- 130 – Jean Louis MURAT … et la pharmacienne d’Yvetot …

Lorsque j’ai découvert ce titre, tout de suite je me suis posé la question : mais de qui MURAT veut bien parler ? Question inutile sans doute ! Certains  diront superflue, d’autres n’hésiteront pas à proclamer que cette interrogation est malsaine. Qu’importe le : « Qu’en dira t’on » !  Je me jette donc à l’eau et vous livre ma version de cette chanson …

En mai 1813 Pierre Jean DE BERANGER écrit …

« Il était un roi d’Yvetot/Peu connu dans l’histoire/Se levant tard, se couchant tôt/Dormant fort bien sans gloire/Et couronné par Jeanneton/D’un simple bonnet de coton/Dit-on »

(…)

« Il n’agrandit point ses Etats/Fut un voisin commode/Et, modèle des potentats/Prit le plaisir pour code/Ce n’est que lorsqu’il expia/Que le peuple qui l’enterra/Pleura ».

(…)

Voilà sans doute qui nous éloigne quelque peu de la chanson qui nous occupe, mais qui nous nous mène de plein pied dans l’univers de MURAT qui voue une profonde admiration pour BERANGER.

Annie ERNAUX …

ANNIE ERNAUX

Christine ANGOT …

angot-christine

Richard MILLET …

millet

Jean-Louis MURAT …

murat

Mariage à quatre ne saurait être mariage de raison. MURAT a beaucoup d’estime pour ANGOT chacun le sait. Il ne s’en cache pas. Il se trouve que nombre de thèmes défendus par MILLET qui touchent à la terre  sont aussi défendus par MURAT. S’agissant d’Annie ERNAUX le sieur MURAT ne s’est jamais beaucoup exprimé. Par ailleurs, il se trouve que les deux femmes ne s’aiment pas. Elles n’en font pas mystère. Le 6 avril 2007 c’est Catherine CUSSET qui parlant d’ANGOT écrit : « Je serais d’autant plus disposée à dire du mal de Christine ANGOT qu’elle m’a insultée deux fois. Dans un de ses livres, je ne sais plus lequel, elle a écrit : « Catherine CUSSET, Annie ERNAUX, toutes ces bonnes femmes » (…) Et de poursuivre : « A vrai dire j’ai été flattée qu’elle connaisse mon nom et qu’elle m’associe à Annie ERNAUX pour qui j’ai le plus grand respect ». Voilà qui est dit. Par personne interposée il est donc confirmé que les romancières ANGOT et ERNAUX se détestent.

La complicité entre ANGOT et MURAT ne fait aucun doute. J’en veux pour preuve une vidéo ou Madame est allongée sur un lit et semble se délecter à écouter MURAT lui chanter : « Il faut aimer » … projet sur l’érotisme réalisé pour « Canal + » par Laetitia MASSON.

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Je n’ai pas trouvé trace de propos tenus par MURAT faisant l’éloge de Richard MILLET. Pour autant il n’est qu’à lire MILLET pour faire un parallèle entre le chanteur Auvergnat et l’écrivain né en Limousin. Pour preuve cet extrait d’un article paru dans « L’Express » le 23 mai 2005   : « Aujourd’hui, pour exister, un écrivain a besoin d’une figure, de faire du spectacle. Je n’appartiens à aucune minorité sexuelle ou ethnique, je ne pose pas nu à la télé, je suis désespérément Français dans une France qui n’existe plus, donc je ne suis rien. J’existe uniquement par mes livres ». 

MILLET tout comme MURAT se désole de l’état de notre langue. En 2008 il écrit : « Une langue sacrifie à la paix civile, c’est la mort d’une culture millénaire » (Extrait de « L’opprobre »).

