- 118 ter – MURAT … fait sa publicité … (suite) …
La presse écrite, notamment celle dite « élitiste », réservée aux « bobos Parisiens » ainsi qu’à ceux des grandes villes de province, a longtemps eu les yeux de Chimène pour MURAT : l’Auvergnat, le paysan, le bougnat … Certains y trouveront un paradoxe. Il est vraisemblable que les lecteurs de « Libération » ou des « Inrockuptibles » se soient entichés de MURAT pour tout ce qu’il apportait de nouveau dans le paysage de la chanson Française. MURAT est tout le contraire des autres chanteurs de sa catégorie. Il est beau, intelligent, subversif, rebelle … là ou les autres sont consensuels et sans saveur.
Les deux premiers albums de MURAT : « Suicidez-vous le peuple est mort » et « Passions privées » passent totalement inaperçus, du grand public en tous les cas. Seule Anne-Marie PAQUOTTE pour « Télérama » avait flairé le bon filon. MURAT lui en sera toujours reconnaissant.
MURAT devra attendre 1987 pour toucher au succès avec le titre : « Si je devais manquer de toi ». En 1988 « Le garçon qui maudit les filles » confirme un talent naissant, une écriture subtile, un potentiel certain diront les spécialistes . Le jeune homme a déjà 35 ans. Il ne les fait pas, il a tout pour plaire aux jeunes filles ainsi qu’aux femmes plus mûres. Hélas, au désespoir de « Virgin » MURAT ne donnera jamais prise à ce jeu du « bel amant ». Tout juste quelques concessions seront faites aux journaux en vogue à l’époque que sont : « Âge tendre/OK » – « Podium » – Top 50″ … En 1987 on peut noter cet article daté de décembre, signé Véronick DOKAN …
Il y a un début à tout me direz-vous. Le succès est donc là. Dans ce cas, lorsque l’on est « beau gosse » on fait tout pour enfoncer le clou, pour jouer et abuser s’il le faut de ce beau minois. MURAT n’en a cure. Il est si peu connu, ne fait rien pour l’être davantage que les premiers médias qui s’aventurent à évoquer l’artiste se trompent sur son identité. Ainsi, sur cet extrait d’article de l’époque (1987) la photo de MURAT apparaît affublée du prénom Jean-Paul …
Autre exemple, le « Top 50″ daté de novembre 1987 où le journal présente ses excuses au chanteur pour avoir, le mois précédent (n°88) attribué au p’tit gars de Murat le Quaire une photo qui n’était pas la sienne. Voilà réparation qui est faite …
En 1989 l’album « Cheyenne Autumn » est dans les bacs. Le nom de MURAT est de plus en plus cité dans les médias. Dans l’article qui suit le journaliste Gilles MEDIONI titre : « Cheyenne Automn » … MEDIONI prend date et nous invite à retenir le nom de ce nouveau venu à la mine triste et renfrognée …
En définitive MURAT n’aura que très peu fait la une des médias des magazines en vogue, que s’arrachent les jeunes filles. On peut noter :
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1987 … »Âge tendre » …
- 4 janvier 1988 … « Top 50″ …
- 30 mai 1988 … « Top 50″ …
- 1989 … « Top 50″ …
- Septembre 1991 … « Podium » …
Le vert réussit bien à l’Auvergnat à qui cet air boudeur va à ravir …
Le 28 juin 1990 MURAT est annoncé à l’émission « Sacrée soirée » animée par Jean-Pierre FOUCAULT. Il s’agit de l’émission de variétés que tout le monde regarde y compris en Auvergne et jusque dans les contreforts du Puy de Dôme. C’est sa maman qui a du être contente. Je pense qu‘Emile à cette heure là était déjà au lit. Est-ce que Emile avait la TV ???
En août 1990, en page intérieure « Podium » consacre une page entière au sieur MURAT …
La même année (1990) le magazine « Maxi Fun » nous présente un MURAT romantique. Jean-Louis a fait ses premiers pas d’acteur, il nous est présenté comme étant : « celui dont on parle » !
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Voilà un aperçu de la presse people. Nous y reviendrons avec « Le manteau de pluie » (1992). Mon but n’est pas de lister tous les articles qui parlent de MURAT. Je ne les ai pas tous donc pas de chronologie possible.
