- 101 – MURAT … l’Africain …

En 1972, il a vingt ans, Jean-Louis BERGHEAUD est à AGADIR … Il découvre :

… La plage et les bâteaux qui s’en vont au loin …

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… Une autre civilisation …

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… Les autochtones …

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… Agadir … la nuit … là-bas aussi : « tous les chats sont gris » !

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Jean-Louis BERGHEAUD qui est déjà père, s’en va chercher sa part de vérité de l’autre côté de la Méditerranée. Il est probable qu’il a travaillé dans un centre de vacances pour « Européens friqués » (???).   Est-ce le mythe de RIMBAUD « l’Africain » qui lui trotte dans la tête ??? Petit rappel sur la vie débridée de : « ce poète maudit » :

  • A 21 ans il s’arrête volontairement d’écrire des poèmes.
  •  A 24 ans RIMBAUD qui a soif de liberté, envie de découvrir la monde, qui refuse la société de l’argent roi, quitte la France pour rejoindre Chypre. Il y dirige une équipe d’ouvriers qui exploitent une carrière. 

  • En 1880 RIMBAUD séjourne au Yémen puis en Ethiopie. Il s’adonne à des activités d’import export. Ce premier séjour Africain lui permet de témoigner des modes de vie de ces pays d’Afrique. Les fièvre et la syphilis dégradent  davantage encore une santé chancelante.

Rimbaud à ADEN …

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… 1883RIMBAUD à HARAR … non loin d’ADIS ABEBA …

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… HARAR … dans un champ de café …

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… HARAR … dans un champ de bananes …

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… Voici un cliché d’un quartier d’HARAR vers 1900

harar vers 1900

… la campagne d’HARAR …

HARAR 2

  • Le 3 décembre 1885, le voici à préparer son expédition pour Choa. Ci après, l’intégralité d’une lettre écrite à TADJOURA adressée à sa famille : 

« Mes chers amis,
Je suis ici en train de former ma caravane pour le Choa. « ça       ne va pas vite, comme c’est l’habitude; mais, enfin, je compte me lever d’ici vers la fin de janvier     1886.  Je vais bien. – Envoyez-moi le dictionnaire demandé, à l’adresse donnée. A cette même adresse, par la suite, toutes les communications pour moi. De là on me fera suivre. Ce Tadjoura-ci est annexé depuis un an à la colonie française  d’Obock. C’est un petit village Dankali avec quelques mosquées et quelques palmiers. Il y a un fort, construit jadis par les Egyptiens, et où dorment à présent six soldats français sous les ordres d’un sergent, commandant le poste. On a laissé au pays son petit sultan et son administration indigène. C’est un protectorat. Le commerce du lieu est le trafic des esclaves.  D’ici partent les caravanes des Européens pour le Choa, très  peu de chose; et on ne passe qu’avec de grandes difficultés, les indigènes de toutes ces côtes étant devenus ennemis des Européens, depuis que l’amiral anglais Hewett a fait signer à l’empereur Jean du Tigré un traité abolissant la traite des esclaves, le seul commerce indigène un peu florissant. Cependant, sous le protectorat français, on ne cherche pas à gêner la traite, et cela vaut mieux.  N’allez pas croire que je sois devenu marchand d’esclaves. Les mises que nous importons sont des fusils (vieux fusils à pis ton réformés depuis 40 ans), qui valent chez les marchands de vieilles armes, à Liège, ou en France, 7 ou 8 francs la pièce. Au roi du Choa, Ménélik II, on les vend une quarantaine de francs. Mais il y a dessus des frais énormes, sans parler des dangers de la route, aller et retour. Les gens de la route sont les Dankalis, pasteurs bédouins, musulmans fanatiques : ils sont à craindre. Il est vrai que nous marchons  avec des armes à feu et les bédouins n’ont que des lances : mais toutes les caravanes sont attaquées. Une fois la rivière Hawache passée, on entre dans les domaines       du puissant roi Ménélik. Là, ce sont des agriculteurs chrétiens; le pays est très élevé, jusqu’à  3 000 mètres au-dessus de la mer; le climat est excellent; la vie est absolument pour rien; tous les produits de l’Europe poussent; on est bien vu de la population. Il pleut là six mois de l’année, comme au Harar, qui est un des contreforts de ce grand massif éthiopien.        
Je vous souhaite bonne santé et prospérité pour l’an 1886.
      A. Rimbaud. Hôtel de l’Univers, Aden« .