Toujours dans « L’Express » le 1er mai 2008 MILLET assène : « Les Français ? Bêtes, vulgaires, veules, sinistres, offensants » (…) « Non seulement ils ont renié leur religion, mais ils piétinent chaque jour leur langue avec la  gaieté des gens qui jouissent d’être lobotomisés ». MILLET de conclure : « L’époque veut que, pour pouvoir être entendu, il faut exagérer. Nous vivons sous la dictature du politiquement correct, qui refuse un autre réel que le sien« .  

Il est une interview de MILLET qui me semble intéressante à bien es égards, celle réalisée le 13 octobre 2003 par Claire STRIFFLING à l’occasion de la sortie du livre : « Ma vie parmi les ombres ».

C. S.  : Vous êtes né au Liban, vous vivez aujourd’hui en région Parisienne, vous avez été au contact de l’arabe, du français et du patois. Au regard d’un tel parcours, pourquoi revenir ainsi sans cesse sur la Corrèze ?

R. M.  : Je ne crois pas que l’on naisse quelque part sans que cela nous marque profondément. le monde dont je parle dans mes romans est complètement mort. C’est un temps et une époque révolus. Cela me hante. Il n’y a pas longtemps, je suis allé là-bas avec une amie qui réalise un film sur moi. Nous avons écouté le silence durant deux heures. Mais quand je dis silence, ça veut dire que l’on n’entend plus rien, mais vraiment rien. Pas un oiseau, pas une voiture, pas un chien qui aboyait, rien. Vous savez lorsque le silence est très fort, vous l’entendez bruire à vos oreilles. C’est très bizarre. Donc à ce moment là, je me suis dit que ce pays était mort, qu’il puait la mort. Je n’ai plus envie d’y retourner. Par contre, il subsiste dans mon souvenir les gens que j’ai connus, qui m’ont fasciné et qui m’ont aidé à être ce que je suis aujourd’hui. J’ai ressenti l’envie de faire quelque chose avec eux.   

C. S.  : Et particulièrement avec les figures féminines ?

R. M.  : Oui, bien sur. Elles me fascinent ! A vrai dire, les hommes ne m’intéressent pas vraiment. Cela vient peut-être du fait que j’ai été élevé   par des femmes. Il y avait beaucoup de veuves de guerre. Elles m’ont vraiment transmis quelque chose. Il n’y a pas très longtemps, on m’a dit que j’étais quelqu’un de très féminin. Je crois que c’est vrai. J’aime me mettre à la place des femmes. Cela m’intéresse beaucoup.

C. S.  : Vous prêtez également à la langue des attributs très féminins …

R. M.   : Oui c’est vrai. Elle enveloppe … La langue est véritablement féminine. Ne parle-t-on pas de langue maternelle ? J’ai vécu dans un monde de femmes, dans un véritable gynécée dans lequel les hommes n’avaient finalement que peu de mots à dire. Il y avait le chien, les vaches et après l’homme ».

Assurément, voilà des propos que ne renierait pas le chantre d’Orcival. Pour autant je ne veux pas prêter à MURAT des paroles qui ne sont pas les siennes. J’y vois une communauté d’idées. Cela ne veut pas dire que les deux hommes sont d’accord sur tout bien évidemment.  En mars 2000 MILLET écrit : « Quand on lèse la langue, on lèse l’âme ». J’y souscris pleinement.

En 2012 MILLET écrit un pamphlet : « Eloge littéraire d’Anders BREIVIK » ! En préambule il prend soin d’écrire qu’il n’approuve pas l’acte par lui-même. Et c’est heureux ! Pour autant le tollé est général . C’est Annie ERNAUX qui prend la plume et écrit dans « Le Monde » du 10 septembre 2012 : « Le pamphlet fasciste de Richard MILLET déshonore la littérature« . Elle a raison. La liberté d’expression n’autorise pas toutes les ignominies. MILLET est indéfendable. C’est d’autant plus dommage que sa plume est superbe.  Chacun est responsable de ce qu’il dit. MILLET n’a besoin de personne pour le défendre …

