Jean Louis MURAT … « Taormina » … 2006 …
Ce nouvel album, placé sous le signe de la mort, bénéficie d’une production classique :
- CD Scarlett V2 n° WR 1040992 – boîtier cristal – 12 titres.
Tracklisting: 1 Caillou (3’48) – 2 Le chemin des poneys ( 4’31) – 3 Taormina ( (3’33) – 4 Au dedans de moi (3’17) – 5 L’heure du berger (4’04) – 6 Est-ce bien l’amour ? (2’54) – 7 Maudits (3’23) – 8 La raie manta (3’13) – 9 Billy (2’13) – 10 Démariés (3’58) – 11 Accueillie-moi paysage (6’25) – 12 Gengis (4’25).
- CD promo Scarltt V2 n° WR 5041373P – mono-titre « Caillou » (3’48) – pochette carton signée M/M
- CD promo Scarlett V2 n° WR 5044063P – mono-titre « Au dedans de moi (radio-mix – 2’40)
- 1 clip « Caillou ».
- 1 clip « Au dedans de moi » … http://fooooo.com/watch.php?id=78bbf136cbdcce576cfc0c8c102b60a8
Complété le 12 01 2011 …
- 1 songbook avec les 12 chansons de l’album plus deux inédits « Le rêve » et « L’extravagant ». Le tout est accompagné de magnifiques dessins de JLM.
- Dans le cadre de la Promo sur le site jlm.com il était possible d’avoir un aperçu des chansons composant ce nouvel opus. Chacun des titres (moins d’une minute) est accompagnée d’une vidéo. L’ensemble est superbe à l’image de cette vidéo où l’on peut voir JLM (je pense) … en magnifique bébé … sur les paroles et la musique de « Caillou » … c’est trop la classe …
http://www.megaupload.com/?d=0QN1LV0V
Cet ensemble de 12 petits films est remarquable. On y voit défiler tout ce qui a marqué la vie de JLM … de la plus tendre enfance comme ci-dessus … en passant par le marché de « La Bourboule » … des images du groupe « Clara » … du Tour de France … Tout ce qui a … et fait Murat … Pour mémoire c’est JLM qui dit : « IL FAUT AIMER CE QUI NOUS A FAIT » … Je trouve ces paroles d’une puissance phénoménale … Elles se rapprochent davantage de celles d’un philosophe que d’un chanteur ou d’un poète … je finirai ce voyage en « Muratie » et je ne serai pas loin de penser que MURAT est un philosophe au vrai sens du terme …
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« Platine » dans son numéro d’Octobre, sous le plume de « JPP » sous le titre « L’ange reclus » nous met de plein pied dans l’ambiance sombre de cet opus.
JPP : « Taormina » est votre « combientième » disque ? Beaucoup de journalistes semblent vraiment perdus dans votre discographie ?
JLM : On m’a dit que c’était le 22ème …
JPP : Nouvel album et nouvelle maison de disques, puisque vous passez de EMI/VIRGIN à V2. Qu’est-ce que cela change pour vous ?
JLM : Chez V2 je suis mon producteur en licence alors que j’étais artiste « maison » chez VIRGIN. Mais cela ne change pas grand chose pour moi. Car dans ma maison de disque précédente, on me donnait le budget d’enregistrement, je le gérais moi-même et personne ne venait en studio me dire quoi faire. Cela reste pareil aujourd’hui.
JPP : Comment jugez-vous ce nouvel album par rapport aux précédents ?
JLM : J’essaie surtout d’améliorer ce que je fais. Quand je finis un disque, je fais une sorte d’état des lieux de ce qui est réussi et de ce qui l’est moins, et je prends des notes pour essayer d’améliorer le suivant. Je suis comme un ingénieur ou un architecte, j’essaie de déceler les points faibles de la construction. Cela amène de la diversité à mon travail.
JPP : Pour ce nouvel album certains titres existaient-ils depuis longtemps ?
JLM : Oh non, à chaque nouveau disque je repars de zéro, je n’utilise jamais d’anciens titres. Pas de fonds de tiroirs ! Quand j’ai terminé « Taormina », j’ai tout emballé dans un carton, les textes, les maquettes, c’est fermé et classé, et je passe à autre chose.
(…)
JPP : Comment choisissez-vous le 1er single en l’occurrence « Caillou » ?
