Jean Louis MURAT … « CHARLES & LEO » … 2007 …
Ce nouvel album (CD + DVD) bénéficie d’une production peau de chagrin.
- CD + DVD – Scarlett V2 Music n° VVR 1048802 – boîtier cristal – date de sortie le 01 10 2007.
Tracklisting CD : 1 Sépulture – 2 Avec ses vêtements – 3 La fontaine de sang – 4 L’héautontimoroumenos – 5 L’horloge – 6 Le guignon – 7 Le madrigal triste – 8 La cloche fêlée – 9 L’examen de minuit – 10 Bien loin d’ici – 11 Je n’ai pas oublié – 12 A une mendiante rousse.
Tracklisting DVD : 1 Réversibilité – 2 L’héautontimoroumenos – 3 Le guignon – 4 L’examen de minuit – 5 Bien loin d’ici – 6 Avec ses vêtements – 7 Madrigal triste – 8 L’horloge – 9 Je n’ai pas oublié – 10 La cloche fêlée – 11 La fontaine de sang – 12 Sépulture – 13 A une mendiante rousse – 14 Petite.
- Coffret livret + CD – Scarlett V2 Music n° VVR1048808 – CD 12 titres + édition « Les fleurs du mal » Gallimard n° ISBN 978207034894-7 Date de sortie le 11 10 2007.
- CD hors commerce - Scarlett V2-Acétate – sans n° de référence – mono-titre : « Sépulture » (2’59).
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Il s’agit d’une première pour MURAT qui ne s’est jamais mis dans la position de simple interprète. Sur ce projet il est accompagné de Denis CLAVAIZOLLE – Morgane IMBEAUD du groupe « COCOON » lui donne la réplique. « Je tenais à avoir une voix féminine. Celle de Morgane porte quelque chose de sombre, une sensualité qui aurait intrigué BAUDELAIRE ». Pour les accompagner en studio on retrouve des fidèles : Christophe PIE (batterie) – Alain BONNEFONT (choeurs) ainsi qu’une section rythmique jazz sur « l’horloge » assurée par Stéphane MIKAELIAN et Pascal FANNY.
Comment MURAT aborde ce pari … Chanter BAUDELAIRE sur des musiques de Léo FERRE, tout en restant … MURAT ???
Pour « l’Express » le 11 octobre 2007 il déclare : « J’ai mis longtemps à accepter. Ce qui m’a décidé ? Je ne voulais pas qu’un autre chanteur s’y colle à ma place ». (…) « Ni l’angoisse ni la dévotion cucul ne m’ont traversé l’esprit. Mon cahier des charges était le respect absolu de la ligne mélodique de Léo FERRE et l’assurance que l’on comprenne bien chaque syllabe.Je suis passé par une phase de transition et n’ai enregistré que lorsque je me suis approprié les chansons. Elles étaient tellement devenues miennes qu’il m’est arrivé de changer instinctivement des mots. C’était sans doute aussi une affaire d’égo : à force, BAUDELAIRE devait m’emmerder … Quand j’en ai eu assez de la formule piano-voix, épurée, très belle car marquée par RAVEL et DEBUSSY, qui habille par exemple « La fontaine de sang » ou « L’héautontimoroumenos », j’ai sorti la guitare électrique, l’harmonica et remis « L’horloge » ou « Madrigal triste » à mon goût … ».
Dans un article publié le 18 octobre 2007 dans les colonnes de « Métro » MURAT répond à cette question :
METRO : Quelle à été la plus grande difficulté ?
JLM : « De m’effacer. Etre uniquement interprète. Ça ne m’était jamais arrivé. D’habitude je compose, j’écris mes textes, je produis. Là, je n’ai fait qu’exécuter. C’est très difficile de s’autojuger quand on n’a pas la musique et qu’on n’a pas écrit les textes. Le plus difficile a été de travailler sur les chansons qui sont complètement hors des structures classiques, hors tempo, comme dans « Je n’ai pas oublié », où tout est aléatoire ».
Mais au fait, que pense MURAT du poète BAUDELAIRE ???
La réponse il la donne à « L’Express » dans l’article mentionné précédemment : « Je me retrouve en lui, comme tous les grands poètes, il parle d’amour, de mort, de dégoût de soi, de désenchantement. Pareil à VILON, à RIMBAUD, il s’en va à la luxure en se signant. Le sale côtoie Saint Jean de la Croix. Ma ferveur pour la poésie c’est ça : un cardinal d’amour extrêmement dépravé, EROS avec mauvaise conscience. BAUDELAIRE reste pour moi, le fils de Julien SOREL et de Mathilde, le petit frère d’Emma BOVARY. Il est aussi rebelle qu’eux, est mené par la passion, s’ennuie en France. C’est le dernier poète chantable. MALLARME est inadaptable. ARAGON c’est du sous BEAUDELAIRE. Je déteste PREVERT. Après c’est la dégénérescence, on arrive au néant, à GRAND CORPS MALADE … »
Sous la plume de Michel TROADEC dans le quotidien « Ouest France » le 7 octobre 2007, il est plus explicite encore : « BAUDELAIRE, c’est empoisonné, c’est toxique. (…) C’est l’homme en position d’échec . Un face à face avec les ténèbres. Et c’est la langue la plus admirable de la poésie française. La langue de tous les siècles d’avant, qu’il ramasse pour en faire un sommet indépassable ». Fermez le ban !!!