En 2001, à l’occasion de la sortie de l’album : « Madame DESHOULIERES » pour le magazine « Epok » sous la plume de Yann PLOUGASTEL le chantre Auvergnat évoque en des termes peu amènes Annie ERNAUX  « En lisant le récent livre d’Annie ERNAUX, « le secret« , j’ai halluciné. Elle raconte son histoire avec un apparatchik soviétique qui garde ses chaussettes pour la sodomiser ! Son bouquin n’est que plainte et comptabilité précise de ses fellations ! D’un seul coup, on a l’impression que toutes ces femmes qui ont bouffé 30 ans de féminisme ne sont excitées que par la soumission absolue à un homme brutal, qui ne dit mot, fume ses clopes, arrive à moitié bourré, ne leur demande pas leur avis, se fait tailler des pipes et les sodomise … Le copain d’ERNAUX est bien poilu, bien con, regarde « le juste prix » sur TF1, sans jamais lui dire un mot gentil. Et elle trouve ça top ! Elle en est même dingue : ».  MURAT se trompe il cite : « Le secret », il s’agit de : « Se perdre »

MURAT n’aime pas les féministes. Toujours il est resté constant. Pour ce qui me concerne je n’ai pas honte à dire que je ne connais rien de l’œuvre d’Annie ERNAUX. Par curiosité je m’y suis jeté. J’y ai découvert des mots superbes, une plume belle, des phrases simples qui décrivent un monde perdu, qui n’est plus : le monde ouvrier qui aimait à se retrouver dans le bistrot du coin, celui tenu par ses parents à Yvetot.

Annie ERNAUX née DUCHESNE (1940) est la fille de gens très modestes qui, à force de travail se sont extirpés de la pauvreté. L’enfance de la petite fille a eu pour cadre le bistrot tenu par son père, au milieu des pets et des ruts. Brillante élève, aidée par sa mère, elle passe ses diplômes, enseigne puis écrit. Un premier mariage avec un jeune homme de bonne famille lui vaut le nom d’ERNAUX qu’elle conservera. Elle découvre un autre monde. Toujours elle sera marquée par ses origines modestes.

Dans une interview donnée pour le journal « Le Monde » à Sandrine BLANCHARD elle y évoque sa mère en ces termes : « Elle voulait surtout me donner une vie intéressante » (…) « C’était moins la réussite matérielle que la réussite intellectuelle qui comptait pour elle. Quand elle s’aperçoit que je réussis bien en classe, elle va tout faire pour ma faciliter cet accès et notamment, ce qui était tout à fait exceptionnel pour les filles à l’époque, de littéralement m’empêcher de me livrer à une occupation féminine. Elle avait une forme de condescendance, presque de mépris, pour les femmes qui restaient à la maison parc que leur mari pouvait les entretenir. J’ai été élevée dans cette image négative du ménage ». (…) « C’est une femme qui, comme elle disait, ne s’est jamais laissée marcher sur les pieds. Mon féminisme c’est à cause d’elle. Ma mère n’avait peur de rien. Elle était toujours en révolte. Avec des excès épouvantables de violence. On n’était pas dans la douceur dans la famille » (…) « J’ai reçu énormément de claques ». La romancière de poursuivre : « Je ne pensais qu’à désobéir. J’étais beaucoup portée sur les questions sexuelles. Ma mère pensait que j’avais en moi toutes les possibilités du mal et j’en était aussi persuadée moi-même ». (…) « L’école me rendait heureuse ». (… ) « Dans des lettres que j’ai écrites à 16 ans, j’ai une répugnance pour le mariage. A l’époque on n’imagine pas d’autre moyen pour être avec un homme. J’ai très tôt le sentiment que le mariage n’est autre chose que la fin quasiment de la vie. Peut-être est-ce l’influence de la lecture « Une vie » de MAUPASSANT, qui m’a ébranlée. Je l’ai lu à 13 ans en cachette et j’ai été complètement bouleversée ». Evoquant les différences de classe Annie ERNAUX déclare : « J’appartiens à un milieu modeste. J’ai cette conscience de classe dans le choix des amies, dans la différence que je sens. Je sais tout ce qui me sépare de certaines d’entre elles et en même temps j’ai ce désir de connaître. C’est un monde qui me paraît merveilleux parce qu’il y a de la musique classique, celle que j’ignore. La musique est vraiment, à ce moment là de l’adolescence, le signe excluant. C’est celui dont j’ai le plus envie de m’approprier ».   

