- 128 – Jean-Louis MURAT … Vous avez dit Quoi ???
Dans ses interviews MURAT ne s’est jamais privé de donner son avis sur l’état de notre société. Souvent il était à contre-courant des idées ambiantes. Lorsque BOVE était au zénith il ne trouvait rien de mieux que de le clouer au piloris. C’est un exemple parmi tant d’autres. Que n’a t’il dit sur SARKHOZY et François HOLLANDE ? Son jugement sur le football professionnel dès les années 2000, au regard de ce qui se passe aujourd’hui et des années écoulées ne peut que susciter une admiration rétrospective … Il se trouve que ses prédictions, passées l’épreuve du temps, sont aujourd’hui largement vérifiées. MURAT est à l’écoute des petites gens. MURAT homme de la terre est avant tout homme de bon sens. L’appât du gain ne l’a jamais conduit à une fuite vers l’avant, à faire des ronds de jambes à ceux qui gouvernent ou décident. Pour autant dans ses chansons, jusqu’à présent, il s’était bien gardé de laisser poindre ses état d’âme sur l’état de la société Française. Avec « Morituri » il semble allègrement franchir le pas. Les mauvaises langues diront qu’il participe au « French bashing ». Les courtisans d’hier ne seront pas les moins sévères à son égard. Pour ce qui me concerne il me semble que, lorsque l’on a eu raison avant tout le monde, voire contre tout le monde, on peut donner son avis. On a quelque crédit à le faire.
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Extrait de … « Nuit sur l’Hymalaya » … Album « Morituri » … (2016).
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« Quelque gloire de France/Sert de risée
Chacun dans ce monde/Est un prisonnier ».
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C’est la première fois que MURAT utilise le mot « risée » dans ses chansons. Accoler ce mot à celui de « France« , ce n’est pas rien. MURAT le sait. Mais dire n’est pas se moquer. Dire n’est pas s’en féliciter. Dire c’est ouvrir les yeux. C’est être lucide. C’est le déplorer. Un proverbe énonce : « Il n’est de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ». En France le mauvais exemple est souvent donné par nos hommes politiques, ceux qui nous gouvernent. Tous ou quasiment sont labellisés « ENA » et donc à l’écart du monde réel. Discourir ils savent faire. Mais cela s’arrête là. Toujours ces paroles ne sont qu’emphase et lyrisme et au final tromperie et mensonge. SARKHOLLANDE qui se ressemblent plus qu’on le croit, c’est pourquoi j’aime à les assembler sous ce vocable, en sont le meilleur exemple. Que n’ont ils promis ? Que n’ont ils tenus ? Pire encore, l’un et l’autre ont fait le contraire de ce pour quoi ils avaient été élus. Ne voilà t’il pas, qu’inefficients chez eux, ils s’en vont donner des leçons au monde entier, sur ce qu’il faut ou ne pas faire. Oui voilà pourquoi, aujourd’hui nous sommes la « risée » du monde. Voilà un Président qui ne sait pas décider à l’intérieur, qui envoie nos troupes se battre aux quatre coins du monde. Sans doute avec le secret espoir qu’on dise de lui qu’il a force de caractère et esprit de décision. Sans doute que MURAT englobe dans cette raillerie d’autres personnes que les politiques. Je ne veux pas citer de nom. Il ne manquera pas d’être interrogé sur ce point précis lors des interviews qui l’attendent. Il y répondra avec délectation. MURAT est un homme bon. Il ne se réjouit pas de l’état de la France. Il sait trop bien que ce sont les petites gens qui souffrent le plus des mauvais choix faits depuis des lustres par nos élites, qui de ce qualificatif n’ont que l’étiquette.
En 2009, lors de la sortie de l’album « Le cours ordinaire des choses » … MURAT un tantinet désabusé de dire et de n’être pas entendu, d’être au contraire marginalisé, répondait : « Me va comme un incendie ». Dans ce titre pointait déjà tous les problèmes de notre société. Ils n’étaient pas nommément désignés, ils pointaient en filigrane. Je cite :
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« Au royaume/Ou tout fabrique/Du faux »
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« Dans ce purin d’idéaux/Ou tout fabrique des sots »
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Tout à ces paroles, tout à mes réflexions, je découvre une chronique signée Pierre HEMPTINNE qui sur son site « La Médiathèque » écrit le 8 décembre 2009 :
« Je ne suis pas un inconditionnel de Jean-Louis Murat. Souvent sa nonchalance snob et son flux verbeux invertébré m’agacent ! Tout en avouant des attachements singuliers pour certaines fulgurances, des traits de génie, entre intransigeance, voyance et postures romantiques pour midinettes. En faisant connaissance avec ses dernières créations, il me semble vain de comparer ce CD par rapport au précédent ou aux plus anciens.