Entre 1886 et 1887 il commerce avec le roi de Chao. Cette entreprise tourne au désastre.

  • En 1888 et 1890 il poursuit tant bien que mal ses activités commerciales en Abyssinie. Voici l’extrait d’une lettre rédigée à l’intention de sa mère et de sa sœur,  datée du 25 février 1890 : « Ne vous étonnez pas que je n’écrive guère : le principal motif serait que je ne trouve jamais rien d’intéressant à dire. Car, lorsqu’on est dans des pays comme ceux-ci, on a plus à demander qu’à dire ! Des déserts peuplés de nègres stupides, sans routes, sans courriers, sans voyageurs : que voulez-vous qu’on vous écrive de là ? Qu’on s’ennuie, qu’on s’embête, qu’on s’abrutit ; qu’on en a assez, mais qu’on ne peut pas en finir, etc., etc. ! »

  •  Gravement malade il rentre en France. Il sait que ses jours sont comptés. Voici l’extrait d’un courrier adressé à sa sœur Isabelle daté du 10 Juillet  1891. C’est Isabelle qui va l’accompagner jusqu’à sa mort : « Et moi qui justement avais décidé de rentrer en France cet été pour me marier ! Adieu mariage, adieu famille, adieu avenir ! Ma vie est passée, je ne suis qu’un tronçon immobile. »

  •     10 novembre 1891 RIMBAUD meurt à Marseille. Il n’a que 37 ans ! Paris ne sera informé de sa mort qu’au début du mois de Décembre …

La vie de RIMBAUD, courte, n’aura pas été un long fleuve tranquille. Vivre dans la marge, sans respecter les critères de la « normalité » ne vous simplifie pas la vie. Aucune comparaison entre RIMBAUD et BERGHEAUD me direz-vous vous ? Pas si sûr ! En 1970 l’Auvergnat est à l’Ile de Wight. En 1972 à Agadir. En 1977 Jean-Louis BERGHEAUD survit à Paris. Il va de petits boulots en petits boulots. La débrouillardise lui sert de mode de vie. En 1977, dépressif, il décide de tout laisser tomber. C’est sur : « Il n’aura plus de patron ». Il s’agit là comme il le dira plus tard d’une décision « Rimbaldienne ». Il forme le groupe « Clara ». Passant par des hauts et surtout des bas il parviendra à ses fins. L’apport et le soutien sans faille, vaille que vaille de Marie AUDIGIER, une fonceuse, une teigneuse, une étudiante pleine de vie et d’enthousiasme lui sera très précieuse. Sans MARIE rien n’aurait été possible.  MARIE la petite fille du pays de « Babel » a toujours été là, surtout dans les moments les plus pénibles. En 1989 MURAT aurait pu surfer sur le succès de « Cheyenne Autumn ». Il refuse la facilité. Il se met en marge du système. Pire, il se met à dos l’ensemble des décideurs qu’ils soient hommes du spectacle ou de la télévision. Ce comportement suicidaire est parfaitement Rimbaldien. Contre vents et marée MURAT survit. Mieux, année après année il nous délivre un nouvel opus. Jusque ce magnifique double album « Babel » ! Pour moi cet album, écrit alors que son père est en train de mourir, est un hymne à la vie, un grand merci à Marie. Les avis sur cet album semblent unanimes : « Tout est bon ».  Ah j’oubliais : « Camping à la ferme ». C’est vrai que ce titre n’est pas du niveau de « Frelons d’Asie ». Mais par contre, dans ce monde morose, dans ce pays de fous, quelle belle leçon d’optimisme ! Bravo à Gaspard et Justine, leurs éclats de rire me font chaud au cœur. Je sais que MURAT et Laure sont des parents heureux, même s’ils sont soucieux de demain. Mais n’est ce pas là le propre des parents d’aujourd’hui qui, tous se demandent de quoi demain sera fait pour leurs enfants … 