La journaliste d’enchainer : « A quel moment avez vous eu ce sentiment d’avoir changé de classe sociale ? ». La réponse fuse : « En vivant loin de mes parents et en me mariant avec un garçon qui était de la moyenne bourgeoisie de droite ». Voilà qui amène ce questionnement : « Qu’est-ce qui a changé dans votre vie quotidienne ? ». Réponse : « Les sujets de conversation. le fait de ressentir la condescendance de votre compagnon vis à vis de vos parents et de votre milieu, les fameuses manières de table et, tout ce qui m’a tout de suite beaucoup frappé, cette assurance dans le monde dont j’étais complètement dépourvue. On a l’impression que le monde est fait pour cette classe dominante et qu’il leur appartient de droit, de fait. C’est aussi lié au corps : cette maladresse d’avoir un corps plébéien, le côté  »la paysanne ».

Annie ERNAUX et sa mère (1959) devant le commerce familial … 

A ERNAUX ET SA MERE

Curieux par nature, aimant faire mes propres choix, détestant subir le dictat de tel ou tel, fusse MURAT … J’ai entrepris de feuilleter les romans de la Dame ERNAUX. J’avoue  que j’y ai pris beaucoup de plaisir. Je vous y invite. Vous y trouverez un monde cruel et beau à la fois. Vous y entendrez des cris, vous serez dans le secret des femmes, vous vivrez leur souffrance. Petite, Annie ERNAUX passait son temps entre les jupes de maman à portée de la caisse de l’épicerie ou rentrait l’argent et le bistrot tenu par papa, à l’écoute d’un monde de misère où l’alcool sert de thérapie. Ses oreilles de petite fille en ont entendu des choses dont bon nombre ne sont pas de son âge.  Dans « La Place » (1983) elle évoque ses parents en ces termes : « Ils ont fait leur trou peu à peu, liés à la misère et à peine au-dessus d’elle. Le crédit attachait les familles nombreuses ouvrières, les plus démunies. Vivant sur le besoin des autres mais avec compréhension, refusant rarement  de marquer sur le compte ».

L’épicerie familiale …

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ERNAUX c’est aussi un œil différent sur notre époque. Ainsi dans « La vie extérieure » (2000) elle écrit : « Du landau à la tombe, la vie se déroule de plus en plus entre le centre commercial et la télévision. Ni plus étrange, ni plus stupide que celle d’autrefois entre les champs et la veillée ou le bistrot ».  ERNAUX ne fait que constater une réalité. La conclusion qu’elle en tire me convient moins.  

Le 12 novembre 2011, répondant aux questions de Blandine GROSJEAN pour « Rue 89″ ERNAUX  confie : « Ma mémoire est dans un monde et ma vie dans un autre et ça, c’est insupportable ».

ERNAUX qui vit à présent dans les beaux quartiers se sent coupable de trahison. ERNAUX a eu honte de son milieu, a tout fait pour s’en sosutraire. Elle a réussi. A présent on pourrait dire qu’elle a honte d’avoir eu honte. MURAT a l’inverse assume lorsqu’il dit : « Il faut être fier de tout ce qui nous a fait« . Je suis de l’avis de l’Auvergnat. Ce parallèle fait, j’ai déjà moins envie de parcourir l’œuvre d’Annie ERNAUX. J’aime les gens qui ont les pieds sur terre et qui assument, bon ou mal.    