Ce que ce nouvel album me rend évident avant tout, c’est que Murat, justement, n’est pas une suite de CD, un travail à la chaîne dont on jaugerait la production en fonction d’un modèle, une marque déposée par ses plus grands succès ! Non, c’est un entrelacs de paroles que n’enferme pas l’enregistrement, un rhizome textuel, ruisseaux d’encres et de salive, la respiration et circulation de l’oxygène et du sang dans l’organisme transformées en jus et palpitations d’écritures. Par le rythme, le débit, la structure, la récurrence des thèmes, la richesse du vocabulaire et des métaphores, la complexité maîtrisée de la métrique, c’est le plus littéraire des chanteurs français. Ruissellement de mots dans lequel l’artiste s’égare, s’enveloppe, palpite, se protège et d’où il jette ses anathèmes.
Ciselés, vénéneux. Jean-Louis Murat a une production abondante comme s’il ne pouvait arrêter de composer et chanter sous peine de ne plus supporter la vie. Donc, forcément, des hauts et des bas. Mais, au lieu de se diluer, il installe son œuvre dans l’incalculé, l’incalculable, qui ne repose pas sur une recette, irréductible aux lois du marché, étrangère aux boutiquiers de la chansonnette. Et il peut à son gré en dévoiler tous les méandres, mornes ou brillants, ils appartiennent au même fleuve. Un fleuve d’épanchements raides ou larges, hors du temps, dont l’eau, les couleurs, parfums et chansons se constituent de ce qui s’y décompose, long et lent recyclage des déchets du passé, de la nature et fredonne au contact de l’air et des berges : « chanter est ma façon d’errer ». Errer et errance, termes qui ont à voir avec la folie, comme manière de prendre en main sa déraison, son inadaptation, de l’aménager en lieu hospitalier, en dialogues avec l’inimaginable, le « défaut de », la perte: « Allons à l’inimaginable/ Où beauté cesse d’exister/ Amour j’ai perdu ton image/ Aimer est chercher ton reflet ».
Les chansons de Murat convergent vers cet inimaginable, comme le fleuve qui retourne où commence le cycle de l’eau, en déroulant ses lacets et sa rengaine lascive, au creux du vaste paysage que le désir veut épouser, rengaine en « Hymnes à jet continu/ Crache le cœur/ Vagabond éperdu/ Vagabonde erreur. » Il y a ce côté traînant, ce parti pris d’abandon, une drôle de mollesse que certains considèrent comme relents de guimauve et penchant gnangnan. Mais en dessous, les idées, les mots, les émotions charriées sont en ébullition, en révolution, en osmose avec ce qu’il y a de plus sauvage dans la volupté de vivre, une volupté à la fois brute et maniérée, morbide de côtoyer la mort, faisandée de surfer sur le désenchantement et le dégoût des hommes. S’excitant de tout ce qui dépossède au fil de l’usure et du froid envahissant : « Que sert d’aimer/ Une entourée de pluie/ Qui à chaque instant/ Coupe une grappe de vie/ Me regarder de près/ Tout voir de loin/J e ne sens plus/ La chair même/ Entre mes mains/ Que fait cette tige/ D’or dans ton glacier ».
Au fond des chansons, des buissons de métaphores et des taillis de rengaines, il y a un baiseur amoureux métaphysique, acharné, lyrique et cru, une sorte de bouc bandant de son auto-malédiction de marginal, « plein de déchets/ plein de baisers/ plein de secrets/ comme un b.b./ plein de raclées », scrutant la chair et le plaisir, la vie et la mort, lieu de basculement de l’être, une exaltation visionnaire, intello-charnelle, qui contamine tout le verbe et ses humeurs. Avec ce besoin vital de revenir toujours à la forêt, renouer avec l’espace vierge parmi les arbres et les mésanges : « On prend son plaisir en forêt/ Oiseau sauvage ou noisetier/ L’inconnu nous tient de tous côtés ». Cet inconnu indispensable pour avancer, avoir encore envie et qui ponctue le chant d’errance de sens et d’inanités : « On vit en état d’ivresse/ En petits points d’un S.O.S./ Ce hors d’haleine est sans fondement. » On sent dans le texte fluide de Murat, surtout quand il « passe la frontière des dents », parsemé de césures, de points d’abîme et de liaisons-trouvailles au point de faire monter le sang au cerveau, on sent le terreau, le limon, les cailloux, les herbes et le sol spongieux, le vent, les branches qui fouettent, le pas dans les tapis de feuilles, la sève qui bouillonne ou se retire, « Qui m’a fait cette chose/ Giclante à ton gré ». C’est bien le chanteur en Arcimboldo que l’on voit sur la pochette du CD. L’image n’est pas volée. Ce camouflage, cet enfouissement dans les fruits de la terre qu’accomplit une langue entre insolence et courtoisie passée, rejoint la récurrente image du lien charnel à la mère : « Dans la chambre obscure/ Où tu m’allaites », « 16h00 c’est la tétée/ 16h00 à ton ourlet », « Vivre caché dans un cylindre/ À l’utérus qui m’a fait »…
