserver des surprises. Je n’y crois pas trop. MURAT a trop critiqué les « vieux cons » toujours sur le retour, qui nous resservent la même « soupe », pour se comporter de la même façon. MURAT n’est pas l’homme de la dernière tournée. MURAT est resté un paysan, il a le sens de la parole donnée …
MURAT c’est une œuvre …
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http://didierlebras2.unblog.fr/
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oh oui, merci pour cette si belle oeuvre cher Jean-Louis! et pour ce qui suivra…
Bonsoir Acacia …
Je vais dire comme Pierrot … Tu es … « ma lectrice »
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Bonsoir Didier,
tu peux me compter parmi tes autres lecteurs, parfois de passage, ne sachant point quel mot ajouter à tes investigations poussées.
L’oeuvre protéiforme de Jean-Louis Murat souffre de nombreuses interprétations. Il en va de sa richesse comme de son ambivalence.
Aussi permets moi juste de t’adresser un petit mot de remerciement, Didier, pour la transmission que tu as su effectuer lors des nombreux voiles soulevés.
L’essentiel de tes nombreux lecteurs pensera certainement de même, du plus néophyte à l’amateur éclairé.
J’ajouterai enfin qu’il est bon de rencontrer quelques amis en cette muratie, ce paysage bien réel, baigné d’une philosophie amoureuse profonde pour la vie.
Cédric
Cher Cédric,
je n’oublierai jamais que tu as été le 1er à m’encourager et à m’apporter ton soutien lorsque ce Blog s’est ouvert.
J’ai beaucoup appris … Murat m’a tellement apporté !
J’espère qu’il pass’ra bientôt à Nantes, ce qui me permettra de te voir.
Sincères amitiés.
Didier.
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Je continuerai à lire et écouter, au fil du temps « à la recherche de Murat perdu ».
Avec toi et par tes mots Didier, les siens, où je me plonge et me retrouve comme toujours dans un cocon protégé. Petite musique de nuit & de jour mélangée à mes souvenirs, ma mélancolie, ma vie.
Jean-louis je l’aime un point, ton univers aussi.
Merci Didier. ♥
Petit roseau plie mais ne rompt pas !
Amitiés.
D
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Même si le vent souffle
Bises ♥
Même si …
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