Plusieurs fois MURAT a manifesté le désir, la volonté de partir sur le continent Africain pour y commettre un nouvel album. Pour des raisons financières cela ne s’est jamais fait. Un jour peut-être ??? Il y a quelques années MURAT rendait hommage à Blaise CENDRARS pour l’écriture du long poème Transsibérien. Sur une musique de MURAT, un autre Jean-Louis nommé TRINTIGNANT lisait ce magnifique texte. Pour des raisons obscures ce projet n’a jamais vu le jour. Hélas ! En 2013 LAVILLLIERS sur son dernier album faisait ce que MURAT avait projeté de faire. Et si « Chant Soviet » chanson venue de nulle part était une façon pour MURAT de rendre hommage à ce jeune homme fou qu’était Blaise CENDRARS ??? J’y reviendrai …

Je m’éloigne de mon propos initial. C’était quoi déjà ???  L’Afrique, j’y englobe pour des raisons de commodité tous les pays situés de l’autre côté de la Méditerranée. Ce n’est pas tant le pays qui compte, c’est l’évasion qu’il représente, la recherche, la quête d’autre chose, d’un ailleurs tellement désirable et toujours mieux que celui qui fait notre vie de tous les jours.  Le 16 octobre, sur ma boîte mail, je reçois une demande de renseignements sur MURAT et son oeuvre. Le tout est adressé depuis Brazzaville au Congo. Je vous en livre la teneur : « Je voudrais tout connaître de sa musique non pas dans le but de posséder mais juste parce que j’aime et qu’il y a encore beaucoup à découvrir. En quelque sorte vous êtes ma porte d’entrée vers ces nouveaux horizons, donc si vous aviez la gentillesse de me donner des liens valides vers les faces est ouest et sud, (je connais la face nord) ou d’autres inédits, j’en serais vraiment très heureux (et ma femme aussi), je n’ai pas encore réussi à convertir mes enfants, mais je les surprends à fredonner ses chansons … Cordialement ».  Partager MURAT est le meilleur moyen de faire vivre ce chanteur à nul autre pareil. J’ai souvenir d’une demande faite sur la DOLO émanant d’un jeune étudiant qui se trouvait au Pérou je crois. Le silence assourdissant de l’époque m’avait estomaqué. Je faisais mes premiers pas en « Muratie » je n’avais osé rien dire. Je l’ai toujours regretté … Mais revenons à « notre ami du Congo » qui, à ma demande, les jours suivants, m’adresse ce texte explicatif sur le rapport qu’il entretient avec le chanteur d’Orcival. Je vous livre in extenso sa réponse : « J’ai commencé à aimer Murat comme beaucoup, je pense, avec l’album Mustango, à partir de là j’ai toujours été fidèle et toujours attendu avec impatience l’album suivant qui tourne en boucle à chaque sortie, comme Babel en ce moment, comme je vous le disais précédemment il y a quelque chose d’addictif avec Murat. Ce que j’aime dans sa musique, c’est la mélancolie qu’elle dégage mêlée à cet attachement à la Terre et puis le côté rock aussi, sauvage, le mystère, la poésie des textes, cela me renvoie à ma jeunesse passée dans un petit village Ariégeois, quand je vois les images de « Murat en plein Air », je me revois à faire des photos noir et blanc granuleuses d’une chapelle, de croix de pierre, de champs traversés de barbelés, qui ressemblent étrangement au film, je partage cette sensibilité. Sinon, en ce moment nous sommes expatriés au Congo Brazzaville, nous vivons à Pointe-Noire depuis 3 ans, et nous avons également passé 3 années à Abu Dhabi avant de venir en Afrique. Avant de partir en expatriation en 2009, nous vivions à Paris et nous avions assisté à 2 concerts de JLM, dont un mémorable à l’Européen pour sa tournée Tristan en solo. Depuis à défaut de pouvoir le voir dans ces pays nous avons amené sa musique dans nos bagages et avons écouté ses chansons dans le désert, sur les routes d’Oman, dans la brousse, la savane et la forêt équatoriale, il nous accompagne dans les coins les plus reculés … Voilà ce que je peux vous dire. Amicalement. Michel. »