Passons à la presse « Parisienne », celle qui dès « Cheyenne Autumn » prend fait et cause pour Jean-Louis, sa voix, ses textes. Le journal « Libération » et Bruno BAYON, écrivain, critique musical va jouer un rôle essentiel dans la carrière du « bougnat ». En février 1988 BAYON se déplace même à la Bourboule pour y rencontrer Jean-Louis. Immédiatement les deux hommes, qui sont d’un milieu social diamétralement opposé vont sympathiser. Cet article fondateur dans la carrière de MURAT est connu de tous. Je ne le commenterai donc pas. Je vous livre la « une » du journal …
Nous étions le 15 février 1988 … On y parle du conflit opposant Israël à la Palestine … En page intérieure on évoque le suicide : « devant le portail de leur maison d’un couple de chômeurs » … Ils avaient 55 et 58 ans ! Ils habitaient un petit village de Haute Loire : Aighilhe … C’était il y a bientôt 28 ans … Il y a si longtemps … et c’est pareil aujourd’hui …
Je ne reviendrai donc pas sur cette première rencontre entre MURAT et BAYON : « Quartier Vallière, impasse en pente (J.-L’Olagne), rez-de chaussée sur rue (60m ?), au décor terne (lumière chiche, rideaux de filet), canapé pouf ans co vert (?), salon replié, mini chambre d’étudiant studio, chambre conjugale invisible, et petite table à bancs de bois dans la cuisine sur cour goudronnée. On n’en bouge pas ».
Non je fais un saut dans le temps. Nous sommes le 28 mars 1989. Dans les colonnes de « Libération » BAYON parlant de MURAT et de son dernier album écrit : « Chez les Français qui comptent, il y avait MANSET et BASHUNG, il faudra désormais compter avec un troisième : Jean-Louis MURAT« . Puis d’évoquer les titres de l’album : « Les morceaux : 1 point d’orgue (le troupeau). 4 excellents : (Paradis perdus/Le garçon qui maudit les filles/L’ange déchu/Déjà deux siècles). 1 réussite : (Le venin). 1 classique : (Si je devais manquer de toi). 2 planeries : (Cheyenne Autumn/Pluie d’automne). 2 divertissements : (Nos amours débutants/La lune est rousse). 1 jam : (Te garder près de moi). 1 agacerie : (Pars). BAYON se concentre ensuite sur le texte dont il dit : « Sans réel équivalent. On songe à certain GAINSBOURG vraiment « poète », à Gérard MANSET, indubitable frère de MURAT en alchimie lyrique, mais pour l’essentiel, pointillistes et blasonnés, naturellement « chanson de France » (au sens ou Guy BEART et son eau vive le furent), les paroles qui réconcilient misanthropie (« j’aimerais mieux mourir ô gué ») et préciosité (« votre plus farouche ennemie »), sont d’une délicatesse effrayante : bijoux Borgia à chatons de venin ».
Voici la photo, admirable qui agrémente cette chronique signée BAYON …
Le commentaire ci-après accompagne ce cliché : « A disque délétère intimiste, commentaire intimiste à la première personne déplacée, et photo légèrement gênante, prise dans l’intimité par MARIE, compagne de « l’ange déchu » au nom prédestiné ».
Une page entière de « Libé ». D’un côté une critique dithyrambique (voir ci-dessus). De l’autre une mise à mort. Je vous laisse seuls juges : « Février. Cher Jean-Louis, C’est à pleurer. Qu’as-tu fait ? Ou es-tu passé ? Du premier au dernier sillon de ton disque au titre absurde et franglaisement vulgaire (Cheyenne Autumn !!!), il ne se passe rien. Tout est à côté, en porte-à-faux … y compris ta voix. Tu chantes »balade en forêt » on entend « malade » … Ta musique gorgée d’eau, flottant entre chlorose et antésite, est débilitante … « jus de pomme/grappe jaune » couleur d’urinal pour Peaux Rouges brésilo bougnats hépatiques. » Et BAYON de poursuivre : « L’automne est là » ? Mais, c’est dépassé ! On est déjà aux feux « les feuilles mortes » fin mars … Bon, pour commencer : ni à l’heure (Autumn) ni en place (Cheyenne). Où as-tu la tête ? D’où sors-tu ? Dans quel état … ».
Comme si cela n’était pas suffisant BAYON insiste : « Février. Cher MURAT, Qu’es-tu devenu mon frère ? T’es-tu éteint, sur cette table de morgue où tu te réveillais jadis suicidé, près de la fille bleue ? N’y es-tu pas resté, près d’une sœur évanouie, prise aux glaces du cantal où tu épuisais ton enfance avec les miasmes maternels de Laqueuille (mille fois maudit soit ce nom !) ? Là-bas, quelque part entre le Vendeix de ton oncle, le Prégnoux familial, et Fenestre ? La Roche des fées où tu jouais et le Pessy maternel ? Là dans ce ravin de l’Eau Salée, ton jardin du Bon Dieu ? … »
BAYON se permet un voyage très intime au plus profond de Jean-Louis BERGHEAUD. « La fille bleue » : MARIE ! « Sœur évanouie » ? Celle que Jean-Louis enfant n’aura que très peu fréquenté ! Que dire de ces noms de lieux : « Laqueuille » et de lieux dits : « Prégnoux » – « Pessy » - »La Roche des fées » - »Ravin des Eaux Salées » … C’est Jean-Louis qui les a racontés à BAYON : « le Parisien » qui ne connaît rien de la ruralité …
Il me semble que tout « Babel » est résumé là ??? !!! Je le rappelle nous sommes en 1989 …
Puis BAYON de renchérir, d’en rajouter une couche : « Nos amours débutants. Oui ? Déclic et l’on entend littéralement : « Nos amours dégoûtants » (…) « dégoûtants » ou « débutants » ce qui est égal « nos amours » au pluriel ne prennent ils pas le féminin ? « dégoûtantes » ? (…) « Au pays Cheyenne de Murat le Quaire, « confiance » égale « silence » tout n’est que « peine » (d’ailleurs « vaine » et « jachères brûlées », « paysages usés » « univers de cendres », en somme, « amour » (étranger) et « âme » (désemparée) ».
