- 111 – Jean-Louis MURAT … et la philosophie …
Depuis la plus tendre enfance Jean-Louis BERGHEAUD est un homme tourmenté. Il n’a sans doute pas pire ennemi que lui-même. Jean-Louis BERGHEAUD dit MURAT est et restera un éternel insatisfait. L’homme aime à cultiver le paradoxe. Il est beau. C’est indéniable. Il se trouve moche ! Pour survivre d’abord, puis vivre ensuite, il choisit une carrière de chanteur. Tout irait pour le mieux s’il ne détestait à ce point se donner en public.
En 1993 survient la séparation d’avec Marie AUDIGIER. Sans elle, jamais on n’aurait connu MURAT. Pour le chantre Auvergnat c’est un choc. Privé de sa muse, le voilà qui se meurt de doutes et de questionnements. La rencontre avec Laure DESBRUERE, licenciée en philosophie, va nous changer Jean-Louis BERGHEAUD, lequel (qu’il le veuille ou non) va se rapprocher petit à petit de MURAT.
Le 27 mars 2007, Christophe JACQUET pour le magazine « Philosophie » évoque le personnage MURAT en ces termes : « Loin de son havre de paix Auvergnat, Jean-Louis MURAT se fait bileux. A Paris, le chanteur sacrifie une nouvelle fois à la « promo ». Un rituel pour lui toujours plus désolant, après vingt ans d’une carrière chaotique dans le monde musical. Seul dans cette chambre d’hôtel du Marais, il ne paraît pas tout à fait en dernier poète rock Français ou en pourfendeur de la médiocrité sur les plateaux de télévision. Mais bien, à nouveau, en Jean-Louis BERGHEAUD, ce jeune fils de paysan du puy de Dôme qui, promis à une place de plombier zingueur, s’est battu pour aller au lycée, sans pouvoir poursuivre à l’université. D’emblée, il se met à nu. Comment lui, le « frustré des études » peut-il bien parler de philosophie ? Avec la littérature, elle est pourtant l’inspiration de fond de ses textes exaltant la nature et l’amour courtois ». Le journaliste a parfaitement résumé MURAT en faisant état de cette « frustration des études« . Depuis, MURAT ou BERGHEAUD ou les deux à la fois, ont soif d’apprendre, soif de comprendre.
Ce même article nous apprend que MURAT découvre la philosophie dans une période troublée de sa vie. JACQUET d’évoquer : « Ce jour où un ami le recueille en piteux état » et MURAT de préciser : « Je devais avoir 25 ou 26 ans ». Le journaliste de poursuivre : « Il n’avait qu’un seul ouvrage chez lui, Ainsi parlait ZARATHOUSTRAT« . MURAT d’ajouter : « Je l’ai là, cela m’a guéri même si je n’ai absolument rien compris. le style parlait à mon oreille musicale ». JACQUET de conclure : « Cette expérience instructive de la « musicalité et la poésie d’une pensée » fonde sa relation à la philosophie ».
Traduit par Frédéric ALBERT, je vous propose in extenso la lecture du prologue (1) de ce ZARATHOUSTRA …
« Lorsque ZARATHOUSTRA eut atteint sa trentième année, il quitta sa patrie et le lac de sa patrie et s’an alla dans la montagne. Là il jouit de son esprit et de sa solitude et ne se lassa point durant dix années. Mais enfin son cœur se transforma, et un matin, se levant avec l’aurore, il s’avança devant le soleil et lui parla ainsi :
« Oh grand astre ! Quel serait ton bonheur, si tu n’avais pas ceux que tu éclaires ? ».
Depuis dix ans que tu viens vers ma caverne : tu te serais lassé de la lumière et de ce chemin, sans moi, mon aigle et mon serpent. Mais nous t’attendions chaque matin, nous te prenions ton superflu et nous t’en bénissions.
Voici ! Je suis dégoûté de ma sagesse, comme l’abeille qui a amassé trop de miel. J’ai besoin de mains qui se tendent.
Je voudrais donner et distribuer, jusqu’à ce que les sages parmi les hommes soient redevenus joyeux de leur folie, et les pauvres heureux de leur richesse.
Voilà pourquoi je dois descendre dans les profondeurs, comme tu fais le soir quand tu vas derrière les mers, apportant ta clarté au dessus du monde, comme astre débordant de richesse !
Je dois disparaître ainsi que toi, me coucher, comme disent les hommes vers qui je veux descendre.