JLM : A la fin, une fois que le disque est terminé. Pour « Caillou » je ne savais pas trop. Dès le début de ma carrière, j’ai laissé ma maison de disques choisir le 45 tours. Car si vous imposez vous-même et qu’ils ne sont pas d’accord, ils ne le défendront pas bien, ils ne bosseront pas. J’en ai déjà fait l’expérience douloureuse une ou deux fois. Donc là, j’ai laissé Alain ARNAUD et son équipe choisir. Si ça marche je dis : « Bravo les gars » et si ça ne marche pas, c’est leur responsabilité. C’est un conseil à donner à tous les jeunes artistes : « Ne vous mêlez pas du choix du 45 tours ».
(…)
JPP : Celà va faire 30 ans que vous avez débuté dans la musique, avec le groupe CLARA en 1977, le temps qui passe vous pèse-t’il ?
JLM : Comme tout le monde … Pas plus, pas moins. Cela apporte des choses différentes : par exemple, là je suis grand-père et en même temps à nouveau papa. Mais dire que cela apporte de la maturité ou que sais-je, c’est de la foutaise ! Le temps qui passe on ne le sent pas forcément personnellement, mais plutôt par rapport à l’entourage, avec les enfants qui grandissent par exemple. Je me dis davantage « les enfants grandissent », plutôt que « je vieillis ». J’ai hâte que me petite dernière, Justine, qui a deux ans, grandisse, mais je ne me dis pas : « quel âge aurais-je quand elle aura 20 ans ? ». Je pense plutôt à être un papa efficace.
JPP : L’avez-vous été un papa efficace avec les enfants précédents ?
JLM : Oui, oui, très efficace. J’ai eu deux enfants avant Justine. Je suis trois fois papa de trois mamans différentes. Et grand-père maintenant, d’une petite fille adorable de 5 ans, Lisa. Je suis entouré de femmes et ça me va très bien (rires).
JPP : Le thème de la mort revient souvent dans les textes du nouvel album. Est-ce du au temps qui passe ?
JLM : Pas vraiment. C’est plutôt lié à la vie que j’ai la-haut en Auvergne, au milieu des paysans, où il y a plus de morts que de naissances disons … Depuis 15 ans que je vis la-bas, je vois petit à petit un monde disparaître, les voisins mourir ou être malades, les gens céder leurs fermes …
JPP : Il n’y a pas de renouvellement ?
JLM : Non , pas du tout, il n’y a plus de jeunes qui s’installent. Je suis sensible à l’effacement lent, séculier, d’un monde paysan qui est en train de disparaître, à la disparition de gens de 75 ou 80 ans qui parlent patois et ont un caractère qu’on ne trouve plus. On se croirait parfois dans un film dialogué par AUDIARD. C’est plutôt la fin de ce monde là qui me touche et m’inspire. Par exemple, la chanson « Accueille-moi paysage » parle de ça et de la rudesse de la vie dans ces régions. J’ai deux de mes jeunes voisins paysans qui se sont suicidés de façon effroyable, parce qu’ils étaient trop endettés, étranglés par leur banque. L’un s’est jeté dans la fosse à purin, l’autre s’est pendu. Cà me bouleverse et cela fait la sève de mes chansons.
JPP : D’ailleurs « Taormina » a été enregistré en partie chez vous en Auvergne, contrairement par exemple à « Mustango » qui a été fait aux USA ?
JLM : Oui, dans « Taormina » il reste quelques chansons que j’avais travaillées pour un projet de double CD qui n’est pas sorti, et qui s’appelait « Arverne », sur l’Auvergne. J’ai un disque entier de côté sur ce thème, qui parle des hautes terres, des gentianacées … En fait, c’était la première mouture de « Taormina », et au final, il reste sur l’album quelques chansons de ce disque qui verra peut-être le jour plus tard dans son intégralité.
JPP : Etes-vous d’accord pour dire que ce disque est rayonnant musicalement, malgré le côté sombre des textes ?
JLM : Je suis assez adulte pour comprendre que c’est l’ombre qui donne du sens à la lumière. Ca paraît une banalité, mais il arrive un moment dans sa vie d’homme où l’on se rend compte que l’amour, la mort ont leur revers. Etre un homme lucide c’est traiter les deux, la lumière et l’obscurité, le plaisir et l’angoisse … Toutes mes chansons sont réversibles, je pense, comme un message sombre ou lumineux. Je m’attache à avoir ces deux dimenssions, comme en peinture chez REMBRANDT ou DELATOUR par exemple ».
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Chacun sait combien MURAT n’aime pas ces périodes de promo où il faut enchaîner les interviews. De temps en temps cependant, il semble y prendre plaisir. Pour le compte du journal « ISA »le 31 8 2006 MURAT répond avec délectation aux questions parfois coquines … toujours malignes de Florence TRIDEZ :
F.T. : La qualité que vous préférez chez vous ?