C’est du BAYON, c’est à n’y rien comprendre, c’est superbe. Voilà qui ne veut rien dire, voilà qui veut tout dire. Voilà qui ne peut que plaire à Jean-Louis BERGHEAUD.
Et BAYON d’enchaîner : « Toi l’archange exilé dont l’Eden fut cet inégalable Ravin de l’Eau Salée que les livres ont ainsi chanté : « Tout est réuni en ce lieu pour présenter l’image de la plus affreuse destruction ».
Mais BAYON ne pouvait terminer ce portrait sans citer « MARCHES ». Voici ce qu’il en dit : « Toute résistance réduite, j’entends tout là-bas, au fond de toi par cœur, frère de sang ou ami malheur, comme le pouls de ton aîné, MARCHES roi des pillards, le Lacenaire du Siège qui bat, qui bout, qui sombre … On va le rouer en place, ô Seigneur ayez pitié ! Le dépiauter vif, lui écarteler aine et clavicules, et nous errerons pour lui sous la terre comme la dernière fois, tous condamnés, tout perdu : « Vois le malheur est grand déjà les articulation de fer de Mérigot le Cheyenne craquent, fracassées à coups de masse et de tranchet : il le fallait, c’est « la fatalité ». Pour que tout cède et meure, encore une fois, que l’on se souvienne, et que tous les paladins du monde (princes, suzerains et Clermontois) puissent aller répétant : « Deux siècles d’or/N’ont pu tuer/Ce chant heureux de la jeunesse » (…) « Déjà deux siècles/Et chaque jour/J’attends la fin de la tristesse ». O gué ». Signé : BAYON.
Chemin faisant (en cours d’article), BAYON en appelle à l’âme Auvergnate, à moins que ce ne soit Jean-Louis qui lui ait soufflé à l’oreille : « A MURAT quand on vous invite/On vous sert sur une assiette/Un bout de chèvre pourrie/En disant que c’est du bon mouton/Si vous boudez cette nourriture/Ils vous disent en colère/Nous autres, nous mangeons ça tout l’An/A MURAT sous Bredan ». (Extrait du folklore Auvergnat).
BAYON de faire référence également aux écrits d’AJALBERT et son livre : « L’Auvergne » lorsqu’il cite : « MURAT : « Des maisons renfrognées comme des petites vieilles, qui sous quelques modes d’aujourd’hui, ont conservé des choses d’autrefois ».
A travers cet article il me semble que personne n’a mieux décrit à ce jour l’homme MURAT … l’oeuvre MURAT … le style MURAT …
Comment expliquer cette dithyrambe d’une part puis cette critique qui peut sembler virulente d’autre part. BAYON nous donne lui même la réponse en préambule de son article lorsqu’il écrit : « Synthétique jusqu’ »au casse-tête, « Cheyenne Autumn » le nouveau Jean-Louis MURAT, prince rock Français rescapé à la beauté pantelante, est un Waterloo. Comment expliquer, alors l’article amoureux qui suit ? Les chemins du vague à l’âme, du courrier du cœur, du parti pris sont impénétrables ».