Bénis moi donc, œil tranquille qui peux voir sans envie un bonheur même sans mesure !
Bénis la coupe qui vient déborder, que l’eau toute dorée en découle, apportant partout le reflet de la joie.
Vois ! Cette coupe veut se vider à nouveau et ZARATHOUSTRA veut redevenir homme. Ainsi commença le déclin de ZARATHOUSTRA ».
Le propos est poétique et tellement profond à la fois. J’admire ceux qui manient avec un égal talent rigueur et inventivité. Voilà qui nous oblige à beaucoup d’humilité (MURAT y compris qui le sait trop bien) … et moi pauvre de moi (qui ne suis rien) … tellement plus encore !
NIETSSCHE nous transporte à des années lumières, vers d’autres sphères, revenons sur terre. En 1993 MURAT rencontre Laure qui va l’initier à la peinture et l’entraîner sur les chemins de la philosophie. « Le gai savoir » devient son livre de chevet. MURAT confie à Christophe JACQUET : « Un grand philosophe est d’abord un grand écrivain ». Plus loin il confesse : « Ma sensibilité m’attire vers ceux qui pensent qu’il y a plus grand que soi. Je m’inocule leur mélodie, elle dissipe les ténèbres et m’aide à bâtir un château invisible où le quotidien est viable ». Le journaliste d’ajouter : « Jean-Louis MURAT exècre « les orgueilleux », les ATTILA » estimant qu’ils seront les derniers. Et de citer pêle-mêle PLATON, SARTRE, BACHERLARD, DERRIDA … » MURAT de conclure : « Cela s’entend dans leurs écrits, personne ne peut plus penser après eux » puis de lâcher : « J’ai les arrogances et les imprécisions d’un autodidacte ».
En toute fin d’article JACQUET écrit : « NIETZSCHE l’a guéri de cette obsession de « l’âme » qui phagocytait ses chansons jusqu’à l’album DOLORES en 1996″. Pour clôre cet article MURAT se qualifie lui-même : « d’éternel étudiant ». Il avoue à JACQUET : « Je vais bientôt passer cinq ans sur SPINOZA ».
Le 26 mars 2002 pour « Chronicart.com » MURAT déclare à Philippe ANDRIEU : « Je n’ai jamais fait de philosophie, je n’y connais rien mais ma copine a une espèce de bibliothèque de philo et je me suis plongé là-dedans l’année dernière et notamment dans NIETZSCHE que j’ai beaucoup lu. Je suis assez d’accord sur l’idée que l’âme est une invention, et que ce qui empêche d’être heureux, c’est de penser qu’on a une âme. NIETZSCHE dit que l’âme est une invention de PLATON si je me souviens bien, et une fois que l’âme a été inventée la religion chrétienne est arrivée la dessus, et les gens se sont mis à avoir souci de leur âme. Personnellement j’ai fait beaucoup de chansons où je parlais de mon âme, où j’avais souci de mon âme. En lisant NIETZSCHE je me suis rendu compte que j’avais tout faux. L’âme n’existe pas. C’est une conception romantico chrétienne qui nous entrave, qui nous empêche d’âtre heureux. Parce que du coup, on n’est jamais dans le présent, on est soit dans la remémoration du passé, soit dans la projection du futur, en train de remplir cette saloperie d’âme que personne n’a jamais vue, dont personne ne sait ce que c’est. Et tu te retrouves à l’église pour sauver ton âme … Bref, c’est un piège ».
Le 18 avril 2005 pour « Polystyrène » MURAT évoquant NIETZSCHE déclare à Philippe SCHWEYER : « Il y a une espèce de dégringolade depuis vingt trente ans. Il faut remonter la pente en reprenant l’habitude de penser contre soi. C’est ce qui manque beaucoup en France ».
Le 13 mai 2008, au cours d’une interview croisée avec les lecteurs du journal « Télérama » MURAT est amené à répondre à ces deux questions : « La paresse est une valeur humaine en train de disparaître, n’as tu pas l’impression de rester un des derniers ambassadeurs de cette paresse. Essayer de redonner aux gens le goût de la paresse ». Réponse : « Si vous voulez parler de contemplation, il y a plus à prendre en Auvergne que Place de la Concorde … Et je pense que savoir travailler, c’est d’abord savoir se reposer ». (…) « Qu’est ce que vous n’aimez pas chez vous ? » Réponse : « Je suis dans un jeu assez complexe : je n’apprécie pas particulièrement MURAT. BERGHEAUD m’insupporte très souvent. Le moi-même qui est mon essence a du mal à se retrouver avec tous ces différents personnages. C’est une douce dinguerie. Seul avec moi-même, je sais m’arranger. Je dois bien avouer que ce MURAT, avec sa complaisance facile pour la connerie, m’empêche de vendre des disques, m’évite d’être populaire, mais me protège aussi. La langue de bois est le langage des vies pauvres. Je m’efforce chaque jour d’avoir une vie riche ».