L’étude de cet album nous donne l’opportunité de nous interroger sur les moeurs de l’époque, sur la bien-pensance. Le quotidien Belge « La Dernière Heure » dans son édition du 11 octobre 2007 nous relate les difficultés rencontrées par BEAUDELAIRE avec la justice de son pays suite à la parution des « Fleurs du Mal » :
« Cent cinquante ans et toujours la même odeur de souffre. Étonnant pour des fleurs. Mais c’est qu’elles sont du mal et que c’est sous la plume du dérangeant Charles BAUDELAIRE qu’elles ont éclos, le 25 juin 1857, chez POULET-MALASSIS, éditeur parisien.Un bouquet de cent, un bouquet de sang, qui parle de spleen, d’idéal, de vins, de révolte, de mort. Et de fleurs aussi. Un livre mal accueilli par la critique, à l’exception de Barbey d’Aurevilly, qui défendra son ami bec et ongles. Mais l’article qui paraît le 5 juillet dans « Le Figaro » met le feu aux poudres et s’il offre une grande notoriété au poète, il l’envoie également devant les Tribunaux ».
« Cinq mois après le retentissant procès de FLAUBERT pour Madame BOVARY, les chefs d’inculpation qui pèsent sur BAUDELAIRE sont les mêmes : immoralité et obscénité. Mais, à l’inverse de Gustave, Charles, lui, est condamné pour « offense à la morale publique … la morale religieuse et aux bonnes moeurs ». Il aura à payer 300 Francs et se verra contraint de supprimer six poèmes. Qui ne tarderont pas à être publiés, à nouveau, en Belgique, en 1864, dans le Parnasse satyrique du dix neuvième siècle. L’écrivain est très affecté par cet échec. Petit à petit il s’enfonce dans la maladie et dans la misère. Il est couvert de dettes et ne peut faire face à ses créanciers. Aussi quand on lui propose une tournée de conférences dans notre pays, il imagine y trouver une porte de sortie. Las ! C’est lors d’une conférence à Namur en 1866, qu’il est frappé par un grave malaise qui le laisse paralysé et aphasique. Muré dans son silence, il mourra à Paris le 31 août 1867. Il repose à côté de sa mère, au cimetière de Montparnasse ».
Cette page d’histoire tournée … revenons au présent. La critique dans son ensemble est élogieuse envers ce nouvel album. Celle formulée par « Froogy’s delight » est nuancée et convient au fan … pas toujours objectif que je suis : « MURAT avait déjà repris joliment « Réversibilité » il y a quelques années. Ici c’est donc tout un album qui fait honneur aux poètes que furent dans leur genre BAUDELAIRE et FERRE. Et MURAT tient sans doute un peu du talent de chacun dans ses mots et dans sa musique. Et il le prouve en faisant siennes ces 12 chansons qui pourraient sortir du répertoire de l’Auvergnat ».
Je ne peux conclure cet article sur « Charles et Léo » sans dire un mot sur l’exceptionnelle qualité du DVD … Chapeau Monsieur MURAT ! Pour le compte de « RFI »le chanteur nous parle des conditions d’enregistrement de ce que je considère comme un joyau. Piano voix … sans public … à la Coopérative de Mai … MURAT raconte : « Ça a été éprouvant. On n’avait pas le droit à l’erreur. Ça a été fait dans l’après-midi : quatorze chansons, chantées trois fois. Je voulais un petit club. Au départ je ne voulais même pas de micro. J’ai chanté sans sono, sans rien, à l’ancienne. On avait une balance naturelle avec Denis. Le DVD, que je n’ai toujours pas vu, est crû et brut, sans aucune retouche ».
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Comme il est doux de se promener en compagnie de BAUDELAIRE – FERRE et MURAT je vous donne à lire quelques extraits « des Fleurs du Mal » … de Charles BAUDELAIRE …
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… L’horloge …
Souviens toi que le temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! C’est la loi.
Le jour décroît; la nuit augmente; souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide.
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… A une mendiante rousse …
Blanche fille aux cheveux roux
Dont la robe par ses trous
Laisse voir la pauvreté
Et la beauté
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… Petite …
(Texte de Léo FERRE et non de Charles BAUDELAIRE … )
mais c’est tellement beau que je ne résiste pas au plaisir de rajouter ces quelques vers …
Tu as des yeux d’enfant malade
Et moi j’ai des yeux de marlou
Quand tu es sortie de l’école
Tu m’as lancé des petits yeux doux
Et regardé pas n’importe où
Et regardé pas n’importe où
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… Peut-être serais-je traité d’hérétique
par quelques caciques …
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j’avais adoré Réversibilité mais l’album Charles et Léo fut un peu en dessous (j’avais à contrario beaucoup aimé ses adaptations de P. J de Béranger)…enfin je trouve. Et je n’ai pas aimé sa version de « Petite ». Je ne l’ai pas trouvée assez assumée (en plus il l’a tronquée sur la fin en allant pas au bout de la chanson, il a enlevé le Code Civil). La version de Ferré est beaucoup plus « vraie ».