BAYON parlant de MURAT a employé le mot « frère » ces deux là le sont vraiment …
Ci-dessous, le second portrait de MURAT choisi par BAYON pour « égayer » cet article … MURAT y apparaît les mains blessées, BAYON ne se faisant pas prier pour nous fournir l’explication ! Décidément MURAT n’aime pas le mensonge et encore moins les « faux semblants ». Toute vérité n’est pas bonne à dire (?) MURAT s’en moque …
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Avec BAYON évoquant son « frère de sang ou ami malheur » nous touchons aux cimes. Revenons plus terre à terre. En 1990 le magazine « Maxi Fun » (le nom veut tout dire) nous propose en page intérieure l’image d’un MURAT romantique au possible qui effectue ses premiers pas dans le cinéma …
Le 7 octobre 1991 les yeux de MURAT sont en première page du journal « Libération » …
En 1992, à l’occasion de la sortie du « Manteau de pluie » le magazine « Podium » consacre à MURAT une double page intérieure du plus bel effet …
En janvier de la même année « Télécâble » consacre sa une au chanteur Auvergnat … Ce côté « ours mal léché », lui va à ravir …
En page intérieure MURAT y prend des airs boudeurs pas possible …
En 1992 pour « TV Hebdo » le journaliste François CARDINALI écrit : « Sa géographie de rêve : le Puy de l’Enfer, le lac de Servières, Saulzet-le-Froid. Des pays de neige ». Et MURAT de confier : « Je pourrais vivre toute l’année sous la neige. Avec ce côté feutré, la qualité de la lumière et cette forme de silence. J’aime trop ça … ». C’est un MURAT rayonnant qu’il nous est donné de voir en image sur cet article …
En juin 1992 MURAT est l’invité de « FR3″ dans l’émission « Montagne ». Le journal « Télé K7″ nous le montre décontracté au possible … nous n’avons toujours pas droit à un sourire …
Toujours en 1992, le single « Sentiment nouveau » est dans les bacs. « Virgin » à l’inverse de MURAT croit en ce titre fait sur mesure pour plaire aux dames. Il s’agit là d’une concession faite par le chanteur à la maison de disques qui ne lésine pas sur les moyens, en témoigne cette page complète de publicité parue dans le « Libé » du 28 février …
A l’occasion de la sortie de « Venus », le 9 novembre 1993, MURAT est à nouveau en première page du journal « Libération » … On ne peut pas dire que le chantre Auvergnat ait fait l’objet d’un mauvais traitement de la part de la presse écrite. « Les Inrockuptibles » font également les yeux doux au bel Auvergnat …
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Le 9 novembre 1999 à l’occasion de la sortie de « Mustango », BAYON, dans « Libé » signe un encart : « MURAT taupier ». Il assimile MURAT au : « joueur de flûte de HAMELIN » de Prosper MERIMEE et l’affuble du joli nom de : « La Croix Morand ».
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Le 25 mars 2002, BAYON aborde le titre « Un singe en hiver » écrit par MURAT pour « INDOCHINE ». Voici ce qu’il en dit : « Un singe en hiver, paroles et musique de MURAT, est une pavane à Dien Bien Phû défunte, composée sur trois accords de guitare (do la fa – incomplet – sol) pour Nicolas SIRKIS qui en a fait un imaginaire en solitaire arrangé au piano grelotté évoquant DURAS ou Jean HOUGRON ». BAYON nous confirme que dans l’esprit de MURAT ce titre fait bien référence à la guerre d’Indochine … Il ne pouvait en être autrement. Le talent de Jean-Louis aura été de laisser une fenêtre ouverte à ce que voulait SIRKIS : un hommage à l’aventure du groupe qui selon lui vivait ses dernières heures.
Sur cette même page BAYON interroge MURAT : « Si tu avais vécu à une autre époque … Préhistoire ou ménestrel ? ». Réponse de MURAT : « A la guerre. Un homme de commandement, cruel et capricieux, grec un peu ».
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En octobre 2006 dans le magazine « Platine » MURAT nous dit tout le bien qu’il pense de CAMILLE : « Celle que j’ai le plus aidée, c’est CAMILLE : j’ai été un des premiers à croire en elle, alors qu’elle n’était pas signée. J’ai entendu sa cassette, que m’avait fait passer parmi d’autres un assistant du directeur artistique chez Virgin, et j’ai trouvé ça tellement bien que j’ai embêté tout le monde pour qu’ils la signent. Elle était encore étudiante, c’était il y a sept ans. J’y crois toujours énormément, même si elle n’avait pas besoin d’entremetteur. Elle a une telle personnalité qu’elle aurait été signée de toute façon … » .
Cette fin d’interview est accompagnée de cette magnifique photo …
Voilà c’est ainsi que se termine ce nouvel épisode. Mes choix sont subjectifs. J’ai tenté de privilégier des articles peu connus, des photos que je n’avais pas vues. Je ne pouvais m’empêcher de mettre l’accent sur BAYON lequel a quitté « Libé » de son propre fait, à la fin de l’année 2014, après 37 années de bons et loyaux services envers la culture …
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A suivre …
http://didierlebras.unblog.fr/118-quarto-jean-louis-murat-fait-sa-publicite-4eme-partie/
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ouah c’est beau ! quelle richesse cette caverne d’Ali Baba… des articles rares, des photos inédites, merci Didier !
quel charme, quelle beauté irrésistible l’animal !!
Irrésistible, tu l’as dit Flo !
D
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