Le 24 mars 2013, dans le cadre de la promo « Toboggan » pour le journal « Sud Ouest » Stéphane JONATHAN interviewe MURAT : « Dans quel état d’esprit étiez-vous au moment d’écrire ce « Toboggan ». Réponse : « Très zen. Très méditatif, je lisais beaucoup de philosophie, de poésie, je faisais du sport tous les jours. Ce sont des chansons apaisées ». Le journaliste poursuit : « Est-ce que votre travail s’inscrit dans une quête de soi ? ». Réponse : « J’écris des chansons pour essayer de comprendre qui est ce MURAT qui m’empoisonne la vie. J’essaye de m’éclairer, de mieux savoir à qui j’ai affaire. Toutes mes chansons tournent autour de ça, et elles doivent m’aider à comprendre dans cette époque là quel genre de mec je suis ». Autre questionnement : « Jean-Louis MURAT est très en conflit avec Jean-Louis BERGHEAUD ? ». Réponse : « C’est comme une petite folie, une dinguerie qui s’auto alimente. MURAT est un danger quotidien pour ma tranquillité. J’ai beaucoup d’ennemis, de tracas et c’est toujours MURAT qui est en jeu. Beaucoup d’incompréhension, d’énervement à mon égard … BERGHEAUD est beaucoup plus cool, plus laid back que MURAT qui est un peu trop à cran pour moi ».
En février 2015, pour « Philomag » le sieur FESSON sonde MURAT : « La question qui vous tourmente ? ». La réponse na tarde pas : « Que se passe t’il ? J’aime lire les philosophes pour ça : comprendre plutôt que de rester hébété. Alors tu vois que tout n’est que phénomènes et que tout s’explique ». Re FESSON : « Quel penseur vous accompagne ? » MURAT : « En ce moment c’est Gunther ANDERS et son obsolescence de l’homme. Herbert MARCUSE et Philippe MURRAY, SARTRE et HOUELLEBECQ, Anders, c’est tout ça puissance 10, en plus clair et dès les années 1950″. Autre question : « Que retenez-vous de votre éducation ? » Réponse : « Qu’en Auvergne, dans le milieu paysan, l’ennemi c’est l’autre. Que l’on peut tuer avec la langue« .
Voilà, je crois avoir fait le tour. Avec le temps MURAT est devenu philosophe. Gaspard et Justine l’ont surement aidé. Il faut se faire une raison. Notre monde est fou. On n’a pas d’autre choix que de s’y adapter. Si ce n’est pour nous, c’est pour « les autres », ceux qui vont nous succéder : nos enfants.
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Ajout le 13 juillet 2016 …
Le 7 juin 2016 pour « Le Soir » belge MURAT confie à Philippe MANCHE : « L’homme a perdu l’affaire quand il maltraite les animaux« . Voilà une phrase de bon sens qui dit l’état de notre société. Tout est bon pour faire de l’argent. Pour vivre ou survivre il faut écraser le voisin. « Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse » ... Notre société meurt de ses excès. Cela fait des années que MURAT ne cesse de dire que la solution à nos problèmes est en nous. Il ne sert à rien de faire des grands discours. Il suffit que chacun se comporte raisonnablement. Alors pour se donner bonne conscience, on organise des grands messes, des journées de ceci ou de cela … Avec renforts de télés bien entendu. Les vedettes qui font vendre sont mises à contribution. Ce sont toujours les mêmes. Au passage ils s’en foutent plein les fouilles. Le progrès est devenu source de malheurs. Les gens vont vivre jusqu’à 100 ans. Ils vont passer les 10 ou 20 dernières années de leur vie à déambuler dans des mouroirs. Trop c’est trop. Aujourd’hui on ne meurt plus de mort naturelle. L’homme est devenu tellement égoïste qu’il ne veut plus partir, laisser derrière lui une terre propre. Il ne pense qu’à lui. Les dernières années de sa vie ne seront que dépenses pour tenter de survivre encore un jour, une nuit … MURAT résume bien l’affaire lorsqu’il confie au journaliste belge précité : « Si tu veux savoir où en est le monde, vas y demande aux arbres. Va demander à l’oiseau mazouté, à la jument ou au renard ce qu’ils pensent du progrès. Pour commencer , va voir tout ce que la modernité fait à la vie animale « . Et oui, le constat est accablant. Il n’est qu’à regarder autour de nous … Il y a peu, dans le Nord une maman s’est donnée la mort, elle ne percevait plus les minimas sociaux. Pendant ce temps Laurent BLANC quitte le PSG et perçoit en compensation des sommes folles. Demain il reviendra sur nos écrans télé nous faire la morale pour gagner encore du fric … C’est vraiment se foutre du monde. MURAT a raison: c’est vraiment mal barré. Où que vous fixiez les yeux, il n’y a que désespoir. Allez c’est les vacances ! Il nous reste encore certains acquis sociaux. Certains en ont plu que d’autres. Il faut penser à les préserver. Le monde n’est plus qu’égoïsme. Nos deux anciens Présidents dont les mandats auront été des catastrophes, ne pensent qu’à se faire réélire. HOLLANDE distribue des sommes qu’il n’a pas. SARKHO magouille à n’en plus finir. Ce matin j’ai le dégoût de notre société. Ce matin 10 heures, je vais me retrouver face à un petit garçon et ensemble, avec un ballon nous allons jouer, jouer … Il nous reste les enfants. Mais quel monde nous leur laissons ???
Une amie de Facebook a perdu récemment son chat, il avait des yeux superbes, il nous regardait vivre … ébahis que nous puissions ainsi perdre la tête … Il s’appelait « Grégoire » …
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C’est marrant, mais je ressens exactement le contraire de JLM. L’âme justement m’aide à vivre au présent et pas dans une rêverie stérile. Elle apporte en moi une dimension d’éternité permanente et de lien à la nature, aux autres humains, aux animaux, au paysage, par delà l’espace, le temps, la mort comme la vie. L’âme est un canal de passage et de transmission du ciel à la terre et de la terre au ciel, un peu comme l’arche d’alliance, l’arc-en-ciel. C’est une prise directe avec l’au-delà et notre vraie nature. On s’en rend compte lorsqu’on revient d’un coma dépassé…l’âme n’a plus besoin du corps pour se déplacer, entendre, ressentir, éprouver.Et elle n’a plus besoin de voix puisque l’âme peut parler sans son. C’est très surprenant de le constater mais c’est une expérience enrichissante et émouvante aussi.
Bises Didier
Salut Muse …
merci de ton commentaire. L’âme ??? Vaste sujet ! Pour moi ça ne veut rien dire … les curés pédophiles m’interdisent de croire en certaines choses …
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Je comprends, Didier.
Personnellement, j’en suis arrivée au moment de l’adolescence à dissocier foi et religion. Pour moi, la religion salit généralement la foi et la relation personnelle à Dieu. Ce qui fait de moi une croyante pratiquante chez moi et pas à l’église où je ne trouve pas du tout mon compte.
Je préfère passer un moment d’intimité avec Dieu dans le jardin, sous la douche, quand je peins… Ca me parle bien plus que la liturgie communautaire de la messe. La foi, le rapport à l’âme, je les vis comme une étreinte et un dialogue amoureux permanents. De façon spontanée et limpide. Je n’ai pas besoin de formatage religieux pour m’y amener. J’y vais comme on va boire à une source, naturellement. Ce qui me permet une grande cohérence intérieure, qui semble manquer à JLM, éparpillé dans ses conflits de personnalité et ses peurs mystiques.
Quant à celles et ceux qui défigurent la foi, je les ignore après les avoir longuement combattus vu ce qu’ils ont fait à mon paternel et à ma famille.
Et je suis contente de voir les victimes de ces salauds se constituer en associations et mettre en procès et prison leurs tortionnaires, plusieurs décennies plus tard. Certes, encore beaucoup trop s’en sortent mais l’impunité n’existe plus comme à l’époque de ton enfance et je m’en réjouis. J’espère que dans l’avenir il deviendra impossible à ces tristes sires de s’attaquer à des enfants.
Merci de ta réponse MUSE … J’y trouve réconfort …
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J’ai écrit un commentaire, avec une somme astronomique de banalités. Et puis j’ai regardé dehors, enfin il fait beau. Alors j’ai tout effacé.
MERCI !
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