.

Extrait : « La Pharmacienne à Yvetot »« Morituri » (2016).

(…)

« Ma rentrée /Au concert Mayol »

(…)

« Mais enfin ma mie/Pourquoi dans la cuisine »

(…)

« Pour chialer dans la cuisine »

(…)

« Sa pensée/Tigresse du Bengale

Ou pharmacienne /A Yvetot »

(…)

« Le feu ravage/Ta toundra »

(…)

« Fleur d’abricotier/Tout t’ennuie

Ta vie heureuse/Ses orgies

La pharmacie à Yvetot »

(…)

.

Pourquoi le choix de ce titre ? Il est une « muse » qui a guidé mes pas. Je lui suis reconnaissant. Sur l’œuvre de MURAT elle a un œil critique mais lucide. Je fais donc mienne sa vision des choses. Voici ce qu’elle m’écrit : « Annie ERNAUX a écrit sa critique contre Richard MILLET en disant qu’elle devait l’écrire pour faire de la prévention contre un fascisme littéraire. Le pharmacien qui donne des médicaments fait la même chose. Et c’est une façon de la rabaisser au rang de petite commerçante comme ses parents mais un poil plus notable (statut de prof à l’université et écrivain). Pour moi, c’est un pamphlet qui ne dit pas son nom ». Ma fée de poursuivre : « Je pense que Jean-Louis MURAT admire et en même temps déteste Annie ERNAUX pour des raisons contradictoires. Il y voit une femme à la fois qui lui ressemble mais qui a fait des choix littéraires et artistiques, politiques qu’il n’a pas du tout fait ».

Voilà pour le choix du titre. Pour le reste :

  • « Mayol«  … après la seconde guerre mondiale devient un lieu de strip-tease et l’écriture d’ERNAUX est considérée parfois comme de la pornographie, notamment sur : « Se perdre » (2001).

  • Pleurer dans la cuisine serait faire référence au livre : « La femme gelée » (1981) ou la romancière se désole des inégalités hommes/femmes

  • « Fleur d’abricotier«  … l’abricot est souvent associé au sexe féminin, ça pourrait être un clitoris. Sachant qu‘Annie ERNAUX revendique je cite mon ange gardien : « un féminisme et une dimension du plaisir clitoridien ». J’avoue que je ne suis pas un expert en la matière et surtout que mon éducation de fils de paysan m’interdit d’évoquer de tels sujets …

  • « Le feu ravage ta toundra » …  c’est avoir : le feu aux fesses avec son amant « russe « Se perdre (2001).

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Extrait de : « La pharmacienne d’Yvetot »« Morituri » (2016).  

(…)

Ne compte plus sur /L’U.S. Airborne »

(…)

.

Née en 1940 à Lillebonne (Seine Maritime) la petite Annie DUCHESNE  a connu les affres de la guerre puis les heures de la libération de la Normandie par des troupes venues d’ailleurs. Il est 11 heures 27 ce 1er septembre 1944, les troupes Canadiennes et Britanniques pénètrent rue du Calvaire à Yvetot …

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Des témoins de l’époque témoignent : (Extrait du journal « Paris Normandie » du 1er septembre 2010 – propos recueillis par Aurélie RICHARD) …

Un drapeau fait maison – Michèle Gilles : « J’avais 11 ans à l’époque. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs. J’habitais rue Bellanger avec mes parents et mes frères. Quand on a su que les Alliés approchaient, ma mère a fait un drapeau bleu-blanc-rouge avec de vieux draps qu’elle a teints. Je me rappelle que j’étais allée rue du Calvaire pour voir l’arrivée des Canadiens. »