JLM : La fidélité.
F.T. : Le défaut que vous détestez chez vous ?
JLM : Mon système nerveux. Je me laisse aller à la colère. Je casse, je pulvérise, je disperse, je ventile !
F.T. : Pourriez-vous vivre sans sexe ?
JLM : Comme je suis un « orgasme addict », j’aurais du mal. Mais je maîtrise le sperme spirituel. C’est pour ça que les filles m’aiment bien, elles sentent le bon coup.
F.T. : Quand vous vous regardez dans le miroir, vous vous dites quoi ?
JLM : Je me dis que je ne vieillis pas vite et que j’aimerais bien vieillir plus rapidement. Les gens font ce qu’ils veulent, mais je suis contre la chirurgie esthétique.
F.T. : Le truc politiquement correct que vous faites systématiquement ?
JLM : Si un fumeur passe à côté de ma fille de deux ans, le mec peut numéroter ses abattis.
F.T. : A part vous, qui aimeriez-vous être ?
JLM : J’aimerais avoir la puissance de souvenir de PROUST et la puissance de pensée de NIETSZCHE.
F.T. : Vous aimeriez être beau comme ?
JLM : DYLAN.
F.T. : Intelligent comme ?
JLM : DYLAN.
F.T. : Doué comme ?
JLM : DYLAN.
F.T. : Comment aimeriez-vous mourir ?
JLM : Ben … j’aimerais pas mourir ! Pourquoi voulez-vous que je meure, vous êtes dégueulasse !
F.T. : Votre devise ?
JLM : Prévoyons le pire, nous ne serons pas surpris.
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Mais revenons à « Taormina » … Manuella GIROUD nous y invite dans son interview pour le compte de « Nouvelliste » dont voici des extraits:
« Je n’ose pas trop le dire, mais je crois que j’ai fait un album sur la mort »
Durant la conception de ce disque MURAT a été entouré de disparitions et a vécu des déceptions amicales. Il déclare :
« C’est aussi terrible, sinon pire, que la déception amoureuse. Parce qu’un ami, par définition, est quelqu’un qui ne vous trahit pas ».
Il est aussi devenu le père d’une petite fille :
« Je me suis dit : tiens, elle me verra mourir, c’est elle qui me fermera les yeux, donc ça me met un peu de gravité. Cette gravité n’est pas de la tristesse, mais savoir qu’on a un destin mortel ».
Sa plus belle victoire dans ce métier ?
« Durer » …
Comment ?
« En évitant soigneusement le succès et en évitant soigneusement l’insuccès, j’essaie de passer par cette porte étroite et je me maintiens vaille que vaille (rires) ! ».
Dieu ?
« Les peuples de Dieu nous cassent les pieds pour parler chastement ».
Lui qui n’a pas la foi juge tout à l’aune de deux principes simples :
« Tu ne tueras point » et « Aimez-vous les uns les autres ». Ce sont deux avancées fondamentales pour l’homme. Face à ceux qui les remettent en question, il faut savoir dans quel camp on se trouve et défendre ce qui nous fait spirituellement ! Je ne connais pas de message plus élevé que ceux là, avec « Tous les hommes naissent libres et égaux » en écho. Dans cette espèce de précipice dans lequel on a l’impression de glisser, ce sont les branches à peu près solides ».
Jean-Louis MURAT de conclure : « Je ne crains pas de réfléchir à ça et de savoir quoi dire aux enfants. Plus le temps passe, plus je me sens responsable en ce sens ».
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Pour « START UP » MURAT répond aux questions de Florence RAJON … un voyage entre la vie et la mort …
F.R. : Le disque est très dépouillé. Jouez-vous du blues à votre façon ?
JLM : C’est mes racines, le blues. J’ai mis beaucoup de guitares.
F.R. : L’avez-vous fait comme les précédents, rapidement ?
JLM : Non, j’ai pris beaucoup plus de temps, pour être un père (sa fille a 2 ans) très présent et sérieux parce que « papa » c’est le job supérieur par excellence. Mais il faut bien gagner sa croûte aussi. Je travaillais quand ma fille faisait la sieste ou la nuit, quand elle dormait.
F.R. : A Bird on a Poire était léger. Taormina est plus sombre : la mort hante beaucoup de chansons …
JLM : Ca, ce sont les circonstances. J’ai eu quelques coups durs cette année. Deux amis très proches sont décédés brutalement d’un accident de moto. Et puis des voisins aussi. Dans la montagne, en Auvergne, il y a beaucoup de personnes âgées. Entre les suicides et les décès ça y va. Les paysans voient tout s’écrouler autour d’eux. Ils sont nés dans les années 30. Quand on voit les photos de leur enfance, on réalise qu’ils ont traversé 10 siècles en une vie et ils ne comprennent plus rien.
