- 24 – … Le fou d’amour …
Un article est déjà consacrée à cette belle mystérieuse … Isabelle LE DOEUFF poétesse amateur non dénuée de talent puisqu’invitée par Patrick Poivre d’Arvor à l’émission « Ex Libris ».
Bretonne comme son nom l’indique, elle élit domicile à Marseille. Le 2 mars 2000 JLM est en concert dans cette ville. Isabelle est aux 1ères loges. Au pied du podium elle dépose un recueil de poèmes qu’elle a écrit « Le Fou d’amour » enregistré à la Sacem (édition très limitée). MURAT est séduit par cette écriture, il en fait 11 chansons et adresse ce CD unique à la jeune poétesse. Les membres de la « Dolo » ont vent de cette histoire. Des copies circulent sous le manteau. Je ne sais combien de personnes ont eu le privilège d’écouter ces inédits. Pas si nombreux que ça sans doute … Ci-dessous la pochette confectionnée par un membre talentueux de la « Dolo » aux fins d’audition entre « initiés » !
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Recto …
Isabelle LE DOEUFF vit actuellement à Marseille sous un autre nom. Son activité lui permet de voyager dans le monde entier. Elle n’a pas gardé de relations avec Jean-Louis MURAT mais en conserve un très bon souvenir. Par mail elle m’a confirmé que l’intention de Jean-Louis était bien de faire un pendant « moins aristocratique » … à Madame DESHOULIERES. Hélas les maisons de disque ne l’ont pas entendu de cette oreille …
Isabelle Le Doeuff …
Dans une interview parue du Rock’n'France.fr le 19 août 2004 MURAT est interrogé sur cet album d’inédits :
Question : Pouvez-vous me dire où se trouve ce disque que vous avez réalisé en compagnie d’une poétesse inconnue du temps de Madame Deshoulières ?
J.L.M. : Je l’ai mis sur le net donc les fans doivent l’avoir. J’ai déjà beaucoup de problèmes avec ma maison de disque, par exemple, j’ai deux autres disques de prêts, et je ne peux même pas en sortir un au moins en décembre, comme je l’avais prévu.
En définitive, sauf erreur de ma part, ces onze titres n’ont jamais figuré sur le net. Je vous offre la chansons n° 3 … celle que je préfère …
… Perdida …
« J’avais le goût de toi
Jusqu’au fond de mon corps
Au delà de mon ventre
Tu ne t’arrêteras pas ».
« Je n’avais plus d’odeur
Juste le goût de toi
Tu dormais dans mon corps
Moi je ne dormais pas ».
***
idf1.pdf Ci-joint un scan des pages de garde de ce recueil de poèmes … actuellement introuvable ainsi que le confirme un mail qui m’a été adressé par l’auteur courant août 2010 :
« Bonjour Je vois que vous continuez à voyager sur les empreintes laissées par Jean Louis Murat et que les difficultés semblent exacerber ce cheminement.
Pour ce qui est de mon histoire avec PPDA, elle est un peu spéciale et je ne retisse volontairement pas de lien vers lui. Ce fût une riche rencontre mais comme avec les étoiles filantes ou les loups… Mélange.
Je ne suis pas étonnée que vous ne trouviez plus « LE FOU D’AMOUR ». Je ne dispose de mon côté que d’exemplaires du livre précédent, « LE VIDE ORNEMENTAL ».
(…)
La belle Isabelle n’est pas tendre avec P.P.D.A. … dont elle a été l’invitée à deux reprises sur les plateaux TV … traitement spécial ??? Il faut reconnaître que le jeune poétesse a une belle plume …
Ci dessous la transcription de l’intégralité des textes mis en musique par MURAT du 1 au 11 à l’exception du 3 déjà transcrit :
… Les monuments d’algues …
« Sur ton bateau d’ailleurs
Tu peignais sans saison
Des tableaux or et noir
Qui parlaient d’océans »
« Tu peignais jusqu’au soir
Parfois plus hauts que toi
De grands monuments d’algues
Que tu ne signais pas ».
« Souvent ces géants vagues
Se décrochaient des toiles
Emportant la peinture
Au fond des océans ».
« Alors de ton bateau
Tu regardais la rive
Et l’or de tes tableaux
Partir à la dérive ».
***
… Juste …
« Juste penser à toi
Et me tordre les doigts
Juste penser à toi
Et me mordre la langue
Juste je pense à toi
Et j’ai la langue en sang ».
***
… La goutte blanche …
« Un ciel étrange
Des noix germées
Des lys dépossédés de tige
Des haies de bois tordu
Quatre bouquets noués
En paysage … »
« Mes taches rousses pour tes joues
Mon ventre dur, mon ventre mou
Toujours la goutte blanche
Qui glisse sur ma jambe … »
***
… Le dernier regard …
« J’aime tous les regards …
Je rêve de les détourner, de les cacher loin des autres,
Dans l’ombre inaccesible d’un monde ornemental.
Mais tes regards m’échappent ou je n’accède pas …
Toujours ils m’abandonnent au milieu des nuées …
Puisque c’est ainsi, que je n’y puis rien changer,
Et bien je partirai.
Avant que je m’incline, que je te laisse aux autres,
Offre-moi tes regards, le temps d’un court encore.