Des Canadiens à la maison Claude Julien : « J’avais 13 ans et 9 mois le 1er septembre 1944. Des Canadiens sont passés devant chez moi, rue de la Gare, dans l’après-midi. Mon père leur a fait signe. Ils sont venus nous voir. On les comprenait puisqu’ils parlaient français. Mes parents ont offert une collation, avec du cidre il me semble. Les soldats ne se sont pas fait prier. Ils devaient ne pas avoir mangé depuis longtemps. Ils étaient quatre. Mes parents parlaient avec eux. Moi, je me contentais de regarder leur jeep et le matériel qu’il y avait dedans. Puis, ils sont partis. Après, avec des copains, je suis allé sur une petite place au croisement de la rue de la Gare et de la nationale. Il y avait une centaine de personnes. Au milieu de la foule, il y avait un civil qui avait une mitraillette et qui tirait des coups en l’air. Les gens étaient heureux. L’ambiance était au soulagement mais il y avait quand même une certaine retenue. Ce sont les jours suivants que les Américains sont arrivés. Ils allaient vers Le Havre où il y avait une poche de résistance. Les chars passaient du matin au soir rue du Calvaire. C’était impressionnant. C’est un peu plus tard que l’on a été vraiment en contact avec eux quand ils sont restés à Yvetot. Je me rappelle qu’on échangeait de l’eau-de-vie contre des cigarettes avec eux. »

Accroche a la Jeep -  Pierre Féron : « J’avais 13 ans à l’époque. Quelques jours avant le 1er septembre 1944, les Anglais avaient, par avion, lancé des tracts annonçant la Libération. Le jour même, je me souviens que, près de l’hôtel de ville, je m’étais agrippé à l’arrière d’une Jeep. D’ailleurs, j’avais eu du mal à m’en détacher ! Les jours suivants, on allait avec des copains rue du Calvaire pour essayer de récupérer des cigarettes et des chewing-gums que les Américains donnaient. On allait aussi à la gare. On était toujours à l’affût de souvenirs des soldats américains et anglais. C’était notre plaisir. J’ai récupéré des insignes de régiment comme ça. Mon père tenait un café donc c’était plus facile. »

Voilà, le talent de MURAT est grand qui peut ainsi à sa guise vous parler de tel ou tel sans jamais le citer mais y faire référence tout au long d’une chanson. Je me trompe peut-être. Ne poussez pas des cris d’orfraie.

Il me tarde que « Morituri » soit dans les bacs. Plus que quelques jours à attendre … 

***

Ajout le 8 septembre 2016 …

disque140

Interrogé sur l’identité de cette pharmacienne, MURAT s’est fendu d’un vague : « C’est la France  » sous entendu : « qui i va mal ... ». Une façon habile de ne pas répondre. MURAT n’est pas coutumier  du fait. Est-ce que notre beau chevalier aurait déjà lâché la bride ?

« Morituri » est sorti mi-avril. Un mois de promo puis MURAT a regagné l’Auvergne. Depuis, silence radio sur toute la ligne. On ne peut pas dire que « Morituri » soit un succès commercial. Voilà qui augure bien mal des temps futurs. Etre artiste aujourd’hui pour beaucoup c’est accepter d’être pauvre, c’est ne pas savoir de quoi demain sera fait. Il y a fort à craindre que les lendemains ne soient pas meilleurs. Il y a peu il m’a été donné de lire une définition de l’artiste :  »5000 euros de matos, dans une bagnole de 500 euros pour courir après un cachet de 50 euros ! ».  Je pense que MURAT en a marre de se battre contre des moulins à vent. Il est lucide notre homme. Il sait bien qu’aujourd’hui hormis quelques irréductibles personne ne l’attend. Hier sur « M6″ j’ai écouté une émission de variétés. La vedette : « Black M »  un ancien de « Section d’assaut » … Il vend des camions ! Je sais il en faut pour tout le monde. Mais là c’est affligeant. Pendant une heure j’au vu défiler sur « M6″ des chanteurs plus débiles les uns que les autres. Je n’ai retenu aucun nom.   Je me suis dit MURAT et des chanteurs de son acabit n’ont plus rien à faire dans la chanson. Il n’y a plus de place pour eux. Je suis pessimiste. J’ai beau tourner le problème dans tous les sens, je ne vois pas comment on peut inverser ce mouvement. MURAT n’a même pas besoin de dire qu’il met la clef sous la porte. Le système l’a enterré. On est passé à autre chose : qui fait du bruit, qui fait danser, les mots chantés ou parlés flattent un public jeune, lui donnent à entendre des paroles convenues, qui vont dans le sens du vent …