L’espace d’une journée j’ai été heureux de savoir que là-bas au CONGO le « Brenoï » comptait des admirateurs. Michel m’indique par ailleurs que sur place il ne lui est pas possible de trouver les CD et disques de MURAT. Voici ce qu’il m’en dit : « Concernant les disques le plus simple est de passer par le téléchargement, nous achetons les CD lors de nos vacances en France, difficile de trouver des disques de JLM à Pointe-Noire ». Michel m’a adressé quelques photos du pays où il vit. Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager ce périple …

… La mer … l’infini … l’inconnu …

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… les cultures locales …

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… une végétations luxuriante  … ci dessous : un baobab magnifique …

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… La France, là-bas ??? Si loin !

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… Les marais …

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… La montagne …

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… les rues et la terre rouge de Pointe Noire …

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Voilà, pour ce qui me concerne, j’ai fait un beau voyage. Merci à Murat, merci à Marie, merci à Michel de m’avoir permis de m’échapper de la banalité de mon quotidien … 

***

Ajout le 31 mai 2016 …

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Le 15 avril 2016 le nouvel opus de Jean-Louis MURAT j’ai nommé « Morituri » est dans les bacs. Le dernier album de MURAT ? L’artiste laisse planer le doute. Il parle même d’un voyage en Europe avec femme et enfants qui serait la trame d’un nouveau album. Comme toujours les contingences économiques décideront. Un artiste qui n’est pas vendeur est en danger de mort. MURAT fait partie de ceux-là.  C’est hélas pour des raisons de coût que les projets d’album de MURAT hors le continent Européen n’ont pu aboutir. Plaie d’argent n’est pas mortelle ? C’est de moins en moins vrai. Le talent ne suffit plus …

Pour finir j’emprunte à nouveau à MURAT qui semble résigné depuis longtemps sans doute lucide qui nous dit : « N’attends rien »

« N’attend pas le vent le sable

Le sable et le vent

Le mirage, le naufrage

N’attends rien »

(…)

« Comme pour les gens d’Abyssinie

Pour les chercheurs d’or

Il ne te reste qu’un seul pays

L’ombre de ton corps

N’attends rien ».

(…)

Mon amie Florence a réalisé ce magnifique travail illustrant les désirs d’errance de MURAT l’Auvergnat … Je ne peux résister au plaisir de partager … Merci Flo

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***

 

Publié dans : ||le 28 octobre, 2014 |7 Commentaires »

7 Commentaires Commenter.

  1. le 29 octobre, 2014 à 0:42 Armelle R.G. écrit:

    Magnifique! Quel beau témoignage…

    Répondre

  2. le 29 octobre, 2014 à 7:21 didierlebras écrit:

    C’est Michel qu’il faut remercier Armelle … Je ne suis qu’un « passeur » … J’attends avec impatience tes images de paysages d’hiver … Tu vois, je n’ai rien oublié ! Caresses à Mirza ..

    Dernière publication sur  : Jean-Louis MURAT ... il aime ... il n'aime pas ...

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  3. le 3 novembre, 2014 à 21:13 Armand écrit:

    Superbe page,dépaysante, mais faisant partie intégrante de l’univers de Murat…

    Répondre

  4. le 31 mai, 2016 à 9:19 Rhiannon écrit:

    Rimbaud Murat des similitudes certainement. …Nous en avons beaucoup parlé avec Flo et Sophie desetoiles qui fait un travail très intéressant sur les similitudes justement avec certains personnages historiques, elle a d’ailleurs écrit plusieurs ouvrages la dessus. …

    Répondre

  5. le 31 mai, 2016 à 9:26 Sophie Desestoiles écrit:

    Bravo à vous Didier pour cet excellent article qui met bien en évidence les liens spirituels entre Rimbaud et Murat, les ressemblances dans leur façon absolue de vivre et leur goût de la liberté libre. Merci aussi à Florence pour la très belle vidéo sur la chanson  » N’attends rien »

    Répondre

  6. le 31 mai, 2016 à 16:30 Florence écrit:

    Merci Didier de m’avoir associée à ton travail…j’avais moi aussi pensé à Rimbaud et glané quelques photos pour illustrer ce bel inédit.

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