De mes dix doigts, je les séparerai pour ne retenir que celui
Qui m’évite, lorsque sur tes pommettes glissent les halos
Roses qui s’étonnent de naître bien que tu t’y opposes … »
« Je suis partie sans âme
Le corps en amertume,
N’emportant avec moi
Qu’un peu, très peu de toi,
Mais bien assez je crois
Pour préserver ma peine,
Pour décupler le doute,
Et retenir, instincts Humides, au fond de moi,
Beaucoup de tes silences
Un peu de ta pensée
Un peu plus que moi-même
Un de tes regards … »
***
… Le feu, la cendre …
« Tu plonges dans ma vie
Comme une poisson d’écume.
Tu bouges dans mon corps
Comme un reflet d’argent.
Sais-tu que dans mon ventre
Tu fais des bleus, des blancs.
Tu fais le feu, la cendre
Et des perles de sang … »
***
… Le jeu des hommes …
« Puisque j’ai la peau blanche
Et l’envie d’en jouer
Que tes yeux sont immenses
Et mes sens insensés ».
« Puisque l’aube est orange
Et le lit mélangé
Joue-moi le jeu des hommes
C’est mon jeu préféré … »
***
… Le poisson …
« Tu t’étais fait pêcheur
Sans ligne ni raison
Pêcheur du bout du monde
Courbé sous l’horizon ».
« Je t’observais des heures
Au milieu des poissons
Tu leur contais les nuits
Où nous mourrions d’amour
Et les journées sans vie
Qui les suivent toujours ».
« Tu t’étais fait pêcheur
Sans ligne ni raison.
Tu t’étais fait pêcheur
Je m’étais fait poisson … ».
***
… Masculin, singulier …
« Tout au bout de mon corps
Tu te laisses glisser
Je te voyas à peine
Alors je t’inventais.
J’aimais tout de ces scènes
De tes instincts premiers.
J’aimais tout sans qu’on s’aime
de ces instants masculins, singulier ».
***
… Potier …
« Potier, voûté d’amour
Au dessus de mon ventre
J’aime toutes les formes
Que tu donnes
A mon corps … »
« Potier, oh mon potier
Tu sculptes chaque jour
L’animal aux aguets
Qui veille au fond de moi ».
« J’aime ce loup qui court
Entre les poingts d’argile
Et ce geai qui vacille
Entre tes doigts de terre ».
« Sculpté par tous tes sens
J’ai la voix du silence
Et dans ma gorge coule
Un goût de terre et d’eau ».
***
… L’adieu …
« Et puis
Comme un enfant blessé
Me perdre entre les arbres
Sur les écorces brunes
Déchirées du bois
Creuser même après l’heure
Un puits d’ombre et de terre
Pour allonger mon corps
Et mourir loin de toi »
Toutes ces chansons semblent avoir été écrites pour MURAT … J’ai posé la question à l’auteur qui n’a pas voulu y répondre …
Je ne sais pas s’il faut voir forcément JLM visé par ces écrits, mais plutôt le confident, le transcripteur de cet amour-passion immense.
Pour le vivre depuis quelques années, nous autres femmes artistes, lorsque nous aimons mais que l’amour que nous partageons avec un homme ne peut pas trouver sa réalisation officielle (pour tout un tas de raisons), nous officialisons cet amour à notre façon par une oeuvre qu’elle soit écrite ou peinte ou musicale ou théâtrale. C’est une façon de défier la souffrance, la douleur et le manque de reconnaissance. Que cet amour se perpétue ou s’arrête, nous avons besoin d’être publiquement reconnues via cet amour. Et c’est une des manières que nous avons trouvée pour à la fois ne pas mourir de chagrin, pour survivre et pour affirmer à la face du monde que cet amour est vivant ou du moins l’a été à un moment donné de notre vie, même si notre amant n’a pas voulu l’assumer.
Après…est-ce utile de demander à Isabelle si JLM était son amour? Si cela est j’imagine sa douleur toujours vive, du moins la plaie jamais cicatrisée puisque ce dernier est passé à autre chose… j’imagine aussi facilement, l’impossibilité de dire la perte qu’il lui en a coûté. Si c’est un autre que JLM qu’elle aimait, de toute façon, cela ne la regarder qu’elle seule. Et puisque l’oeuvre existe, c’est au moins que cet amour quel que soit son objet, aura été un peu connu. Et c’est peut-être tout ce qui lui importe désormais.
Comme disait Sanson dans il a tout ce que j’aime:
C’est pas pour rien que j’ai eu tant d’aventures
Je sais que jamais rien ne dure
Et c’est comme ça que j’ai forgé mon armure
Avec le temps et les brûlures
Et tout l’espoir que j’ai dans l’avenir
C’est de rester chez moi et d’éviter le pire
Et d’espérer n’entendre plus jamais
Le hurlement muet d’une famille déchirée…
Répondre à cette question quand le possible n’existe plus, c’est raviver la douleur de la blessure…
Muse … où quand la qualité des commentaires participe à la qualité d’un Blog. Merci !
Dernière publication sur : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...
Je suis de votre avis didier. La plume de cette poètesse me touche aussi en profondeur. Le choix des mots, le style et la pudeur partout. Merci! Je vais m’intéresser à elle et voir ou elle est éditée.
Yes Jean-Marc.
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Un plaisir que de partager MURAT … Merci de faire connaitre ce blog qui ne bénéficie d’aucun pub si ce n’est le bouche à oreille (et n’en veux pas d’autre) … Bon été à vous.
D
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Merci Didier de partager avec nous une belle découverte, cette poétesse. Magnifique de sensibilité, de style.