F.R. : Vous chantez « maudits, les temps sont maudits » …
JLM : C’est une chanson contre les religieux. c’est très bien que les gens croient, mais qu’ils ne viennent pas emmerder ceux qui n’ont pas la foi. Apparemment l’homme est un animal qui ne peut pas se passer de l’idée de transcendance. Moi, je suis intimement persuadé qu’il y a des choses bien supérieures à moi. Si vous voulez, je me sens croyant en ce sens là. Je mets très facilement un genoux à terre devant la beauté du monde ou la beauté d’une fille ».
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Autre interview choisie celle de « Magic » (septembre 2006) … Franck VERGEADE est aux manettes :
F.V. : Avec le recul, quels étaient les points faibles de « Mockba » ?
JLM : J’ai fait une erreur. J’avais un mini-album de Faces B destiné au net, intitulé « Les Faubourgs de Moscou« , et j’ai eu la faiblesse de le faire écouter à mon label, qui a insisté pour inclure quelques unes de ces chansons à Mockba. Parallèlement il y avait cet album à part entière pour Pierre Jean DE BERANGER. Du coup je me suis retrouvé avec deux disques qui ne devaient pas sortir dans le commerce, ce qui m’embêtait vraiment. Alors j’ai choisi de mettre deux, trois inédits, ainsi que trois titres de BERANGER. Au final, l’étrangeté de Mockba a ainsi été diluée. Peut-être le sortirai-je un jour comme il aurait du être.
F.V. : Est-ce du au fait d’avoir enregistré à la maison que Laure chante à plusieurs reprises sur l’album ?
JLM : En partie. Elle chante bien mieux que beaucoup de chanteurs que j’ai pu utiliser par le passé. Et surtout, elle enregistre tout en une seule prise ».
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Pour conclure, j’ai une nouvelle fois choisi « CHORUS « (n°57) … Jean THEFAINE interroge JLM sur le froid qui existe entre lui et Fred JIMENEZ :
« Ça s’est corsé entre nous au mois de Novembre, lorsqu’il m’a annoncé, alors qu’on avait fait les rythmiques de dix chansons sur douze, qu’il devait s’occuper de l’album solo qu’il était en train de préparer. Il m’a dit qu’il viendrait achever plus tard le travail, mais je n’ai pas trouvé très cool qu’il me laisse en plan comme ça. Je l’ai donc assez mal pris et j’ai fini le disque tout seul, en jouant moi-même à la basse sur Taormina et L’heure du berger, un ami de Clermont, Christophe PIE, complétant à la batterie et aux percussions ».
Concernant l’ambiance générale « sombre » de l’album, MURAT confie à THEFAINE :
« C’est le reflet de l’année difficile que j’ai vécue …Le non renouvellement de contrat Virgin … mon différend avec Fred JIMENEZ …le lâchage de plusieurs de mes amis … mais surtout la soudaine disparition de deux êtres chers qui se sont bêtement tués en moto, la nuit. Jean-François était un de mes anciens musiciens et Alexandra la meilleure copine de Laure en Auvergne … Plusieurs agressions physiques … à St Malo … dans le hall d’une gare … à l’Elysée Montmartre à un concert de John SPENCER … »
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Taormina ??? Une voyage entre ombre et lumière … entre la vie et la mort … un bel album qui nous donne à mieux connaître l’homme MURAT … et non l’amoureux transi … Être papa … voilà qui, dans le monde d’aujourd’hui vous donne des responsabilités. J’ai pris beaucoup de plaisir a effectuer ce voyage en … « Muratie » … Je vous souhaite bonne lecture.
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Taormina fut un album qui a provoqué un choc émotionnel profond en moi, comme si JLM avait composé cet album sous influence de disparus dont un particulièrement cher à mon coeur, mon parrain. La chanson accueille-moi Paysage a provoqué en moi une sorte de tsunami tellement elle collait à mon deuil…C’était comme un signe de l’au-delà. A cette époque j’ai éprouvé le besoin d’envoyer un mail à JLM pour le remercier pour cette chanson qui m’avait bouleversée au plus intime. Je pensais que je lui devais ça et qu’il pouvait peut-être comprendre que les morts participent souvent à la création des vivants, par l’énergie d’amour qu’ils envoient à chacun et qu’ils ont fait rayonner quand ils étaient encore de ce monde.