Attention, je ne dis pas que MURAT ne chantera plus et encore moins qu’il n’écrira plus. Je n’ai aucun qualité pour cela, aucune certitude. Une société qui laisse mourir ses troubadours est une société qui va mal. Le roi est nu ? Pourtant la princesse qui sied au château a de beaux atours ! Mais il est vrai que la belle Julie ne pense plus qu’à défendre son homme … Il y aurait donc le feu au lac ? Serait-ce l’hallali ?  

Au secours je vois un autre roi qui se profile … un revenant ! Ah, on est mal, je vous dis !

***

Publié dans : ||le 10 avril, 2016 |7 Commentaires »

7 Commentaires Commenter.

  1. le 10 avril, 2016 à 13:30 Florence écrit:

    Didier, c’est épatant!
    ta Muse est bien inspirée… je trouve cette explication tellement opportune et si poétique que je l’adopte immédiatement.
    Bravo à tous les deux ! (clin d’oeil)

    Répondre

  2. le 10 avril, 2016 à 13:32 didierlebras écrit:

    thank’s ma belle !
    Bon dimanche à toi.
    D

    Dernière publication sur  : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...

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  3. le 17 avril, 2016 à 11:33 Manetti Patrice écrit:

    Salut,JLM dit, lors de son passage à Sud Radio (podcast grâce au lien de Pierrot)que la pharmacienne d’Yvetot
    « représentait la France »,que les 2 noms étaient interchangeables.Morituri acheté à Montpellier,en rentrant de St Flour(là,introuvable),écouté en roulant,puis chez nous,nous ravit et nous surprend…
    Pas de tournée…pourtant cet album semble défendable
    (à la façon d’un Tristan)dans le circuit habituel de Murat de salles de 4OO places!? Ce public existe toujours pour Morituri.Pourvu que Jean Louis en ait toujours envie.

    Répondre

  4. le 17 avril, 2016 à 11:52 didierlebras écrit:

    Merci, je me suis donc trompé. Pour une fois j’ai osé ! Je ne suis pas sur qu’il ait encore envie … hélas !
    D

    Dernière publication sur  : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...

    Répondre

  5. le 22 mai, 2016 à 16:55 Poetesse écrit:

    Découverte du nouveau Morituri album de très Haute Volée textes magnifiques bon arrangements ( le chant du coucou ) MURAT est un Maître,,,album différent de Babel, tjrs fidèle à lui-même, a force d’écoute, ce disque recèle onze diamants noirs, d’un noir profond, brillants
    après « Le cours ordinaire des choses », il avait annoncé une pause pour des raisons financières jl Murat ne pourra pas défendre son disque en tournée, faute de finance ? avez vous confirmation ?
    bien cordialement et merci

    Poetesse

    Répondre

  6. le 22 mai, 2016 à 19:04 Poetesse Lumia écrit:

    Le Berger de Chamablanc, aux beaux yeux, sa voix sensuel l’homme authentique livre des chansons qui parle d’Amour , l’homme est charnel Artiste rebelle pas faux cul
    je le trouve plus en accord avec ce qu’il est qu’à ses débuts. Même si j’ai toujours suivi l’artiste
    Musicalement au top, poète français merci à lui à votre blog

    Poetesse Lumia

    Répondre

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