Mais tout ça ne serait rien sans le feu qui s’embrase en dessous et balance un formidable brasier au premier titre du CD. Quelque chose d’inattendu se lâche, un galop, une charge, sans prendre de gants, presque inconvenant. C’est trouble, pas net, pas propre, pas poli, pas gentil, mais balancé avec une rage d’une beauté qui décoiffe et enivre. Vieux beau qui brûle ses vaisseaux avec superbe et fausse compagnie, magistral. Il est là le misanthrope poète qui règle ses comptes et tire dans le tas de la petitesse au nom d’une soif de liberté immense, « Je t’informe de ma présence/ C’est un besoin d’infini/ J’invoque ta substance/ Dans ce purin d’idéaux/ Où tout fabrique des sots/ Par la chose immuable/J e n’ai plus confiance/ En vous ». La chanson avance ravageuse, équilibriste exacerbée, trouvant le chemin d’un vers à l’autre à la dernière seconde, poursuivie par les flammes. Il n’y a pas de rémission possible, pas de retour en arrière, rien ne peut éteindre cette foudre. Ce qu’exprime à merveille la formule épatante : « Le cours ordinaire des choses me va/ Comme un/ Incendie ». C’est épidermique, viscéral, la peau s’enflamme au contact du quotidien comme ces météorites, « chus de nulle part », en rentrant dans l’atmosphère. Chanson météorite. Mais ce n’est pas juste un rejet, un crachat, toute la chanson clame aussi le besoin de sentir cet incendie, d’épouser cette brûlure comme une quête d’authenticité. Merveilleuse combustion d’amour haine. À l’impossible nul n’est tenu, mais à peu de chose près, Murat a trouvé, là, « De la chose infernale/ Comment faire une chanson ». Cette chanson est un tourment. Et si l’on peut dire après un tel éclat : « Reste que dalle à chanter », le fleuve continue néanmoins son cours ordinaire, aux sécheresses vachardes et crues inflammables, errant et murmurant « Quel ténébreux/ Conduit bouleverse/ Ma nature ».
Voilà qui est signé Pierre HEMPTINNE que je ne connais pas. Voilà qui est plein de pertinence. C’est pourquoi je n’ai pu m’empêcher de le proposer à votre sagacité. Voilà qui nous a éloigné du mot « risée » si peu usité, surtout dans le domaine de la chanson. C’est MONTAIGNE qui écrivait au 16ème siècle : « Se jouant et mettant en risée ». Voilà un mot vieux écrit par MURAT qui fera sans doute parler.
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Ajout le 15 juillet 2016 …
La France est en guerre. Des dizaines de nos enfants sont morts hier 14 juillet 2016 … Les « fous de Dieu » ont encore frappé. Le temps n’est plus à chanter ! Une nième fois, nos politiques vont faire de beaux discours préparés par d’autres. Je ne supporte plus ces mises en scène. Depuis des années nos « décideurs » ont failli. Ils ne sont pas nombreux les artistes à avoir dénoncé cet état de fait. MURAT est l’un des rares à avoir su prendre ses responsabilités. Dans « Magic » (n° 201) MURAT évoquant les attentats du 13 novembre 2015 confie à Franck VERGEADE : « Pourquoi vit-on dans une société qui laisse se produire des choses pareilles ? Le reste n’est qu’apitoiement. Je me méfie de la sensibilité collective et de réactions moutonnières comme du feu ». MURAT de poursuivre : « Chanter est ma façon d’errer » …
Pour ce qui me concerne, je hais cette télévision et ces médias en général qui cherchent à faire de l’audience par tous les moyens. Faire du sensationnel pour happer notre attention, nous ôter ce qui nous reste de bon sens … Nous vivons une époque de fous ! Qu’allons nous laisser à nos enfants ??? Ici en Bretagne en ce 15 juillet, il fait soleil. Je n’ai plus de goût à rien. La France est en guerre et le restera pour longtemps. Il est temps que ceux qui ont tant promis, si peu fait, donc menti, débarrassent le plancher. Il est plus que temps qu’ils arrêtent d’occuper le petit écran en quête d’un peu de crédibilité. Ces gens là ne travaillent que pour eux. Ils utilisent les deniers publics pour se coiffer, se maquiller … C’est une honte … Je hais nos hommes politiques qui ne sont que des profiteurs !
Rassurez vous, j’en ai autant (de dégoût) pour l’autre nain de jardin qui aspire à revenir aux affaires. Dehors tous ces menteurs !
Extrait de : « Interroge la jument » … « Morituri » (2016) …
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» Mon Dieu que tu es méchant/Quel malheur pour les enfants/ Non tu manques de jugement/Interroge la Jument »
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Chronique absolument magistrale de Pierre HEMPTINNE …..
On reprend son souffle après avoir lu ses mots…
Juste une petite remarque sur une seule phrase : « la richesse du vocabulaire et des métaphores, la complexité maîtrisée de la métrique, c’est le plus littéraire des chanteurs français. Ruissellement de mots dans lequel l’artiste s’égare, s’enveloppe, palpite, se protège et d’où il jette ses anathèmes. »
Il est un autre littéraire d’une immense valeur dans la chanson française, c’est HF Thiefaine… Cette phrase peut s’appliquer tout également à lui…
Murat, Thiefaine sont dans mon Panthéon….
Et j’attends avec impatience les futures interwiews de Murat….Sa franchise, et son bon sens….
Il me fait un bien fou
Merci Anna.
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